Interview
Dr
Hervé Laurent, président de Biostat
Suite
et fin
Pensez-vous que le recrutement des patients puisse se faire par
Internet comme aux Etats Unis ?
Je pense que les français
ne seront pas plus timorés que les américains pour être candidats
directement sur Internet à des essais cliniques. Le problème ne
viendra pas des patients ni des médecins, mais plutôt des comités
d'éthique, de la CNIL, du Conseil de l'Ordre, des associations de
défense des consommateurs, de l'évolution de la loi et de la société.
Il s'agit d'un problème politique, et non technique ou médical.
Les portes s'ouvriront ou pas, ça dépendra de la sensibilité de
50 millions de consommateurs, Que Choisir, Elle, Match ou Jour de
France
Pour avoir été à lorigine
de nombreuses enquêtes "grand public", je connais bien
les patients français, et je pense que 25% à 35% d'entre eux sont
ouverts à une communication directe avec les CROs ou l'industrie
pharmaceutique. Ce n'est pas complètement général, mais un français
sur trois est curieux et a envie d'en savoir plus.
Pensez-vous qu'en tant qu'éditeur de logiciels médicaux, vous ayez
un rôle à jouer dans la formation médicale continue ?
Oui, mais il faut distinguer
la FMC en général, et la FMC qui concerne le dossier médical informatisé,
les systèmes d'information dans le monde de la santé et l'intérêt
de ces systèmes d'information. Dans le premier cas, il y a peut-être
un rôle à jouer dans le développement de systèmes d'enseignement
assisté par ordinateur. En revanche, nous avons un rôle majeur à
jouer en ce qui concerne l'éducation des médecins sur les systèmes
d'information, sur l'intérêt de l'utilisation d'un ordinateur dans
la pratique quotidienne, sur l'accès à la connaissance, sur la sécurisation
de la prescription, sur la qualité de la prise en charge du patient,
sur le bon usage du médicament, sur la tenue du dossier médical
et les possibilités d'exploitation sur le plan épidémiologique.
Si lon fait découvrir cela au médecin, on lui fait comprendre
que l'informatique a de l'intérêt. Alors que pour l'instant il y
est très fermé.
Nous Biostat-Parexel
- formons d'ailleurs plusieurs milliers de médecins chaque année
à l'épidémiologie et à l'usage de l'informatique.
Le monde du logiciel médical est en train d'évoluer de façon importante,
et on assiste à une recomposition du marché. Quelles conclusions
en tirez-vous ? A quoi pensez-vous que tout cela va aboutir ?
En fait, le monde du
logiciel médical est en train de stagner de façon dramatique. Peu
déditeurs vont subsister, ceux qui resteront ont déjà plus
ou moins été rachetés par des groupes importants qui peuvent supporter
des investissements et la longue attente du vrai décollage. On sait
qu'ils ne gagnent pas du tout d'argent, mais les investisseurs continuent
à rester sur ce créneau. Nous tirons notre épingle du jeu grâce
à des méthodes marketing un peu différentes des autres.
Mais pour l'instant,
la "taille critique" des médecins équipés - et qui utilisent
leur logiciel - n'est pas atteinte. Donc le marché est encore très
ouvert, avec peut être des solutions qui s'imposeront et qui n'existent
pas encore.
Deux issue peuvent
se présenter. On a vu dans l'informatique non médicale un ou deux
standards s'imposer - pour la bureautique ou les tableurs, par exemple
- et ils communiquent entre eux de façon très simple. Ce genre de
situation est tout à fait envisageable dans le domaine médical.
C'est pour cela que nous nous attachons à l'aspect scientifique
des bases de données, à l'aspect professionnel de chaque spécialité
pour donner une valeur ajoutée à chaque logiciel, plus qu'aux fonctionnalités
informatiques, au langage de développement ou de communication.
Nous nous intéressons à l'usage quotidien de l'outil.
Une autre hypothèse
peut être envisagée. Je ne serais pas étonné que demain le Conseil
de l'Ordre ou la Sécurité sociale donne à tous les médecins qui
s'installent un CD-ROM avec un logiciel de gestion de cabinet. Il
y aurait un système national, un logiciel reconnu.
Pour la médecine, pour
l'épidémiologie, pour le recueil et la transmission de données,
ces deux scénarios sont positifs. Ce qui est important finalement
c'est que les gens soient bien soignés, et que les médecins aient
un outil de qualité qui permette de communiquer.
Les sociétés d'édition
de logiciels devront alors se reconvertir dans des fonctions d'assistance,
de maintenance, elle gagneraient peut-être plus d'argent qu'aujourd'hui.
De toutes façons, dans
le domaine du logiciel médical, il n'y aura pas de solution pérenne
sans un consensus vrai sur le plan de la transmission et de la portabilité
de l'ensemble des données d'un logiciel, et ce n'est pas dans l'état
actuel des choses qu'on y arrivera.
Les médecins sont actuellement censés s'informatiser. Qu'observez-vous
en pratique sur le terrain ? A votre avis, quel est le degré
d'équipement des médecins ? Quelle utilisation font-ils de leurs
logiciels ?
Les médecins équipés
sont connectés à Internet ou en tous cas ils le seront très vite,
car ils sont obligés de télétransmettre la feuille de soins électronique.
Dès qu'ils télétransmettent, ils ont la possibilité de récupérer
des mises à jour des logiciels. Les médecins sont donc pour nous
des internautes potentiels. Effectivement, pour l'instant ils ne
sont que 7% à télétransmettre, mais ils sont plus que ça à être
équipés, et plus que ça à naviguer sur Internet.
Les médecins s'informatisent
effectivement. Sur le terrain il y a une accélération des équipements,
et nous sommes persuadés qu'elle va se poursuivre de façon exponentielle
jusqu'au 31 décembre 99. Cependant, cet intérêt concerne beaucoup
plus la transmission de la feuille de soins que le recueil de l'information
médicale. Les médecins qui achètent chez nous aujourd'hui le font
pour télétransmettre, parce que nous sommes interfacés avec des
opérateurs.
Je pense qu'il y a
beaucoup de médecins équipés, je ne donnerai pas de chiffre parce
qu'il n'y a pas de certitude à ce sujet, mais je pense qu'il y en
a encore beaucoup trop peu qui utilisent leur logiciel comme un
outil de recueil des données, d'aide au diagnostic, de sécurisation
de la prescription, du bon usage du médicament. Ils utilisent leurs
outils pour leur comptabilité, recettes-dépenses, FSE, fichier patient.
Vous êtes également impliqué dans le développement des réseaux de
soins. Où en êtes vous dans ce domaine et que pensez-vous de l'avenir
de ces réseaux ?
Nous avons plusieurs
partenariats dans ce domaine, notamment avec Glaxo Wellcome pour
deux projets. Le premier est le projet PIC 65, pour lequel nous
avons créé un réseau ville - hôpital. L'expérience a été difficile
à mettre en uvre notamment à cause de mesures daccompagnement
de formation et d'équipement, qui sont toujours sous-estimées, mais
à présent le réseau est fonctionnel. Dans ce cadre, nous recueillons
de la donnée structurée, nous relevons un certain nombre d'items
en fonction des différents types de consultation. Nous avons également
un partenariat avec Glaxo sur un réseau dans la région d'Evreux
avec des pneumologues et des généralistes qui se développe bien.
Nous sommes également le partenaire d'un très grand réseau de 1
500 médecins pour une caisse - qui n'est pas la CNAM -. Nous sommes
impliqués dans 7 ou 8 réseaux aujourd'hui. Mon opinion est que ces
réseaux sont des expériences pilotes, qui permettent aux médecins
de communiquer localement..
Les réseaux vont se
développer plus vite qu'on ne le pense. Ce sont de bons modèles
pilotes pour mettre en place des outils de disease management, des
outils d'économie de la santé. Je pense que c'est un domaine vraiment
très intéressant.
Lire aussi les 4 derniers articles parus dans la rubrique Les essais
cliniques :
Les
demandes dAMM au format électronique (28 juin 1999)
AOR
SecureNet : du dossier médical aux essais cliniques (8 mars 1999)
Un
laboratoire virtuel (23 décembre 1998)
Lorsque
le recueil de données informatisées permet d'éviter les prolongations
(22 novembre 1998)
Réagissez
à cet article
Retrouvez
tous
les autres articles et interviews de la rubrique Les essais
cliniques en ligne.
|