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Un rein humain mis
aux enchères sur le Web

Qui dit mieux ?

Cédric TOURNAY

7 septembre 1999

L’explosion du commerce électronique provoque de plus en plus d’incidents, souvent comiques, parfois tragiques. Le 2 septembre dernier, le site d’enchères en ligne eBay a défrayé la chronique en organisant la vente sur le Web d’un rein humain. Le vendeur, un certain monsieur Hchero de Sunrise (Floride), avait formulé son offre de manière plutôt désinvolte :

"Rein humain fonctionnel à vendre. Vous pouvez choisir n'importe lequel des deux. L'acheteur assumera tous les coûts médicaux et de transplantation. Evidemment, un seul rein est à vendre car j'ai besoin de l'autre pour survivre. Offres sérieuses seulement."

Les enchères se sont envolées dès la mise à prix, le 26 août, le rein mis en vente atteignant rapidement le prix de 5,7 millions de dollars. Les gestionnaires du site eBay ont alors stoppé la vente, prenant la mesure des risques juridiques qu'encourait leur société. Il est en effet illégal de vendre des organes aux Etats-Unis, comme dans la plupart des pays occidentaux. Une telle vente est passible d'une amende de 50 000$ et de cinq ans de prison. En mettant un terme aux enchères, les responsables du service ont voulu signifié qu’ils n’encourageraient jamais, de près ou de loin, ce genre de pratiques. Incapables de surveiller de façon exhaustive le déroulement des dizaines de milliers d’enchères qui ont lieu simultanément sur leur site, les responsables d’eBay ont dû reconnaître à cette occasion qu’ils comptaient sur les délateurs pour débusquer les pratiques illégales. Ils ont en outre tenté de dédramatiser l’incident en le mettant sur le compte d’un farceur. Les blagues sont il est vrai monnaie courante sur eBay. Certains internautes mettent en vente leur femme (pour une mise à prix modeste), leur chien ou le pont de Brooklyn. Quelqu’un a même essayé de vendre le site eBay aux enchères. La formulation de l’annonce plaide en faveur de cette thèse. Pour autant, l’affaire a suscité sur le réseau un débat de société qui relègue au second plan la question de l’authenticité de l’offre. Les enchères ayant été arrêtées, il n’est d’ailleurs pas possible de savoir si les acheteurs pressentis émettaient des propositions sérieuses.

Explorant les interdits et les limites de nos sociétés en voie de dématérialisation, l’incident restitue plusieurs débats d’importance.

Les problèmes liés aux dons d’organes

L’incident a troublé les patients transplantés et ceux qui sont encore en attente d’un greffon. Les Etats-Unis comptent 40 000 personnes en attente d’une transplantation rénale. En 1998, 12 000 patients ont pu recevoir un rein, tandis que 2 300 autres sont morts en attendant un organe. Les patients transplantés utilisent beaucoup l’Internet pour s’informer, pour correspondre entre eux ou avec leurs médecins. Certains ont attendu plus de cinq ans avant de pouvoir être transplantés. Ils ont réagi vigoureusement, choqués qu'un rein puisse faire l'objet d'une enchère, ou d'une blague. L’épisode révèle le décalage entre les besoins des patients et la rareté des donneurs. Il relance le débat sur le marché noir des organes humains, supposé prospère en Europe de l’Est et en Asie du Sud-Est. Interrogée par le San Jose Mercury News, Nancy Scheper-Hughes, médecin et enseignante à l’Université de Berkeley, insiste sur le développement de ces trafics. Selon elle, il n’est pas rare que le prix d’un rein atteigne 10 000 dollars. Les réseaux électroniques pourraient devenir un des principaux vecteurs de ce commerce, à condition toutefois que les trafiquants optent pour des systèmes confidentiels, une liste de diffusion privée remplaçant avantageusement un site d’enchères public. Pour lutter contre ce type de dérives, Nancy Scheper-Hughes a annoncé la création d’une organisation, Organ Watch, auprès de laquelle les individus pourront mentionner les ventes présumées d’organes humains.

Le développement d’une " médecine spectacle "

Les bénéfices apportés par les nouvelles technologies dans la pratique médicale trouvent une contrepartie dans l’émergence d’une médecine de foire, où se croisent cyber-charlatans et autres rentiers de la détresse des patients. Inégalitaire, exhibitionniste et anti-scientifique, cette médecine spectacle exploite les espaces que la médecine moderne ne parvient pas à remplir, à la manière des médecines alternatives. Elle offre aux patients l’impression d’une écoute renforcée et d’une puissance thérapeutique nouvelle, fondée sur un media hi-tech et des design criards. Malgré les efforts de la FDA et de l’American Medical Association, les sites continuent de prospérer, délivrant sans contrôle tous types de médicaments ou prodiguant des conseils médicaux exotiques. Profitant d’une certaine dérive mercantile du Web, cette médecine spectacle proclame que tout est possible et que tout doit être dit, exhibant les témoignages pathétiques de patients comme gage de son efficience. [cliquer ici pour en savoir +]

Le mythe de la transparence

Jour après jour, le Web s’affirme comme un vaste marché mondial en temps réel, une sorte de bourse électronique ouverte à tous les individus, où tout (ou presque) peut s’acheter et se vendre, où l’offre et la demande de biens et de services s’équilibrent en permanence. Après les livres, les CD, les voitures, les services financiers, les médicaments et mille autres choses, l’épisode eBay montre que même un organe humain peut faire l’objet d’une transaction sur ce réseau qui ne s’arrête jamais de fonctionner. Seules des limites juridiques permettent d’empêcher les dérives d’un système marchand quasi parfait, où l’interconnexion de millions d’agents (individus et sociétés) décuple les possibilités d’échanges. Il n’est pas étonnant que l’incident, touchant un tabou, ait lieu sur la plus grande foire électronique du monde, où 6 millions d’abonnés se disputent quotidiennement plus de 2,6 millions d’objets disponibles. Juxtaposant dans sa vitrine électronique toutes les productions humaines, eBay traduit un certain nivellement du monde contemporain : une paire de botte vaut Shakespeare, un rein humain vaut une toile de maître.

L’enjeu de la confiance

Hchero est un pseudo créé sur le site même d’ebay, qui offre aux vendeurs et aux acheteurs la possibilité de ne pas dévoiler leur véritable identité. Un célèbre slogan présentait dès 1993 les vertus de l’anonymat électronique : Sur l’Internet, personne ne sait que vous êtes un chien. Le slogan ornait un cartoon où un cocker envoyait sur un forum de discussion une invitation à dîner. Les manipulations permises par le média alimentent depuis ce temps les chroniques des journaux. L’affaire David H, du nom de cet étudiant d’HEC mis en cause par un échange de mails dont l’authenticité ne peut pas être assurée, a montré récemment la nécessité de disposer d’outils d’authentification et de sécurisation des transactions électroniques. Soucieux de protéger leur confidentialité, habitués à l’anonymat des villes mais désireux d’inventer de nouvelles formes de sociabilité, les internautes doivent concilier des objectifs parfois contradictoires. Les utilisateurs du réseau aiment d’ailleurs utiliser de multiples pseudos et adresses e-mail, compartimentant leurs vies électroniques, adoptant un certain détachement par rapport à leur propre discours. Cette tendance favorise la défiance et le cynisme. Qui parle ? Suis-je assuré de l’identité de mon correspondant ? Quelle est la crédibilité de ce message ? Comment être sûr qu’il ne s’agit pas d’une blague, ou d’un piège ? Heureusement, le développement des outils de cryptage et de signature électronique, annoncé par un récent projet de loi, permettra de résoudre ces problèmes en obligeant les internautes à endosser la responsabilité de leurs communications électroniques.

La question du contrôle, au sens américain de régulation

Les dirigeants de start-up Internet sont les premiers à louer la puissance des technologies qu’ils manipulent, capables d’effectuer des traitements toujours plus nombreux en un minimum de temps. Or, l’incident révèle que toutes les ressources d’eBay sont affectées au fonctionnement commercial du site (servir de plus en plus de pages, permettre l’accès à de plus en plus d’internautes, stocker de plus en plus de références dans les bases de données, etc.), et qu’aucun moyen n’est mis sur la régulation de l’application. Obsédées par la croissance, les entreprises nées sur le réseau devront intégrer ce souci légitime pour répondre aux attentes placées en elles. Vu l’impact d’une publicité aussi négative, il y a fort à parier que les actionnaires demanderont à ces sociétés de prêter davantage d’attention à la façon dont les internautes utilisent leur service. Sans cela, pourquoi ne pas imaginer que les sites d’enchères servent à vendre de l’héroïne, des ouvrages néo-nazis ou les services de prostituées ? Déjà, le service permet d’acheter des armes et des munitions de tous types, comme l’autorise la législation américaine. La question du contrôle est donc posée à l’échelle internationale. Le Web oblige les pays occidentaux à collaborer en la matière. Faute d’homogénéiser leurs législations, les Etats devront inventer des moyens juridiques et informatiques de maintenir des lois différentes sur un territoire électronique par définition sans frontières. Les prochaines négociations sur le commerce international, dites Round du millénaire (Conférence ministérielle de Seattle, du 30 novembre au 3 décembre 1999), offriront la possibilité d’aborder ces questions, sous l’égide de l’OMC.

L’explosion du commerce électronique ne fait désormais plus de doutes. Face à ce bouleversement, la société civile et les pouvoirs publics doivent désormais réfléchir à son organisation pour ne pas en subir les dérives.

 


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Pour en savoir plus

La législation française en matière de dons d’organes : le point sur Transplantation.net (accès réservé aux professionnels de santé)

Le trafic d’organes : une présentation des travaux de Nancy Scheper-Hughes http://ls.berkeley.edu
/dept/anth/nsh.html

http://www.urel.berkeley.
edu/berkeleyan
/1997/1119/organs.html

Le site de l’Organisation Mondiale du Commerce

L’Union européenne, l’'OMC et le commerce électronique : communication préparatoire à la conférence ministérielle de Seattle (document word)

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