Décembre
2000
Claude
Le Pen
Economiste
de la santé
Université Paris-Dauphine
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"
Les dépenses de santé vont continuer à croître (..)
c’est une bonne chose ! " |
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Propos recueillis
par Mathieu
Ozanam
20
novembre 2000
Suite
et fin (2/2)
Abordons
à présent la question des médicaments. Votre étude « quelle
croissance pour les dépenses pharmaceutiques ? » conclue
que la croissance des dépenses de santé liée au médicament
est inéluctable et que ce qui pouvait être fait (RMO, générique,
déremboursement) ne constituait que des mesures ponctuelles
qui n’enraieront pas les dépenses de santé.
Non
seulement les dépenses de santé vont continuer à croître mais,
il faut le dire, en plus c’est une bonne chose ! il n’existe
pas un seul pays développé dans lequel les dépenses de santé
diminuent. Dans ces sociétés, la santé est un bien « supérieur »,
c’est-à-dire un bien dont la consommation augmente avec le niveau
de développement. En Grande-Bretagne par exemple, les citoyens
exercent une forte pression pour faire augmenter les dépenses
pour améliorer la qualité des soins. Il faut vite se débarrasser
de cette idée de diminution des dépenses car elle ne correspond
ni au souhait ni à la volonté des Français et aux besoins de
la société. Tout le problème est de savoir quel est le taux
de croissance raisonnable. Dans notre étude nous avons voulu
montrer que cette croissance obéit à une certaine logique. La
logique de la démographie, de la technique, de la médicalisation,
de la croissance du niveau de vie. Aujourd’hui nous constatons
que le taux de croissance effectif se situe autour de 5-6% par
an, ni plus ni moins que ce que l’on observe dans les autres
pays. J’observe d’ailleurs que le gouvernement en prend acte
puisque ayant fixé un taux de 2,5% il ratifie en fin d’exercice
un taux effectif qui est toujours supérieur au taux planifié.
Il prend donc acte du fait que les besoins de la société sont
supérieurs à ce qui a été prévu. S’il croyait à cette planification
il sanctionnerait, mais il ne le fait pas ou peu. Rappelons
que maîtriser les dépenses de santé, cela ne signifie pas les
faire diminuer, mais les canaliser pour s’assurer qu’il ne s’agit
pas de gaspillage. En 5 ans des efforts ont été fait, des politiques
ont été mises en œuvre, dans le médicament les génériques se
développent, tous les médicaments ont été réévalués, les dépenses
promotionnelles de laboratoires ont été taxées ou diminuées.
On peut parler de retard, mais pas faire comme si ces mesures
n’existaient pas.
Toutes les
dépenses ne pourront être couvertes par l’assurance maladie,
faut-il relancer le débat sur le panier de biens et services ?
Une
fois qu’on a pris acte de cette progression continue, que faut-il
faire ? La financer avec des impôts ou des cotisations
ou n’en prendre en charge qu’une partie ? Il y a plusieurs
étapes : d’abord la reconnaissance du fait de la croissance,
la recherche des moyens de financements appropriés, la prise
des décisions institutionnelles qui s’imposent.
Ne sommes-nous
pas en train de franchir cette première étape ?
J’ai
effectivement été surpris par les réactions qu’a suscité cette
étude car on ne disait rien de très original par rapport à ce
qu’on répète depuis longtemps. Mais le message semble être passé,
y compris à l’assemblée nationale. Les gens se rendent compte
que le débat sur la croissance est politique et tourne un peu
au ridicule avec la définition comptable de l’ONDAM.
Que pensez-vous
de l’étude MEDICAM de la CNAMTS ?
Sur
le plan technique la seule nouveauté réside dans la différence
entre le médicament remboursable, que nous connaissions, et
le médicament remboursé. Cet écart est minime pour les médicaments
prescrits, mais peut être important pour les médicaments semi-éthiques.
Les statistiques du GERS ne classaient les médicaments qu’en
fonction de leur statut (remboursable ou pas) et non en fonction
de l’acte réel de remboursement.
L’autre
nouveauté c’est que l’étude vient du payeur lui-même qui
sait enfin ce qu’il rembourse. En étant ironique, on pourrait
faire remarquer qu’il a fallu attendre 50 ans pour que la CNAMTS
sache enfin quels médicaments elle remboursait. N’importe quel
organisme gestionnaire aurait eu cette démarche, cela fait par
exemple longtemps que les patrons de HMO américains connaissent
ces informations. Il serait d’ailleurs intéressant que la CNAMTS
rende ces données accessibles aux chercheurs. Nous disposons
finalement de peu de données pour faire des études économiques
sur la place du médicament, son évolution, etc…
Enfin
il faut bien se rendre compte qu’il s’agit aujourd’hui d’une
photographie. Les données MEDICAM prendront tout leur sens dans
10 ans, lorsque l’on pourra observer la dynamique des évolutions,
la part de l’innovation, la façon dont les technologies créent
leur propre marché, les effets de substitution de certains médicaments
à d’autres, l’impact de la génériquisations de certaines classes,
la généralisation ou non de l’automédication.
De quelle façon voyez-vous l’avenir des laboratoires français
face aux regroupements des laboratoires étrangers ?
Il
y a une nouvelle économie pharmaceutique fondée sur l’innovation,
sur les nouvelles technologies (biotechnologies, génomique).
Il n’est pas possible de survivre sans innovation, mais qui
dit innovation dit risque. Cela pousse à la concentration du
secteur car plus on est gros plus on peut diversifier le risque. L’industrie
pharmaceutique sera beaucoup moins une économie de rente, de
contacts avec le médecin, la promotion aura moins d’importance
par rapport à la communication scientifique.
La
France est le 4ème marché mondial après les Etats-Unis, le Japon
et l’Allemagne. La France ne sera donc jamais négligée. Toute
la question réside dans le fait de savoir si la France continuera
à accueillir toutes les activités pharmaceutiques, en terme
de recherche pharmaceutique, de production, d’essais thérapeutiques.
On ne le sait pas toujours mais le nombre d’essais thérapeutiques
réalisés en France tend à diminuer. Rien n’est joué car pour
la grande industrie mondiale, la France ne présente pas beaucoup
d’attraits : la réglementation est très stricte, les prix
sont bas, les laboratoires doivent payer des amendes chaque
année. Mais l’atout du marché est important, les choses peuvent
évoluer.
L’industrie
française connaît elle, aussi des mouvements de concentration :
Rhône-Poulenc, qui est dans un conglomérat franco-germano-américain
avec des centres de décision multiples et pas toujours faciles
à identifier de l’extérieur ; Sanofi-Synthélabo qui se
sont rapprochés dans une démarche franco-française qui n’est
peut-être pas terminée. Les indépendants vont aussi devoir opérer
des choix stratégiques à court terme, la balle est dans leur
camp.
Et enfin notre traditionnelle question : quels sont les
sites que vous fréquentez ?
Les
sites que j’utilise le plus, ce sont les moteurs de recherche,
puisque sur Internet on passe son temps à chercher. Sinon
je visite régulièrement les sites institutionnels comme l’Agence
du médicament. Je vais aussi très souvent sur legifrance ou sur les
sites des institutions européennes pour récupérer les textes
réglementaires, décrets, circulaires et sur Pubmed pour avoir
un accès à Medline pour mes recherches bibliographiques. De
plus en plus de données sont en ligne et cela facilite grandement
notre travail. Sur le plan e-commerce, la plupart des voyages
de mon équipe et de moi-même (avion, train, location de voiture,
hôtels) sont réglés sur Internet. On achète via le net de plus
en plus de matériel et de logiciels informatiques et aussi beaucoup
de livres aux Etats-Unis par Amazon.. Donc un usage très professionnel
d’Internet Lorsque je veux me distraire j’ai d’autres ressources
qu’Internet.