Deuxième congrès de
l’Internet Healthcare Coalition

Le grand bond en avant de
l’Internet médical en 1999

Suite et fin (2/2)

On comprend mieux dès lors qu’un certain nombre de conférences et de symposiums soient nécessaires pour maîtriser un tel bouillonnement et mettre de l’ordre dans les idées. C’est ce à quoi se sont employés les participants au congrès de l’Internet Healthcare Coalition. Les thèmes retenus sont tout à fait représentatifs des problèmes qui se posent aujourd’hui.

Quelques-uns des participants au 2ème congrès de
l'Internet Healthcare Coalition

Premier sujet d’interrogation : "Fixing the broken link" ("Comment renouer les liens"). Le succès de l’Internet médical aux Etats-Unis n’est pas sans rapport avec une véritable crise du système de soins qui s’aggrave depuis trois ou quatre ans. La perception d’une dérive exponentielle des coûts de santé a conduit ses gestionnaires (HMO, PPO, etc.) à tenter un freinage désespéré des dépenses, en exerçant une formidable pression sur les médecins. Ceux-ci, pour maintenir leur pouvoir d’achat, l’ont répercuté sur les patients : coupes sombres sur les prescriptions, sur les examens complémentaires, diminution des durées de consultation… Le résultat, illustré par des sondages catastrophiques et la multiplication des contentieux, se traduit par une insatisfaction généralisée des patients et, pour la première fois, des médecins, par rapport au système de santé et à ses institutions.

C’est dans cette brèche que s’installent vigoureusement les promoteurs de solutions Internet du type d’Healtheon et de WebMD. Puisqu’il faut bien contrôler les dépenses, mais qu’il convient également de ne pas voir baisser la qualité des soins, la solution passe par une meilleure productivité : mise en réseau de tous les producteurs de soins, hôpitaux, médecins, pharmaciens, paramédicaux, gestion électronique du cabinet médical et de la pharmacie, dossier médical en ligne et disponible à tout instant pour chaque patient.

La situation américaine n’est, pour l’heure, guère transposable en France : les relations médecins patients n’y sont pas marquées par le manque de confiance ou l’hostilité et les critiques du système de soins, bien réelles, n’atteignent pas et de loin la même ampleur.

Deuxième sujet, plus inattendu : l’éthique.
La formidable montée en puissance du Web médical s’est déroulée, comme c’est souvent le cas aux Etats-Unis, dans une ambiance qui évoque parfois le Far West  : délivrance de médicaments sans véritable contrôle, contenu de certains sites plutôt complaisant vis-à-vis de certains sponsors… Les critiques commencent à se faire entendre, de même que les actions en justice de la part de certains Etats. Georges Lundberg, ancien rédacteur en chef du JAMA et nouveau rédacteur en chef de Medscape (un signe des temps) a estimé que le moment était venu de prendre le taureau par les cornes. L’éthique fut le thème de son " opening speech " devant l’IHC. Parallèlement Medscape faisait distribuer à tous les participants une charte de déontologie du Web médical que la société s’engage à respecter et qu’elle encourage tout le monde à suivre. Les mois qui viennent permettront de juger ce qui l’emportera : profits à tout prix et sans trop de scrupules ou moralisation de l’Internet de santé.

Troisième sujet : la responsabilité des patients dans la gestion de leur santé.
Le consumérisme médical – pour une partie de la population tout au moins – a toujours été plus puissant Outre-Atlantique qu’en Europe. Il ne cesse de se développer et l’Internet y est pour beaucoup. Bill Clinton vient d’annoncer le dépôt d’une loi sur les droits des patients et l’accès à leur dossier médical. Avant même cette annonce, les start up dont l’objet est de créer et d’héberger le dossier médical en ligne pour chaque citoyen se sont multipliées. Leur présence au congrès de l’IHC en tant qu'exposants (Health Compass, WellMed…) est sans conteste un signe des temps. [Lire notre étude de cas sur VitalVorks].

Le quatrième sujet est un corollaire direct du précédent : la connectivité et – ce qui en médecine ne peut en être séparé – la sécurisation des données. C’était le thème d’une des principales tables rondes de la journée, dirigée par une Française, Denise Silber. La mise en ligne du dossier médical, son accessibilité permanente par le patient mais aussi par n’importe quel acteur de la chaîne des soins (avec l’accord du malade évidemment) fera sans doute encore quelque temps frémir nombre d’observateurs dans notre pays. La tendance est pourtant inéluctable et bien engagée aux Etats-Unis. Les avantages d’un tel système sont d’ailleurs évidents à condition d’avoir l’assurance de la confidentialité des données. C’est un des principaux enjeux industriels des mois et années à venir. Si l’on en doute, il suffit de constater que les premiers à s’y lancer sont les plus prestigieux des acteurs de la santé et de l’Internet : la toute puissante American Medical Association (AMA) et le mastodonte Intel viennent d’annoncer leur alliance pour la réalisation d’un dossier médical personnel sécurisé. Au même moment l’AMA mettait en ligne son propre portail santé à destination du grand public et des médecins : Medem.com. Une idée pour l’Ordre national des médecins français ?

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