Réforme de
la sécurité sociale :
la
piste de la délégation de gestion
Mathieu
OZANAM
15 mai
2001
Suite et fin (2/2)
Lexception
étudiante
Les
remises de gestion en question
Un
système appelé à se généraliser ?
Des
publics particuliers
Une
évolution à leuropéenne ?
Lexception
étudiante
Les
étudiants forment cependant un cas à part : seul un tiers de
ceux qui sont affiliés à une mutuelle pour le régime de base y souscrivent
une couverture complémentaire. Plusieurs éléments dexplication :
tout dabord la confiance des étudiants dans leur bonne santé
et le sentiment bien connu à cet âge « dinvincibilité »,
et la forte concurrence des mutuelles parentales, en règle générale
beaucoup plus avantageuses que les garanties des mutuelles étudiantes.
La concurrence existe donc déjà dans une certaine mesure, mais pour
Denis Kessler, elle est aujourdhui déloyale.
Les
remises de gestion en question
Autre
élément de « distorsion de la concurrence » : les
remises de gestion. Les marges de manuvre qui seraient gagnées
par les meilleurs organismes gestionnaires sont dans le collimateur
des sociétés dassurance. Les mutuelles nen profitent-elles
pas pour faire la promotion de leur complémentaire, en utilisant
les ressources financières que représentent les remises de gestion ?
Une
enquête conjointe IGAS-IGF estime que le gain serait de lordre
de 15 % pour les mutuelles étudiantes. Dune part leur consommation
est moins importante quun adulte dans la force de lâge
et dautre part ils ont moins dayants droit, peu dentre
eux étant mariés ou ayant des enfants. La CNAMTS a dailleurs
défini un plan de réduction des remises de gestion sur neuf ans
pour les mutuelles générales et les mutuelles étudiantes.
La
comparaison entre les frais de gestion engagés par les différents
OCAM peut être faussée par la mise à disposition de fonctionnaires
par les administrations publiques. Si certaines dentre elles
remboursent ladministration « prêteuse », pour dautres
le poids de la masse salariale sen trouve allégée dautant,
ce qui diminue de fait les coûts de gestion.
Gilles Johanet, bien quopposé à la délégation de gestion,
défend avec ironie ce principe: « la sécurité sociale étant,
à de si nombreuses reprises, appelée à financer des actions publiques
qui ne relèvent pas de la sécurité sociale, si daventure,
via des mutuelles de fonctionnaires, elle bénéficiait dune
action publique financée par dautres ministères, nous trouverions
là un prêté pour un rendu un peu inattendu mais ô combien bénéfique,
nous plongeant dans un état de béatitude (
) ».
Un
système appelé à se généraliser ?
La
délégation de gestion aurait donc des effets bénéfiques sur les
coûts de gestion. Pourtant Jean-Pierre Davant, président de la Mutualité
française, y est farouchement opposé craignant que lon glisse
peu à peu vers une sélection des risques, même si Pierre Morange
sen défend.
Lors
de son audition devant la commission de lAssemblée nationale
Denis Kessler a balayé largument car « la loi des
grands nombres joue à partir dune collectivité dune
trentaine de personnes (
) et fait converger rapidement
vers les risques moyens de la population concernée ! Tout le monde
pense que lassurance est obsédée par la sélection des risques,
alors que ce nest pas le cas ».
Jean-Luc
Préel, député UDF, rappelle que les frais de gestion de la CNAMTS
tournent autour de 8%, soulignant que si un concurrence existait,
les organismes auraient des budgets de communication important pour
se distinguer, les gains ne seraient donc pas évidents (lire
notre entretien). A titre dexemple la MNEF consacrait
en 1998 51,2 millions de francs de frais publicitaires (pour 850
000 assurés), soit en moyenne 70 francs par assuré, tandis que les
mutelles étudiantes régionales (SMEREP, SMENO, SMERA
) dépensaient
28,8 millions de francs pour 750 000 assurés, soit environ 40 francs
par assuré.
Gilles
Johanet a fait le calcul selon lequel en réintégrant les étudiants
dans le régime général, des économies de lordre denviron
200 millions de francs par an (sur 420 qui sont alloués) pourraient
être réalisées.
Des
publics particuliers
Il
faut également souligner que les publics concernés aujourdhui
par la délégation de gestion représentent une population particulière.
Les jeunes sont moins consommateurs de soins, cest aussi le
cas des travailleurs indépendants, qui nentretiennent pas
avec lassurance maladie le même rapport quun salarié.
Labsence de leur lieu de travail a des répercussions importantes
sur leur activité économique.
Si
la délégation de gestion devait se généraliser, les organismes conventionnés
devraient respecter un cadre très réglementé et des contrôles devraient
être organisé. Lexemple de la MNEF est encore présent dans
les esprits des dérives malgré le droit dinvestigation permanent
de la CNAMTS, de lIGAS et de la Cour des comptes.
Une
évolution à leuropéenne ?
LAllemagne
qui avait introduit une dose de concurrence il y a sept ans, est
en train de revenir en arrière. Les assurés étant libres de changer
de caisses chaque année, ils choisissaient celles proposant les
meilleurs cotisations, celles dont la population était plus jeune,
plus active et en meilleure santé. La réforme prévoit de fixer un
taux de cotisation minimal, réduisant lintérêt de ce fait
le jeu de la concurrence.
La
construction européenne ne pourrait-elle pas cependant venir modifier
les règles du jeu ? Lan dernier la Cour de justice européenne
avait rendu un jugement, larrêté « Kohll-Decker »,
autorisant les patients européens à choisir le pays qui délivre
les soins reçus au nom de la liberté de circulation des individus.
Le Code de la Mutualité a également été récemment réformé pour se
conformer aux directives sur la couverture maladie complémentaire
(lire
notre brève). Les assurés pourront-ils un jour choisir leur
assurance obligatoire de base ?
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15
mai 2001
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