Janvier
2000
Jean
Parrot
Président de l'Ordre
National
des Pharmaciens
11 janvier 2000
Suite
et fin (2/2)
Si les pharmaciens français ne se positionnent
pas sur le marché du commerce électronique, ils risquent d'être
pris de court par un nouvel entrant, comme cela semble se passer
au Royaume Uni. N'ont-ils pas intérêt à anticiper le mouvement et
à se regrouper pour se positionner sur ce marché ?
Pour
le moment, la législation française ne le permet pas (cf les articles
du code R.5053-3 sur la publicité en faveur des officines, R.5015-57
sur l'information sur les officines, L589 sur le portage des médicaments
qui interdit la sollicitation de commandes, et L511 d'après lequel
le médicament est dispensé dans les officines).
De
plus, nous lavons déjà dit, une officine de pharmacie est
définie par une licence qui détermine le lieu d'exercice.
Croyez-vous
réellement que des malades français vont, en grand nombre, commander
par Internet des médicaments à une officine électronique située
en Grande-Bretagne, médicaments qui ne seront pas remboursés par
lassurance maladie et quils recevront, à domicile, une
semaine plus tard, au lieu de faire 500 mètres pour dire bonjour
à leur pharmacien et ressortir immédiatement avec les médicaments
dont ils ont besoin et à propos desquels ils peuvent obtenir, de
vive voix et gratuitement, tous les conseils quils désirent ?
Quant au prix de revient, si la communication internet ne coûte
pas cher, la pharmacie électronique devra faire appel aux services
dun logisticien assurant, outre le contrôle, le conditionnement
personnalisé de la commande et le transport des médicaments. A quel
coût ?
Les
systèmes de cryptage et de signature électronique rendent possible
les commandes en ligne de médicaments, du patient au pharmacien
ou du médecin au pharmacien pour le compte du patient.
Les pharmaciens français envisagent-ils de prendre en compte l'ordonnance
électronique ? Quelles sont les conséquences de cette nouvelle forme
de coordination des soins et de délivrance en matière de portage
à domicile ?
Nous
changeons de registre. Il s'agit d'un circuit dinformations
santé privilégié comme peuvent le constituer le téléphone, le fax,
internet, peu importe, entre des acteurs. Eux seuls y ont accès,
peuvent échanger des informations, voire des ordonnances ou des
dossiers patients. C'est un réseau sécurisé entre les acteurs de
santé. Internet est, à ce moment-là, simplement un nouveau moyen
de transmission. Son économie cest le coût de la communication.
Pour
l'instant, la signature électronique n'est pas reconnue. Les pharmaciens
envisageront, sans aucun ostracisme, de prendre en compte l'ordonnance
électronique à partir du moment où elle sera légalisée.
Le
portage à domicile existe déjà, simplement il se fait en fonction
de critères qui sont les besoins du patient et non son confort.
Il y aura à ce moment-là davantage de sollicitations. C'est un facteur
d'augmentation potentiel des livraisons.
LInternet
permet denrichir le conseil officinal et laccompagnement
des patients, notamment dans le domaine des maladies chroniques.
Selon vous, quels sont les programmes, les applications et les services
que les pharmaciens peuvent mettre en uvre dans cette perspective ?
L'Internet
est un média. Il permettra davoir accès à des bases de données
quil faudra alimenter et fournissant des informations de santé
qui pourront être ciblées sur les pathologies chroniques et apporter
des informations complémentaires aux patients.
Les
pharmaciens pourront proposer des programmes, des applications et
des services. Nous y réfléchissons déjà dans le cadre du développement
du site de l'Ordre des pharmaciens qui devrait accueillir des travaux
en la matière des sociétés savantes.
Envisagez-vous de créer une charte définissant
les contenus possibles pour les sites Web des pharmaciens ?
Le
Code de déontologie prévoit déjà ce que les pharmaciens peuvent
mettre comme information " sur les annuaires ou tout
autre support ". En létat de la réglementation
et sous réserve dune jurisprudence non encore constituée,
cette règle est applicable aux serveurs Web.
Comment les pharmaciens vont-ils participer
à la gestion du dossier patient on line ?
Un
dossier patient sécurisé accessible pour les seuls professionnels
de santé choisi par le malade, et consulté avec laccord expresse
du malade, est parfaitement envisageable. Cela existe au Canada.
Les Pouvoirs publics ont choisi la technologie de la carte à puce.
Lavenir dira qui a eu raison.
Avez-vous l'habitude de surfer sur Internet ? Quel est votre
site préféré ?
La
réponse est simple : non, je ne surfe pas sur Internet et je
n'ai aucun site préféré. Mais, Jean-luc Audhoui est un grand surfeur
et Jean-louis Craignou dispose dune liste impressionnante
de " sites favoris ".Vos questions mont
conduit à paraître négatif. Nous allons quand même essayer de terminer
sur du positif. Internet est un nouveau média ; en tant que
nouveau média, il peut être utile entre professionnels de santé
parce qu'il permet des échanges de données sécurisées. Nous sommes
tout à fait conscients aujourd'hui qu'Internet peut, par exemple,
permettre de réaliser des prescriptions à distance dans le cadre
de la prise en charge d'un patient déjà connu par un médecin donné.
Dans le cadre d'un renouvellement dune ordonnance, il peut
également permettre à un pharmacien de transmettre des données patient
à un autre pharmacien pour que le traitement en cours se poursuive
dans de bonnes conditions de sécurité. Ceci amènera un meilleur
confort pour la prise en charge des gens.
Nous
sommes actuellement à la recherche dune méthode permettant
aux pharmaciens dévaluer la qualité des informations diffusées
par des sites. Nous avons réuni un atelier lors de la dernière " Journée
de lOrdre " pour étudier les apports de cette
technique à la formation continue. Nous encourageons la profession
à s'équiper et à avoir une codification relationnelle bien établie
qui permettra d'utiliser ce média dans des conditions de sécurité
apportant un plus au patient, sans pour autant avoir des risques
extérieurs d'un commerce effréné, non balisé.
Vous encouragez donc les pharmaciens à s'ouvrir sur ce nouveau
mode de communication ?
A
l'utiliser comme source dinformation, oui. Mais l'offre que
peuvent faire les pharmaciens doit rester dans le cadre des dispositions
du Code.
Il
n'y a pas de raison, en effet, qu'un nouveau mode d'information
permette de contourner le Code de la santé publique, réglementation
qui n'est pas faite pour les pharmaciens mais pour les patients,
dans un intérêt de santé publique.
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11 janvier 2000
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