"
Notre santé n’est pas un commerce "
Jean-Pierre
Davant
Président
de la Mutualité Française
Par
Mathieu Ozanam
22
décembre 2000
Jean-Pierre
Davant, le président de la Fédération Nationale de la Mutualité
Française ne pratique pas la langue de bois. En neuf chapitres il
n’a pas de mots assez durs pour dire ses quatre vérités aux acteurs
du système de santé. Les médecins, les laboratoires pharmaceutiques,
les hôpitaux, les politiques, les médias, personne n’est oublié.
Alors
que l’on pensait que la Mutualité voulait renouer des contacts avec
les médecins, la partie qui leur est consacrée ne dresse pas d’eux
un portrait très flatteur. La démographie médicale présente un déséquilibre
de l’offre de soins résultant de la disproportion des spécialistes
par rapport aux généralistes et leur concentration géographique
dans certaines régions. Leur refus de se plier à quelque évaluation
de leur pratique qui soit parait irriter l’auteur qui y voit des
réflexes corporatistes d’une profession occupée à « protéger
ses avantages injustifiés » au rang desquels figure la générosité
des laboratoires.
La
charge qui leur est réservée est sévère. Dès la première phrase
le lecteur est averti « il y a en France un véritable scandale
du médicament ». Les lobbies pharmaceutiques sont accusés de
jouir d’une rente de situation en bénéficiant de revenus assurés
par la vente de médicaments amortis depuis des années, sous couvert
d’agir pour la santé publique. Démonstration est faite de la nécessité
de promouvoir la politique du générique. Les patients sont aussi
responsables de la dérive des dépenses de santé en médicalisant
leurs soucis quotidiens, ce qui se traduit par un recours aux médicaments
ou aux urgences sans que cela soit toujours justifié, transformant
parfois l’hôpital en Cour des Miracles.
L’hôpital
justement n’est pas non plus exempt de critiques. Sa restructuration
est nécessaire pour mettre en adéquation l’offre et la demande,
mais le manque de politique hospitalière est dénoncée, celle-ci
se réduisant à l’injection de milliards dans un système qui refuse
de se réformer. Les politiques ne sont pas non plus épargnés. Timorés
face au relais d’opinion que représentent les professionnels de
santé, les gouvernements successifs ne s’emploient pas vraiment
à faire bouger les conservatismes.
Même
si Jean-Pierre Davant, dans un rôle de José Bové de la santé, avoue
tout de même qu’« en essayant de brosser, chiffres à l’appui
un tableau global, il est inévitable de schématiser un peu »,
l’énumération de tous les conservatismes dresse un constat plutôt
désespérant. Et ce d’autant plus que l’on découvre peu de propositions
en dehors d’un Conseil supérieur de la santé aux contours flous
qui aurait pour mission de veiller à « l’égalité d’accès aux
soins tout en contrôlant la bonne utilisation des fonds ».
Le
lecteur non averti qui refermera ce livre ne saura donc rien des
propositions de la Mutualité française sur les réseaux de soins
ou sur sa participation à la mise en œuvre de la CMU, il faudra
pour cela attendre un troisième ouvrage qui pourrait paraître dans
le courant de l’année. Couvrant plus de 30 millions de personnes
protégées, soit un poids économique de 73,5 milliards de francs
en 1998, la Mutualité Française possède pourtant une puissance d’intervention
non négligeable.
Notre
santé n’est pas un commerce, Seuil, octobre 2000, 110 FF
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l'interview de Jean-Pierre Davant
22 décembre 2000
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