Antibiotiques
et antibiothérapie
Ce qui pourrait (enfin)
changer
Suite
et fin
La prescription
des antibiotiques est-elle appelée à changer ? Lexemple
des quinolones actives sur le pneumocoque résistant à la pénicilline
Si la mise au point
de nouvelles molécules ne constitue pas la seule issue, il convient
de développer une approche plus large face à ce problème. La résistance
bactérienne est en effet une menace globale dont les implications
dépassent le cadre clinique habituel de linfectiologie.
Ce problème de santé
publique commence dès lusage des antibiotiques lors de lélevage
des animaux, se poursuit avec la dissémination des souches résistantes
au cours des échanges de denrées alimentaires et des déplacements
internationaux de voyageurs, pour se conclure par les conséquences
induites par les résistances sur la politique de santé et son financement
(Carbon
C BMJ 1998 ; 317 : 663-665).
Dans cette approche,
les autorités de santé et lindustrie pharmaceutique ont leur
rôle à jouer. Les pouvoirs publics peuvent en effet promouvoir une
amélioration de la qualité des soins, veiller au contrôle de lusage
des antibiotiques et initier des stratégies de prise en charge des
résistances bactériennes. Les laboratoires, pour leur part, peuvent
participer au développement de linformation thérapeutique.
Une dizaine de quinolones
de nouvelle génération arrive actuellement sur le marché européen.
Ces produits se différencient de leurs prédécesseurs par une activité
significative sur le pneumocoque, leur domaine dindications
étant préférentiellement la sphère respiratoire (tableau 2).
Tableau
2 : les nouvelles fluoroquinolones
DCI |
Laboratoire
Pharmaceutique dorigine
|
AMM |
Prix
|
Levoflaxacine |
Roussel |
Obtenue au
2ème semestre 1998
Infections respiratoires
|
En attente |
Sparfloxacine |
RPR |
Zagam®
1994
|
218,30 F |
Grepafloxacine |
Glaxo-Wellcome |
Obtenue au
2ème semestre 1998
|
En attente |
Moxifloxacine |
Bayer Pharma |
Infections respiratoires |
|
Trovafloxacine |
Pfizer |
Obtenue au
2ème semestre 1998
Infections à germes sensibles quelle que soit leur localisation
|
En attente |
Gemifloxacine |
SB |
Dossier non déposé |
|
Lexemple des
quinolones est représentatif des enjeux posés par les antibiotiques.
Dabord, cette classe dantibiotiques a été constamment
sur la sellette pour des raisons médicales (effets secondaires,
efficacité clinique, résistances) et/ou pour des raisons économiques
(prix élevé, mauvais usage).
Ensuite, larrivée
simultanée sur le marché dun nombre aussi important de molécules
dune même classe est inédite. En général, une classe de médicaments
se développe de manière progressive à partir dun noyau dune
ou deux molécules princeps, comme dans le cas des inhibiteurs de
lenzyme de conversion ou des statines. Les autorités de santé,
les laboratoires pharmaceutiques et les prescripteurs sont aujourdhui
contraints dimaginer de nouvelles approches pour faire face
à cette situation originale.
Ainsi, des supports
de formation et daide au diagnostic devront être proposés
aux médecins pour les aider à choisir, selon les cas, la molécule
adéquate :
- Comment choisir la molécule la plus
adaptée à un patient, et celle qui entraînera le moins de souches
résistantes ?
- Compte tenu de leur spectre, lutilisation
de ces nouvelles quinolones doit-elle être très large ou au contraire
restreinte, ces molécules étant gardées en réserve ?
- Le mécanisme moléculaire de résistance
étant identique, ne doit-on pas uniquement prescrire ces nouvelles
quinolones (qui ont des CMI beaucoup plus basses), et ne plus
utiliser les anciennes (qui risquent daugmenter les résistances) ?
- Quel profil de tolérance présenteront-elles
par rapport aux quinolones précédentes ?
Dans ce contexte particulier,
lindustrie pharmaceutique devra prendre en compte lattitude
des autorités de santé et des médecins :
- Quelle sera lattitude de lAgence
du Médicament dans la délivrance des AMM (contenu/calendrier) ?
Pour la trovafloxacine, Pfizer a demandé des indications larges
dépassant le domaine respiratoire, mais les autres laboratoires
semblent vouloir se cantonner pour l'instant à cette seule sphère.
- Quelle sera la stratégie de la Commission
de Transparence en matière dASMR ?
- Quels prix le Comité économique
du médicament attribuera-t-il à ces molécules ?
- Quelle sera la position des sociétés
savantes ?
- Est-ce que les recommandations ou
les RMO actuelles seront modifiées ?
Dans ce contexte à
la fois très concurrentiel et très contrôlé par les autorités, les
laboratoires pourraient gagner à mettre en uvre des stratégies
originales, orientées vers un service global, dans le cadre de réseaux
de soins et de programmes de disease
management par exemple.
A plus long terme,
le mode de prescription des antibiotiques pourrait évoluer, dautant
que la lutte contre les résistances bactériennes sinscrit
dans un contexte de réduction des dépenses de santé. Les règles
de bon usage des antibiotiques constituent dans cette perspective
un outil efficace. Dautres dispositions peuvent être prises,
sous la responsabilité des pouvoirs publics, des professionnels
de santé ou des industriels du médicament :
- Développement des observatoires
épidémiologiques (ONERBA, RENAGO, ENTERNET, etc.)
- Renforcement des politiques de contrôle
des coûts des antibiotiques
- Révision des critères dévaluation
clinique des antibiotiques et amélioration de la prédiction de
lapparition des résistances par la modélisation mathématique
de la croissance bactériennes
- Campagne dinformation du public
sur les résistances bactériennes
- Amélioration de la diffusion des
recommandations auprès des médecins
- Mise en place de tests diagnostiques
à réponse rapide dans certaines indications justifiant lantibiothérapie.
Le Strep Test donne une réponse rapide à la présence ou
non de streptocoque hémolytique dans les prélèvements de gorge.
Il permet de ne traiter efficacement que ces patients, et de sabstenir
de traitement chez 80% des patients (pharyngite virale).
Des travaux récents
synthétisent ces nouvelles orientations sous forme darbre
de décision (Carbon
C BMJ 1998 ; 317 : 663-665). [cliquer ici
pour en savoir + sur les arbres de décision]
En conclusion
Une consommation excessive
dantibiotiques ne suffit pas à expliquer les résistances bactériennes.
Larrivée massive sur le marché de nouvelles molécules réactive
néanmoins un débat que les politiques de maîtrise des dépenses de
santé ne permettent pas dengager en toute sérénité.
Les autorités médicales
et administratives sont donc incitées à mettre en place diverses
mesures de contrôle de lutilisation des antibiotiques et à
augmenter leurs exigences réglementaires, médicales et économiques.
Ces décisions sont appelées à modifier en profondeur lapproche
des maladies infectieuses et leur traitement. Dans cette perspective
lindustrie pharmaceutique (et ses partenaires) doit probablement
dépasser son rôle dinnovateur pour accepter une responsabilité
et une approche globales.
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