Novembre 2000
Philippe Brunet
Chef
de l'Unité Pharmaceutiques
et Cosmétique de la DG Entreprise
Commission européenne
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"Les conditions légales et culturelles qui pourraient permettre
l'émergence des pharmacies en ligne en Europe
sont en train de se mettre en place. "
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Propos recueillis par
Gaëlle
LAYANI et Christine
BOUCHET
22 octobre
2000
Pensez-vous que les pharmacies en ligne vont bientôt pousser comme
des champignons en Europe ? Est-ce inéluctable ?
Les conditions légales et culturelles
qui pourraient permettre l'émergence des pharmacies en ligne en
Europe sont en train de se mettre en place. S'il existe un besoin,
les conditions juridiques étant réunies, les pharmacies en ligne
se développeront. Et ce ne sera certainement pas seulement pour
imiter les Etats-Unis.
Qu'entendez-vous plus précisément par conditions juridiques ?
Au niveau européen, rien ne
s'oppose à la création des pharmacies en ligne et rien d'ailleurs
n'en fait la promotion.
La commission s'intéresse-t-elle à ce phénomène ? Comment comptez-vous
l'appréhender ?
Oui, certainement. Pour une
raison très simple, par exemple, le régime de distribution des médicaments
est très réglementé. Il faut que les pharmacies en ligne respectent
les exigences de ce régime. Nous suivons donc de très près ce phénomène,
d'autant plus qu'il existe déjà des pharmacies électroniques en
Europe, notamment en Scandinavie et en Grande-Bretagne. Nous attendons
de voir s'il y a un déclic culturel.
La Grande-Bretagne préfère accepter ce phénomène tout en le maîtrisant
et en imposant des règles d'exercice strictes contrairement à la
France. Qu'en pensez-vous ?
Je ne suis pas sûr qu'on refuse
le développement des pharmacies en ligne en France, mais toutes
les conditions ne sont encore réunies. Quels sont les obstacles
au développement des pharmacies en ligne, si ce n'est certains groupes
ou catégories socio-professionnelles qui ne voient pas dans ce phénomène
une alternative crédible ?
D'un point de vue réglementaire,
je ne vois pas ce qui s'opposerait en France au développement des
pharmacies électroniques. Du moins, si il existe une volonté politique
de favoriser ce développement, je vois pas ce qui pourrait à terme
constituer un obstacle majeur.
En France, l'obstacle est donc surtout culturel ?
Le
besoin existe moins. Dans un petit canton de 3000 habitants,
vous avez trois pharmacies. En Finlande, parfois, la pharmacie la
plus proche est à 450 km
Comprenez-vous les résistances de certains pharmaciens qui ont l'impression
que leur métier risque de se limiter à vendre des médicaments avec
les pharmacies en ligne ?
Leur mission de conseil peut
également exister sur Internet. Regardez ce qui se passe en Grande-Bretagne
ou en Scandinavie. Dans ces pays, la personne qui se trouve derrière
le site est un pharmacien.
Récemment, le laboratoire Pierre Fabre a interdit à un pharmacien
de vendre ses produits en ligne. Qu'en pensez-vous ?
Je ne connais pas cette affaire,
mais je pense que vraisemblablement, ce n'est pas contre la vente
en ligne qu'une action en justice a été entreprise, mais pour revoir
les conditions financières qui y sont liées. Il ne faut pas se tromper
de débat. Si les conditions financières avaient été juteuses, personne
ne se serait opposé à cette vente.
A titre personnel, accepteriez-vous d'avoir recours à une pharmacie
électronique si celles-ci étaient légalisées ?
Pour acheter des médicaments
OTC, sûrement. Pour ce qui est des médicaments de prescription,
il faut que les pharmacies en ligne développent un outil de transmission
des ordonnances. C'est en cours, je crois, y compris en France.
Envisage-t-on l'harmonisation du prix des médicaments au niveau
européen ? Ne pensez-vous pas qu'avec l'euro et la transparence
des prix, un marché parallèle des médicaments va se développer ?
Non, pas du tout. Pourquoi devrait-il
y avoir un prix unique pour le médicament, alors qu'il n'y en a
pas pour l'automobile, par exemple. Il n'y a de prix unique dans
aucun secteur. Existe-il un prix unique du médicament aux Etats-Unis ?
De plus, nous n'avons pas la compétence pour imposer un prix unique
du médicament.
Le développement de marchés
parallèles ne pose qu'un problème de type économique. En matière
de pharmacovigilance, par exemple, il est faux de dire que cela
pose un problème de traçabilité, puisque les distributeurs doivent
garantir la traçabilité, quelle que soit l'origine du produit.
En revanche, il est vrai que
l'entrée en vigueur de l'euro et des AMM européennes va vraisemblablement
entraîner une convergence des prix. Pour les produits très innovants,
on constate indéniablement une convergence des prix. Les différentiels
de prix existent encore, mais apparaissent de plus en plus réduits
par rapport à ce qu'ils étaient. L'AMM européenne et l'innovation
entraînent un flottement des prix à l'intérieur d'une bande de plus
en plus étroite.
Quel est votre dossier le plus important en ce moment ?
La révision de la législation
pharmaceutique qui commence l'année prochaine et devrait durer un
an, un an et demi.
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