Le
Prozac a-t-il amélioré la qualité
de vie des Français?
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Les coûts
humains et économiques liés à la dépression
Dépression
et qualité de vie
La dépression est un
problème de santé majeur et une cause grandissante de mortalité.
En France, 4% des gens sont dépressifs, et 1 personne sur 10 connaîtra
au moins un épisode de dépression majeure dans son existence. D'après
le IRDES, le nombre de sujets déprimés aurait augmenté de 50% entre
le début des années 80 et le début des années 90.
Les troubles dépressifs
sont associés à une réduction significative du bien-être et des
capacités fonctionnelles. Il faut préciser les symptômes qui conduisent
au diagnostic de la dépression (tout en notant que la dépression
se présente sous de multiples formes parfois contradictoires). Selon
le DSM IV (quatrième édition de l'ouvrage publié par l'Association
américaine de psychiatrie, le "Diagnostic and statistical manual
of mental disorders"), un épisode typique de troubles dépressifs
majeurs dure au moins deux semaines et comprend la plupart des symptômes
suivants :
- une mauvaise humeur,
un sentiment de tristesse, de vacuité et de découragement
- une perte d'intérêt
pour la vie
- l'incapacité à éprouver
du plaisir dans les activités habituellement plaisantes, y compris
sexuelles
- une prise ou une
perte de poids
- des troubles du sommeil
ou au contraire un sommeil excessif
- un sentiment de désespoir,
d'incapacité, de culpabilité et de dépréciation de soi
- l'incapacité de se
concentrer ou de prendre des décisions
- un manque d'énergie
- de l'anxiété
- des sensations d'agitation
intérieure ou de ralentissement
- de fréquentes idées
de mort, d'autodestruction ou le sentiment de ne plus avoir envie
de vivre.
Cependant la dépression
est multiforme: la dysthymie est une forme de dépression légère
mais persistante; les troubles maniaco-dépressifs se caractérisent
par une alternance de périodes sombres de dépression et de périodes
d'exaltation maniaques nécessitant parfois l'hospitalisation. Certaines
personnes ont vécu ces symptômes une fois dans leur vie, tandis
que d'autres souffrent d'accès à répétition.
On sait qu'en moyenne,
la qualité de vie des personnes souffrant de dépression est moins
bonne que celle des sujets présentant une maladie chronique comme
l'arthrite, l'hypertension ou le diabète. Seuls les patients souffrant
de problèmes cardiaques semblent, avoir une qualité de vie inférieure
à celle des sujets présentant des symptômes dépressifs majeurs.
Des études ont montré que les patients dépressifs passaient plus
de temps au lit que ceux souffrant d'autres maladies chroniques,
et que la morbidité (maladies associées) et la mortalité des patients
souffrant seulement de deux symptômes de dépression sont aussi élevées
que chez les sujets présentant tous les critères de dépression majeure.
La qualité de vie des
patients dépressifs est de plus en plus souvent étudiée au cours
d'essais cliniques de médicaments psycho-actifs. Les questionnaires
mesurant la qualité de vie prennent en compte différents indicateurs
:
- des indicateurs fonctionnels
: physiques, sociaux (relation avec les amis, les parents...) ou
relatifs au "rôle" quotidien de l'individu (activité professionnelle,
travail ménager ou scolaire).
- des indicateurs de
bien-être physique
- des indicateurs de
bien-être mental.
Un
impact économique
La dépression a un
impact médico-économique très important. Le coût de cette maladie
s'explique par sa fréquence élevée, la consommation de soins associée
et le dysfonctionnement personnel et professionnel engendré. Il
reflète la détérioration de la qualité de vie évoquée précédemment.
Ce coût a deux composantes : une composante directe et une composante
indirecte.
Le
coût direct de la dépression
Selon des données du
IRDES (1981), la consommation moyenne sur trois mois d'un patient
dépressif (hospitalisations, pharmacie, consultations et visites,
soins divers) était de 1059 francs alors qu'elle n'était que de
566 francs pour un non dépressif. Seuls 445 F étaient directement
imputables au traitement de la dépression et les antidépresseurs
ne représentaient que 20 % des dépenses totales de pharmacie des
dépressifs.
En effet, les dépressifs
déclarent souffrir de deux fois plus de maladies que les autres
individus. Ces maladies sont le plus souvent des troubles gastro-intestinaux,
des migraines, des calculs rénaux (chez l'homme surtout), des cystites
et des troubles des règles chez les femmes. Ainsi, un dépressif
âgé de 30 à 44 ans présente une morbidité équivalente à celle d'un
individu non dépressif âgé de 60 à 79 ans. En bref, la dépression
induit chez un sujet jeune un niveau de consommation médicale comparable
à celui d'une personne âgée.
A ces dépenses de soins
viennent s'ajouter celles induites par les indemnisations des arrêts
de travail, les pensions d'invalidité et les exonérations du ticket
modérateur. Il faut savoir que, chaque année, la dépression entraîne
5000 nouvelles mises en invalidité (soit 12 % de l'ensemble des
mises en invalidité), 9500 arrêts de travail supérieurs à six mois
et plus de 12000 prises en charge totale par l'assurance maladie.
Ces dépenses viennent considérablement alourdir le coût de la maladie.
Le
coût indirect de la dépression
Les dépenses directes
ne représentent pas l'essentiel des conséquences économiques de
la dépression. La dépression compromet en effet le fonctionnement
social de l'individu et favorise l'absentéisme, la baisse de productivité
au poste de travail et les arrêts de travail. Il en résulte des
conséquences néfastes pour la société, quantifiables sous forme
de coûts indirects.
Ceux-ci représenteraient,
selon une étude américaine, 80 % du coût global de la maladie. Ce
chiffre souligne l'impact de la dépression sur la collectivité,
mais il faut noter qu'il n'est sans doute pas entièrement transposable
en France notamment parce qu'une partie de ces coûts indirects dus
aux baisses de productivité est prise en charge sous forme de coûts
directs par l'assurance maladie par le biais de l'indemnisation
des arrêts de travail.
L'ampleur des pertes
de productivité dues à la maladie est sans doute accentuée par le
fait que beaucoup de dépressifs ne consulteraient pas pour leurs
troubles. Cette insuffisance de prise en charge est confirmée par
une étude du IRDES : 36 % des dépressifs interrogés ont déclaré
n'avoir eu recours à aucun soin. Il est très vraisemblable que ces
patients non traités souffrent d'une réduction de leur qualité de
vie et de difficultés dans leur vie professionnelle. C'est pourquoi
la dépression doit être dépistée précocement mais aussi prise en
charge efficacement.
Suite
de l'article
11 juin 1999
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