Pr
Pierre Bey
Dominique
Stoppa-Lyonnet
Institut
Curie

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"Les
tests génétiques ne doivent pas faire l’objet d’un
monopole."
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Propos
recueillis par Hervé
Nabarette
6
novembre 2002
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Vous
mettez en avant le problème de la qualité des tests. 10 à 20 %
des mutations ne sont pas détectées par Myriad et le coût des tests
est trois fois supérieur à ceux réalisés en France. Comment peut-on
expliquer que l’OEB décerne un brevet et garantisse le monopole
à des tests dont les carences sont soulignées par ailleurs ?
L’OEB a attribué
trois brevets à Myriad Genetics :
- Le brevet
EP 699 754, attribué en janvier 2001, porte sur une méthode de
diagnostic de prédisposition au cancer du sein et de l’ovaire
associée à une altération du gène BRCA1. C’est un brevet de procédé
qui porte sur l’utilisation de la séquence du gène BRCA1 pour
un diagnostic de prédisposition quelque soit la ou les techniques
utilisées au laboratoire ;
- Le brevet
EP 705 903, attribué en mai 2001, concerne quelques mutations
particulières associées à un risque de cancer du sein et de l’ovaire
et quelques polymorphismes sans prédisposition associée ;
- Le brevet
EP 705 902, brevet attribué en novembre 2001 est un brevet produit
qui protège toute application actuelle et future concernant le
diagnostic de prédisposition, sa prévention et le traitement des
cancers associés.
L’OEB
a retenu que les critères classiques de brevetabilité : nouveauté,
invention, application industrielle étaient réunis. Il n’a pas à
juger de la façon dont le breveté exerce ses droits : la revendication
du monopole de l’invention, c’est à dire, d’après le brevet EP 699
754, la réalisation d’un diagnostic de prédisposition. L’OEB ne
juge donc pas plus de la technique utilisée pour le diagnostic de
prédisposition que de son efficacité et de son coût. Quand tout
laboratoire de génétique moléculaire est capable de détecter des
mutations de n’importe quel gène, il devient évident que le droit
de monopole appliqué aux tests génétiques n’est plus adapté.
Vous
soulignez que ce brevet et ses conséquences s’opposent à une conception
de la santé publique fondée sur la prise en charge globale et pluridisciplinaire.
Plus précisément, en quoi l’organisation du dépistage et du suivi
qui découle du brevet de Myriad Genetics remet-elle en cause la
qualité de la filière de soins ?
La
prise en charge multidisciplinaire d’une personne ne commence pas
à l’annonce d’un résultat défavorable d’un test. L’information,
la prise de décision, nécessitent différentes consultations avec
le généticien, le psycho-oncologue et le sénologue qui discuteront
des enjeux individuels d’une telle démarche en terme de prise en
charge, et de retentissements individuels, familiaux et sociaux
possibles. Les décrets d’application des lois de Bioéthique se sont
particulièrement attachés à encadrer la prescription des tests chez
les sujets atteints et indemnes (voir encadré).
De
plus, aujourd’hui les indications des tests BRCA doivent être réservées
à des situations particulières, en général des formes familiales
de cancers du sein et/ou de l’ovaire. Ces indications font l’objet
d’un consensus des professionnels. Elles ne reflètent pas tant les
capacités des laboratoires mais le fait que l’on manque encore de
recul sur l’estimation des risques de cancers du sein et de l’ovaire
lorsqu’une mutation a été identifiée à partir d’études réalisées
dans la population générale. Ces risques pourraient être plus faibles.
En d’autres termes, il est encore trop tôt pour une diffusion large
de ces tests. Or, on peut craindre des campagnes de marketing larges
de la part de Myriad Genetics en Europe comme cette société le fait
déjà aux Etats Unis : des spots publicitaires exhortent les
femmes à demander un "BRCA analysis" à leur médecin, l’acronyme
BRAC ayant été redéfinie en Be Ready Against Cancer !
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