Jean-Pierre
Davant
Président
de la Mutualité Française
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" Si
le système de santé n’évolue pas avec son temps,
il implosera "
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Propos
recueillis par
Mathieu Ozanam
22
décembre 2000
Suite (2/3)
Avez-vous
des éléments chiffrés ?
Pas
encore, mais permettez-moi de préciser le sens de la politique que
nous entendons mener : notre volonté ce n’est pas de faire des économies
pour le plaisir, mais plutôt de réaffecter les sommes dégagées.
On peut imaginer des déports de prestations sur la lunetterie ou
les prothèses dentaires aujourd’hui très mal remboursées, ce qui
entraîne des reports de soins pour les assurés, même avec le soutien
des mutuelles qui interviennent plus en ce domaine que la sécurité
sociale.
La mise en œuvre de la CMU ne s’est pas déroulée exactement comme
prévu pour son volet complémentaire. Puisque l’assurance maladie
vient vous concurrencer dans votre domaine de compétence, ne peut-on
imaginer à terme que les mutuelles prennent à leur tour en charge
l’intégralité de la couverture maladie ?
Je
suis contre une déréglementation totale avec une concurrence au
premier franc avec des caisses primaires d’assurance maladie qui
feraient du régime obligatoire et du régime complémentaire, et des
mutuelles qui feraient du régime complémentaire et du régime obligatoire.
Dans l’affaire de la CMU, j’observe que les seuls qui ont manifesté
un désaccord dès le départ auprès du gouvernement, tout en proposant
des solutions qui auraient été plus équitables et moins administratives,
c’est la Mutualité française. Les assureurs se plaignent aujourd’hui
alors qu’ils ont donné leur accord à Madame Aubry.
Ensuite
on ne peut pas guérir le mal par le pire, je ne crois donc pas que
ce soit une solution car elle n’apportera rien de bon à nos concitoyens.
Si demain il y a une mise en concurrence, ce sont nos concitoyens
et les professionnels de santé qui en feront les frais. Je ne crois
donc pas que ce soit une solution d’avenir. L’avenir c’est d’aller
vers une complémentarité plus effective entre régime obligatoire
et le régime complémentaire, avec la possibilité, si l’Etat voulait
bien déterminer les rôles des uns et des autres, de négocier avec
les professionnels de santé. On pourrait également imaginer un système
qui permettrait une meilleure prise en compte des besoins régionaux,
je pense en particulier à l’hospitalisation.
Les réformes qui ont été menées jusqu’à présent (médecin référent,
réseaux de soins) ont eu une portée limitée. Quelles pourraient
être les nouvelles pistes de réflexion ?
Vous
touchez là le cœur du problème français dans l’approche de la santé.
Le médecin référent, les réseaux de soins, toutes ces innovations
ont quasiment échoué à cause de l’inertie et le conservatisme de
beaucoup d’acteurs du système de soins, ainsi qu’en raison du manque
de volonté des politiques de faire bouger les choses.
D’un
côté la santé est le plus fabuleux marché qui existe puisqu’il représente
11% du PIB chaque année, et en même temps on a le sentiment que
dès que l’on veut faire quoique ce soit dans le domaine, on se heurte
à des bastions imprenables. Comme tout système bloqué si le système
de santé n’évolue pas avec son temps, il implosera.
La FFSA a déposé une plainte au niveau européen
pour distorsion de concurrence. Quelle serait votre réponse en cas
où un avis serait rendu en votre défaveur ?
Quand
il y a des règlements, il faut les appliquer. Mais je constate simplement
que la FFSA qui est pour la libre entreprise n’accepte pas la concurrence
des mutuelles dans le domaine de la santé, qui sont, je le rappelle
leader dans ce secteur. Les compagnies d’assurance ne parviennent
pas à concurrencer les mutuelles « à la loyale », la FFSA
a donc choisi de saisir toutes les opportunités réglementaires européennes
pour essayer d’imposer leur prédominance. Le procédé n’est pas très
sain. Je n’ai moi-même jamais demandé à ce que l’on supprime les
assurances du domaine de la santé.
Suite
et fin (3/3)
22 décembre 2000
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