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NHS Direct :
le projet Blair “switch”

Mathieu Ozanam

25 novembre 2000

« Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de personnes qui se promènent dans les couloirs des hôpitaux, pour la simple raison qu’ils ont vu la série Urgences à la télévision. Ils viennent parce qu’ils pensent que c’est le dernier lieu à la mode ».

Le point de vue de ce médecin britannique recueilli par le Guardian est révélateur d'un vrai problème pour le NHS : l’engorgement des services hospitaliers, surtout à l’approche de l’hiver.
Les malades s’adressent en priorité aux urgences en cas d’inquiétude. NHS Direct, un centre d’appel institutionnel, veut s’interposer pour orienter les patients dans le système de santé.

« Get the right treatment »

L’épidémie de grippe qui a touché la Grande-Bretagne l’an dernier a surpris par son ampleur. Cette année, le gouvernement s’est préparé avant même le début de l’été. Les élections générales ayant lieu au printemps, il ne faut pas que pareille mésaventure se reproduise. La campagne publicitaire « Get the right treatment »  d’un montant de deux millions de Livres (soit près 20 millions de francs), lancée en octobre, vise la population par voie de presse, d’affichage et en radio. Il s’agit d’encourager les assurés à se faire vacciner contre la grippe et à s'adresser aux infirmières du NHS Direct en cas de rhumes ou de tracas mineurs, plutôt que de se rendre chez leur généraliste ou dans un service d’urgence.
En France comme en Grande-Bretagne, les recettes des publicitaires pour s’adresser aux plus de 65 ans sont les mêmes. Rien ne vaut le  recours à un prescripteur, une personnalité charismatique qui porte bien ses années et ménage sa santé. A ma droite, la CNAMTS fait appel à Michel Galabru pour sa campagne de vaccination, et à ma gauche le NHS choisit l'ancien boxeur Sir Henry Cooper. Reste à savoir si cela suffira. L’une des agences de publicité retenue admettait elle-même que « le problème posé par l’arrivée de l’hiver ne pourra pas être résolu par la publicité. Il s’agit surtout de savoir combien de personnes seront malades par rapport au nombre de médecins et d’infirmières susceptibles de délivrer le traitement adapté ».

Le NHS Direct : un gate-keeper supplémentaire

Le ministère de la santé britannique fonde de grands espoirs dans le service NHS Direct. Ce centre d’appel téléphonique lancé en décembre 1997, vise à assurer 24 heures sur 24 un accueil téléphonique aux personnes qui ont des doutes sur leur état de santé. Annoncé dans le Livre blanc intitulé « Le Nouveau NHS », c’était une innovation, mais aussi la reconnaissance tacite qu’il n’y avait pas suffisamment de médecins généralistes pour répondre à la demande des patients.  Ce call center tenu par des infirmières se substitue au médecin généraliste dans le renvoi des patients vers l’hôpital ou vers leur médecin. Le service devrait couvrir 65% de la population à Noël.
C’est aussi un moyen de réaliser des économies. Chaque appel à la hot line coûte environ 8 Livres, contre 10,55 Livres pour une visite au généraliste et 42 Livres aux urgences en cas d’accident. Soit un coût annuel de 54 millions de Livres et de 80 millions quand tout le pays sera couvert. Chaque semaine près de 60 000 appels sont traités, un quart d’entre eux concernant des enfants de moins de cinq ans. Beaucoup d’adultes appellent aussi pour leurs parents âgés qui disent ne pas oser déranger le médecin pour rien ». Un sondage réalisé par le Ministère de la santé la nuit de Noël, alors que le service était au maximum de ses capacités, a indiqué que 90% des personnes ayant appelé étaient satisfaites. Par ailleurs 48% d’entre elles avaient reçu le conseil de se traiter elles-mêmes à leur domicile, mais depuis la création du service 24 000 personnes ont été hospitalisées suite à leur appel.

Une hot-line on line

NHS Direct s’est enrichi au printemps d’un site Internet appelé à devenir le portail d’information santé de référence en Grande-Bretagne. L’implantation de 200 terminaux à écran tactile dans des lieux publics (supermarchés, pharmacies, universités, Docks de Liverpool et terminal du ferry dans le Kent) préfigurent les 500 bornes réparties dans tout le pays à l’horizon 2004. Un des six groupes de travail initié par Tony Blair pour émettre des propositions sur la modernisation du NHS a suggéré de doter les britanniques d’une carte de santé qui leur permettrait d’avoir accès à leur dossier de santé depuis ces bornes. Les médecins et les infirmières de l’hôpital ou de la hot line auront un accès aux informations privées sur la base de données centralisée.
Le site NHS Direct se veut dès aujourd’hui très grand public en proposant 200 « audio-clips » de 3 à 10 minutes pour les personnes qui ont des difficultés de lecture. Il devrait compléter son information en offrant des rubriques sur les maladies rares et en mettant les familles des malades en relation. Autre nouveauté : le débat en ligne une fois par mois avec le professeur Mike Richards, cancérologue renommé. Les maladies cardiaques devraient elles aussi trouver leur place sur le site. Le gouvernement entend ainsi faire la démonstration de la confiance qu’il met dans le NHS Direct.

Des rapports aux conclusions divergentes

En octobre, le ministère de la santé a publié un rapport qui démontre que NHS Direct est un moyen d’accès au NHS aussi sûr que n’importe quel autre. Il répond aux critiques selon lesquelles les infirmières traitant les appels ne seraient pas suffisamment expérimentées pour faire face aux problèmes les plus graves. L’étude menée par l’Université de Sheffield dépeint un tableau optimiste du service. Il confirme la popularité croissante de la ligne d’appel et montre qu’elle n’a pas eu d’effet d’induction de la demande. Les enquêteurs ont au contraire mis en évidence le fait que NHS Direct a freiné le recours aux médecins de garde.
Ce n’est pas le point de vue de Lauren Booth, la belle-sœur de Tony Blair. Sa tribune publiée par le New Statesman a alimenté un début de polémique. Après avoir été admise à l’hôpital, elle raconte : « Cinq jours après mon retour chez moi, j’étais à l’agonie. Incapable d’aller chez mon médecin généraliste, car je me sentais trop faible, j’ai appelé NHS Direct. J’ai parlé à une voix dépersonnalisée qui m’a dit de « voir mon généraliste ». j’ai tenu 24 heures de plus et alors, en larme, j’ai à nouveau essayé d’appeler. Une dame à la voix rassurante, qui « en était aussi passé par là, ma chère » m’a conseillé de me mettre au lit avec un bouillotte (…). Deux heures plus tard, j’arrivais aux urgences. Rester au lit avec une bouillotte aurait été une erreur fatale ».
Le ministère de la santé a rétorqué que le centre d’appels ne prodiguait pas des diagnostics mais des conseils.

Une évaluation du service nécessaire

Une enquête menée rendue publique en juillet par l’association de consommateur Health Which abonde en ce sens. Les enquêteurs se sont fait passer pour malades, atteints d’une angine. Dans l’un des cas, selon l’association, les infirmières auraient dû poser plus de questions pour établir que le « malade » avait fait un arrêt cardiaque et que ses attaques d’angine devenaient plus fréquentes. Sur dix appels, seule une infirmière s'est montrée assez curieuse. De plus, les urgences potentielles n'étaient pas correctement traitées alors que d’autres patients étaient envoyés aux urgences sans raisons valables.
La British Medical Association (BMA) ne dit pas autre chose. Lors de son assemblée générale la  BMA a appelé le gouvernement à cesser l’expansion de NHS Direct et à pratiquer une évaluation du service. Certains médecins soulignent que les infirmières sont une denrée rare et qu’elles seraient plus utiles ailleurs. Dans les faits, les médecins généralistes n’ont pas été impliqués dans l’élaboration du service. Ils craignent de perdre leur rôle de gate-keeper et qu’une barrière soit dressée entre leurs patients et eux-mêmes.
Le rapport rendu par l’Université de Sheffield indique de plus que “ au cours de sa première année, le NHS Direct n’a pas réduit la demande exercée sur les services du NHS, bien que l’on puisse supposer qu’il ait pu restreindre l’accroissement de la demande auprès des généralistes de garde. D’un autre côté nous pouvons affirmer que rien ne tend à prouver que le service a encouragé le recours à un médecin."
Lors de l’inauguration du service, Tony Blair déclarait « NHS Direct peut devenir un symbole à la fois d’un système de soins moderne et équitable ». Mais le véritable problème du NHS, qui reste l’inadéquation entre l’offre et la demande, est-il pour autant réglé ? Suffit-il d’enjoindre les malades à se soigner soi-même pour résoudre le problème ? Le gouvernement britannique sait bien que non. L’accord conclu avec l’Espagne pour recruter 5 000 infirmières espagnoles n’est que la première étape d'un plan d’embauche de 20 000 infirmières sur quatre ans (lire notre brève du 07/11/00). De la même façon 10 000 médecins devraient rejoindre les rangs du NHS d’ici à quatre ans.
Et en France, une telle expérience serait-elle imaginable sous cette forme ? L’option du médecin référent qui est pourtant quelqu’un de bien réel et non un simple contact téléphonique, n’a pas convaincu les Français. La transposition paraît donc difficile. D’autant plus que, comme le rappelle le Docteur Chassort, de l’Ordre des médecins, « les médecins ont le monopole de l’exercice de la médecine, et un premier contact avec le patient est indispensable » (lire notre interview du Dr Chassort).
Le NHS Direct est tout de même révélateur de l’évolution que connaît l'exercice médical. Le médecin doit désormais endosser les habits de l'ingénieur, comme l'explique Claude Le Pen dans son dernier ouvrage Les habits neufs d’Hippocrate: Du médecin artisan au médecin ingénieur (lire l'interview de Claude Le Pen et le compte rendu de son ouvrage).


 

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