Frédéric
Allemand
directeur
de Genopole® Entreprises
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"La
force d’un campus comme Genopole® a été d’associer
dès le départ des structures de recherche académique
de niveau international et des jeunes pousses en biotechnologies."
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Propos
recueillis par Elie Lobel
6
novembre 2002
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Certaines
de ces entreprises sont-elles aujourd’hui déjà rentables ?
Dans
les entreprises innovantes de biotechnologies, le seuil de rentabilité
(break even) est rarement atteint au bout de 3 ans, puisqu’il est
essentiellement tributaire du développement de produits thérapeutiques
qui s’étale sur une dizaine d’années. Même si les investisseurs
tendent à pousser le développement des activités de service afin
de maintenir ou d’augmenter la trésorerie disponible (cash-flow)
, il n’est pas encore envisageable de parler de véritable rentabilité
pour les entreprises incubées à Genopole®. En fait, la
rentabilité interviendra d’abord au niveau global : le succès
d’une entreprise peut compenser beaucoup d’échecs.
Le
campus de Genopole®
permet-il d’assurer des passerelles ou des transferts de connaissance
entre ces jeunes entreprises et la recherche universitaire ?
La
force d’un campus comme Genopole® a été d’associer dès
le départ des structures de recherche académique de niveau international
et des jeunes pousses en biotechnologies. La proximité de plates-formes
technologiques de premier plan comme le Centre national de séquençage,
le Centre national de génotypage ou le service de génomique fonctionnelle
du Commissariat à l’Énergie Atomique (qui travaille sur la mise
au point et la production de puces à ADN) sont des atouts essentiels
pour attirer des porteurs de projets et les entreprises déjà en
activité. Cela permettra l’émergence à Évry, à moyen terme, du pôle
européen de référence en génétique, génomique, post-génomique et
sciences connexes. L’industrie française et européenne des médicaments
de demain ne peut affronter la concurrence internationale qu’en
s’appuyant sur des campus comme Genopole®.
Les
dernières statistiques
du Ministère de l’Économie et des Finances montrent à quel point
la France et l’Europe en général sont en retard sur les Etats-Unis
en matière de fonds investis dans les start-ups (11 milliards
d’ uros en 2001 pour l’UE contre. 48 milliards pour les USA).
Comment expliquez-vous cette situation ?
Je
pense que c’est un problème spécifique à l’Europe continentale.
Les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont en commun d’avoir pris une
avance importante en matière de marchés des capitaux, et notamment
de capital-risque, de management de l’innovation et de gestion des
activites de R & D à des fins commerciales. Cela nous manque
beaucoup en Europe continentale. Il
est aussi possible que la France paie là le prix d’une politique
de médicaments à prix faibles qui n’aurait pas permis aux entreprises
pharmaceutiques françaises de se développer de façon comparable
à leurs concurrents internationaux. Quant à l’Allemagne le problème
est aussi culturel car l’Allemagne a longtemps été un pays d’industrie
mécanique et métallurgique, plus qu’un pays d’industrie orientée
biologie.
Le
contexte français (recherche académique très centralisée, faiblesse
de l’industrie pharmaceutique, incitations financières …) vous semble-t-il
propice au développement de ces jeunes entreprises ?
Genopole®
a pour objectif majeur de fournir des conditions favorables au développement
de jeunes entreprises alors même que le contexte est globalement
plus tendu. Il y a encore moins de 10 ans, créer une entreprise
de nouvelles technologies, en France, était un pari difficile. Il
est vrai qu’il y a longtemps eu un certain cloisonnement entre une
recherche publique orientée vers le fondamental et une démarche
entrepreneuriale et industrielle qui a pu être une barrière au développement.
Mais il me semble que cela change, et qu’il y a maintenant une
prise de conscience de l’intérêt que représente la recherche mise
en œuvre par les entreprises de haute technologie, car elle ouvre
aussi de nouvelles perspectives à la recherche fondamentale. Au-delà
de ces aspects culturels, avec l’apparition d’un campus comme Genopole®
et l’adoption de la loi sur l’Innovation en octobre 1999, la France
s’est dotée des moyens de favoriser la valorisation industrielle
des avancées scientifiques mises au point dans ses laboratoires.
En Ile-de-France en particulier, les entreprises de biotechnologies
peuvent bénéficier d’un des plus grands complexes hospitalo-universitaires
d’Europe et d’un excellent réseau d’infrastructures permettant d’accéder
facilement aux marchés européens les plus dynamiques (Grande-Bretagne,
Benelux, Allemagne, Scandinavie). Ce sont des atouts essentiels
dans la bataille internationale sur les biotechnologies.
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6
novembre 2002
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