Le
premier qui dit la vérité
Bernard
Kouchner

Mathieu
Ozanam
6
novembre 2002
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Après Marie-Noëlle
Lienemann, et Sylviane Agacinski, c’est au tour de Bernard Kouchner
de livrer ses réflexions sur les causes de l’échec du candidat Jospin.
Dans un ouvrage d’entretiens réalisés avec Eric Favereau, le chef
de la rubrique santé de Libération, à paraître en novembre, l’ancien
ministre délégué à la santé revient plus largement sur les succès,
les échecs et les regrets rencontrés au cours de ces 10 dernières
années, ayant été à trois reprises au gouvernement depuis 1992.
Empruntant
son titre à une chanson de Guy Béart, le ton est donné : "Le
premier qui dit la vérité, il doit être exécuté… Après sans problème
parle le deuxième". Manière d’envier le statut de Jean-François
Mattéi, ministre de plein exercice, libre de toute tutelle et d’inscrire
certaines décision du nouveau ministre dans le droit fil de son
action. "Je ne condamne pas à l’avance mon successeur, ses
premières réformes ne sont pas mauvaises. J’aurais peine à dire
le contraire, c’est ce que j’avais proposé".
Fidèle
à son image de franc-tireur, Bernard Kouchner fait part des difficultés
qu’il a rencontrées pour se faire entendre dans ce gouvernement
dans lequel il avoue ne pas avoir été "très heureux".
La faute à la confiance indéfectible que lui accorde les Français
au plus haut dans les sondages, "ma popularité l’irritait (Jospin),
il ne m’a jamais trouvé légitime". Il n’en garde pas moins
de l’estime et "même de l’amitié" à son égard, jugeant
qu’il était "l’un des meilleurs premier ministre".
Pourquoi
la défaite de la gauche ?
C’est
peu dire que la santé n’a pas été le thème principal de la campagne
présidentielle. La raison en est simple : le secteur est réputé
"matière inflammable". Pourtant Bernard Kouchner juge
que la gauche a failli dans ce domaine en confondant trop souvent
le social avec la santé et a eu tort de l’aborder de façon trop
technique, "comme un service plus que comme un problème de
société". La leçon de l’opposition au plan Juppé de maîtrise
comptable des dépenses de santé n’a pas été assimilée et les mêmes
erreurs ont été reproduites par Martine Aubry, puis Elisabeth Guigou,
les ministres des Affaires sociales successives. La consultation
à 20 €uros réclamée par les médecin généralistes ? "J’ai
toujours été favorable à cette revalorisation dès 1992", mais
c’est Elisabeth Guigou qui est en charge du dossier. Le déremboursement
des 835 molécules au SMR insuffisant ? "Je me suis heurté
au ministère des Affaires sociales".
Le
rendez-vous manqué des 35 heures
Mais
l’une des explications majeures se trouve dans la volonté d’appliquer
les 35 heures à l’hôpital, "une bonne idée mais trop théorique".
D’autant que le gouvernement n’a pas suffisamment pris la mesure
du problème posé par la démographie médicale et que "les hôpitaux
n’ont rien à voir avec des entreprises, les malades ne font pas
les 35 heures". Bernard Kouchner juge qu’il aurait été préférable
de ne pas fixer le 1er janvier 2002 comme date butoir
et de continuer à négocier plus longtemps et d’étaler leur mise
en œuvre sur trois ou quatre ans. Résultat : "nos alliés
électoraux naturels, les personnels hospitaliers, étaient pour une
part devenu hostiles". Mais surtout il regrette que la réduction
du temps de travail (RTT) ait servi de catalyseur du changement
de mentalités et de l’esprit médical : les médecins se sont
mis à compter leurs heures.
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