Internet
Healthcare Coalition : Promouvoir à l'échelle internationale la
coopération et la qualité dans le domaine de l'Internet médical
(suite)
Claude
MALHURET
Quelle
analyse lIHC fait-elle de la qualité actuelle des sites consacrés
à la santé ?
LInternet
est un médium de haute efficacité pour le recueil et la diffusion
dinformations médicales et sanitaires, à destination des professionnels
de la santé et du " public " au sens le plus large. Laccès
à ces informations est actuellement tout à fait libre, et généralement
gratuit. Seuls quelques journaux médicaux de qualité offrent un
accès payant, mais la perception de ces redevances est probablement
appelée à se répandre dans les cinq ans. Linteractivité et
la rapidité des recherches thématiques contribuent à la mise au
point doutils professionnels précieux pour le screening
de la littérature médicale et pour la récolte de renseignements
à caractère scientifique et/ou pédagogique.
Le
" public " non professionnel est par contre confronté
à un flot gigantesque dinformations quaucun robot spécialisé
ne se révèle capable à ce jour de trier avec discernement : le mot
" diabète " permet par exemple de consulter 28 000 sites
différents, masse quaucun cerveau humain nest bien sûr
capable de maîtriser. Les prestataires de soins rencontrent aux
Etats-Unis et au Canada une difficulté croissante à rectifier les
opinions hétérodoxes, inadéquates, fausses, mal comprises ou mal
interprétées qui se diffusent avec intensité par ce canal.
Un
engouement particulier se manifeste notamment chez ceux qui sont,
personnellement ou professionnellement, concernés par les maladies
ou les thérapeutiques rares, thèmes qui suscitent des groupes de
discussion et des associations " virtuelles " en grand
nombre, et majorent la "qualification" des patients curieux
et motivés par rapport aux praticiens auxquels ils se confient.
Lordre
du jour portait notamment sur léventualité de la " labellisation "
des sites en santé. Des décisions, ou des recommandations, ont-elles
été prises à cet égard ?
La
question clé posée par lIHC est celle des standards de qualité
: lInternet est à ce jour un médium complètement ouvert, conçu
(par définition) pour nêtre ni contrôlé, ni régulé par quelque
organisme que ce soit.
A
côté des sites professionnels les plus rigoureux (agences gouvernementales,
universités, hôpitaux académiques, journaux médicaux à comité de
lecture sélectif, firmes pharmaceutiques, etc.), on trouve sur le
Net une floraison de sites farfelus ou franchement charlatanesques
: promesses de vie éternelle, de guérison assurée du cancer, de
protection contre les maladies les plus diverses, damincissement
sans contraintes. Les mots clés les plus fréquemment rencontrés
sur ces sites à forte connotation dimposture sont les mots
: médecine(s) alternative(s), homéopathie, herbes, minéraux, vitamines,
cure du cancer, weight control et weight loss. Les
tromperies sur les produits vendus aux " profanes " portent
sur le caractère incomplet ou non critique de linformation
fournie, sur labsence de description rationnelle des produits,
de leurs modes daction et de leurs contre-indications. Ce
problème de rigueur et de pertinence nest bien sûr nullement
spécifique à lunivers dInternet : les impostures et
le charlatanisme ont existé de tout temps ; le Net est toutefois
un amplificateur puissant de ce phénomène, quaucune barrière
physique ou électronique ne peut à ce jour endiguer.
La
qualité des informations médico-sanitaires disponibles sur Internet
est tributaire de deux éléments plus difficiles encore à cerner
que pour dautres médias :
-
le manque de fiabilité (reliability) ;
- le manque de précisions à propos du " contexte " dédition
(le document est-il destiné aux professionnels ou au public ? qui
le signe ? qui en assume la responsabilité ? à quel pays et à quel
type de public cible est-il adressé ?).
Quant
au respect de standards de qualité, il paraît très improbable que
des décisions contraignantes puissent être prises par quiconque :
il nexiste de facto aucune autorité structurée qui
puisse prétendre gouverner lensemble du secteur, pas plus
en France quailleurs. LUniversité dHeidelberg
(lien) inaugure cet hiver son Département de Cybermédecine, et lUniversité
de Genève abrite la Health
On The Net Foundation, qui uvre, en Français et en Anglais,
à la création dun moteur fiable de recherche et à la distribution
de " labels " de qualité pour les sites médicaux,
sanitaires et hospitaliers. Outre ces exemples, des labels issus
dorganismes internationaux constituent la voie la plus plausible :
le label " FDA ",
le label " OMS3",
le label " Vatican ", etc
Les
problèmes de confidentialité sur le Net, notamment concernant les
données de santé, semblent ressentis de façons très différentes
de part et dautre de lAtlantique. La réunion de Washington
vous paraît-elle confirmer cette impression ?
Toute
la question repose ici sur la grande différence culturelle entre
les Nord-Américains et les Européens quant à la portée même des
termes " secret professionnel " et " confidentialité ".
Un patient américain sestime en droit dobtenir la photocopie
de son dossier médical auprès de son médecin.
Il rêve de le placer sur le Net afin que tous les médecins de son
choix puissent y accéder sans entrave. Les assureurs se joignent
à cette demande, sans que cela offusque grand-monde aux Etats-Unis,
semble-t-il !
Les
réseaux américains semblent très peu sécurisés et très rarement
cryptés pour des raisons simples et pragmatiques : dautres
informations bien plus intéressantes pour les internautes indélicats
et délurés, peuvent être glanées sur le Web, ailleurs que dans les
archives médicales des centres hospitaliers (" Who
cares ? "). Une extension très rapide des réseaux
Internet et Intranet banalise le transfert de données médicales
individuelles dun médecin à lautre, grâce au support
du courrier électronique. La frilosité de nos commissions déthique
pour le respect de la vie privée leur paraît quelque peu exotique,
et peu fondée.
Quelles
sont les perspectives de lIHC pour les mois, ou années, à
venir ? Des actions sont-elles prévues plus spécifiquement pour
lInternet européen ?
LIHC
projette de se réunir une fois par an, dassocier les autres
continents à ses travaux, et en particulier lEurope, et délargir
rapidement son audience. La prochaine réunion se tiendra à Chicago,
en automne 1999. Lintention de lIHC est de constituer
des équipes pluridisciplinaires et pointues pour lanimation
et la gestion des sites Web et, désormais, lIHC publiera les
comptes-rendus des conférences sur Internet. En Europe, la Health
on the Net Foundation cherche de son côté à se dégager du cadre
exclusivement genevois (elle est subventionnée par le canton de
Genève) et a déjà créé une succursale en Finlande.
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17
janvier 1999
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