Novembre 2000
Claude
Maffioli
Président de
la CSMF
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"Que
chacun prenne ses responsabilités"
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Propos recueillis par
Mathieu
Ozanam
25 octobre
2000
Alors quen février vous parliez dun « frémissement »
du côté de la CNAMTS et que Jean-Marie Spaeth vous paraissait plus
enclin à vous écouter, vous lancez aujourdhui une campagne
de harcèlement. Si vous entrez en guerre contre le ministère et
que vous ne pouvez pas vous entendre avec lassurance maladie,
navez-vous pas peur dêtre isolés ? Et pour reprendre
le titre de lun des ateliers de votre université dété
de Ramatuelle, comment sortir de limpasse ?
En février javais
effectivement cru comprendre que le président de la CNAMTS prenait
conscience dêtre dans une impasse dans la mesure où les partenaires
conventionnels ne disposent plus daucune marge de manuvre,
plus daucun pouvoir, révélant que nous sommes dans une logique
qui nous mène petit à petit à létatisation du système de santé.
Depuis, M. Spaeth ne cesse de répéter à satiété son argument :
« je ne fais quappliquer la loi ». En un certain
sens il a raison, les événements démontrent quil nest
que la courroie de transmission du gouvernement.
Au sujet de lisolement
que vous évoquez je vous répondrai en trois points. Le résultat
électoral que nous avons obtenu en mai dernier, avec soit dit en
passant un taux de participation
que nous envie beaucoup de politiques, traduit le soutien
de près de 80% des médecins à la politique que nous menons depuis
5 ans et est un plébiscite pour notre projet politique pour lavenir.
Je ne me sens donc pas du tout isolé. En revanche ceux qui ont participé
à la politique pro-gouvernemental se trouvent aujourdhui marginalisés
et ultra-minoritaires.
Par ailleurs le constat que nous faisons est partagé par toutes
les autres professions de santé qui nous rejoignent peu à peu. Remarquez
quaujourdhui ce sont les kinésithérapeutes qui font
les plus grandes manifestation. Nous sommes donc pas non plus isolés
au niveau du corps médical.
Enfin à part madame
Aubry qui est auto-satisfaite, les différents interlocuteurs que
nous rencontrons, y compris ceux de la
majorité gouvernementale, admettent que nous nous trouvons
dans une impasse : plus de vie conventionnelle, un Etat omniprésent,
un système de régulation comptable qui a montré son échec itératif.
Si chaque année lobjectif est dépassé, cest bien que
ce système ne fonctionne pas.
Forts de nos résultats
aux élections des Unions et face à la passivité du président de
la CNAMTS nous avons décidé en juillet, en association avec le SML
et la FMF, dinviter toutes les composantes de son Conseil
dAdministration à venir discuter, afin de revoir les modes
de fonctionnement du système et de pouvoir élaborer un projet alternatif,
un peu sur le modèle de la refondation sociale du MEDEF.
En juillet la CGT et
FO, deux syndicats
qui sont dans lopposition à la CNAMTS,
sétaient déplacés donc rien que de très normal, mais
la CFTC qui fait partie de la majorité de gestion était là. Pour
la deuxième réunion, le 20 septembre, la CGC nous avait rejoint.
Nous ne savons pas ce que décidera de faire le MEDEF, mais du côté
des salariés il ne manque plus que la CFDT. Je constate donc que
nous ne sommes pas les seuls à faire le constat des limites du système
et à vouloir trouver une porte de sortie.
Quand rendrez-vous vos conclusions ?
Nous ne nous sommes
pas fixé de date limite pour nos réunions, afin que le débat reste
ouvert et de façon à revoir sans tabou tous les problèmes. En règle
générale les négociations dont les échéances sont fixées longtemps
à lavance ne sont jamais respectées, nous avons donc voulu
préserver notre liberté. Les réunions « politiques » ont
lieu une fois par mois, et entre chacune dentre elles des
groupes de travail font progresser les débats. Nous venons de mettre
en place la méthode de travail, le temps dira combien de temps il
nous faut.
La Fédération nationale des médecins radiologues (FNMR), tout en
soutenant votre action, préfère sengager « dorénavant
dans une autre logique qui privilégie les relations avec les patients
et les usagers » du système de santé. Les intérêts des médecins
et des patients seraient-ils opposés ?
Je tiens tout dabord
à préciser quil sagit en réalité uniquement de la position
de son président, depuis démissionné par son conseil dadministration,
de nouvelles élections devant avoir lieu prochainement. Ensuite
je ne constate aucune contradiction entre ces propos et notre position.
Nous avons plusieurs cibles : les parlementaires, le gouvernement,
les caisses dassurance maladie et les patients. Nous voulons
développer à leur endroit un message pédagogique pour les mettre
en garde contre la mise en place dun genre de système à langlaise,
cest-à-dire un rationnement des soins ou une perte de la qualité
des soins induite par une vision purement comptable. Lexemple
des radiologues est à ce titre révélatrice : il a fallu que
lon saperçoive que la Turquie talonnait la France pour
les IRM pour quil y ait un sursaut.
En dépit de limage dont on nous affuble, nous ne tenons pas
un discours corporatiste mais prônons la défense du couple médecin-patient
et la défense de la qualité de la médecine au service du patient.
Si demain nous adoptons un système anglais, italien ou espagnol,
les médecins ne seront pas les plus malheureux : une fois quils
ont vu les patients ( et je rappelle quune consultation dure
3 minutes en Espagne), le médecin va ensuite poursuivre ses activités
professionnelles dans le privé. Le problème cest linstitutionnalisation
de la médecine à deux vitesses où ceux qui nont pas de moyens
suffisants ne peuvent avoir recours quà une médecine de mauvaise
qualité. Notre combat
est donc celui de la défense des patients. Au mois daoût,
la valeur de certains actes a été diminué, ce qui revient finalement
à dire aux médecins « Faites moins dactes, vous serez
mieux rémunérés ». Les médecins sont donc incités à rationner
les soins et à ne pas répondre à la demande de la population.
En janvier vous regrettiez que la France « tarde à engager la réflexion
sur le panier de soins remboursables » estimant que l'assurance-maladie
ne peut plus tout prendre en charge. Nest-ce pas une autre
façon dinstituer une médecine à deux vitesses ?
Le panier de soins
sera un élément du débat majeur des années à vernir. Dun côté
on nous dit quil ny aura pas suffisamment de ressources
pour faire face aux dépenses de santé. Tout le monde dit que le
différentiel va aller en saccentuant. Moi, je refuse la politique
actuelle qui consiste à dire quil faut continuer à se débrouiller
avec lenveloppe actuelle où les politiques continueraient
à définir des budgets et où les médecins seraient chargés de gérer
le rationnement. Que chacun prenne ses responsabilités. Au politique
de prendre les siennes en définissant ce qui doit ou non être remboursé
en toute transparence, mais cest vrai quélectoralement
cela comporte un vrai risque
Quant au problème de
la médecine à deux vitesses, ny sommes-nous pas déjà ?
Je pense quil sagit dun faux débat. La définition
dun panier de biens et services rendrait les choses transparentes
et rationnelles. Idéologiquement la gauche se refuse à parler
dun choix de panier, mais dans les faits elle narrête
pas de le faire. La CMU en est un exemple clair, et quand Martine
Aubry décide de dérembourser certains médicaments, que fait-elle
dautre quinstituer insidieusement un panier de soins ?
Suite
et fin (2/2)   
25 octobre 2000
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