Loi
Huriet : premier bilan…

Nicolas
de Saint Jorre
15 mai
2001
Le
9 mai 2000 Claude Huriet, en sa qualité de rapporteur pour la commission
des affaires sociales de la loi du 20 décembre 1988 relative à la
protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales,
a fait état des neuf questions, restées sans réponse. Adressées
au gouvernement depuis 1996 elles concernent le fonctionnement des
comités consultatifs de protection des personnes qui se prêtent
à des recherches biomédicales (CCPPRB).
Dix
ans après la mise en application de la loi, il était temps de réaliser
un bilan sur le fonctionnement des CCPPRB, afin d’être en mesure
d’avancer des propositions d’amélioration pour la révision des lois
dites «bioéthiques».
Un
an plus tard, au cours de la réunion de la commission des affaires
sociales du 4 avril 2001, Claude Huriet a établi une image très
précise du paysage concernant l’activité des structures mise en
place suite à l’adoption de la loi du 20 décembre 1988 grâce aux
réponses issues d’un questionnaire envoyé à l’ensemble des comités,
accompagné d’un programme d’auditions (voir
Rapport d’Information fait au nom de la commission des Affaires
sociales sur le fonctionnement des comités consultatifs de protection
des personnes dans la recherche biomédicale).
Les
enseignements pratiques de la mission
La
première constatation concerne le manque de précision des statistiques
disponibles. Ainsi, il y a eu 2280 avis rendus par les comités en
1999 (63% des avis ont été demandés par des industriels contre 37%
par les personnes physiques ou les organismes sans but lucratif).
78% de ces avis concernaient des médicaments, 10% des dispositifs
médicaux, 9% des recherches cognitives et 3% des recherches en psychologie.
En
revanche, il est par exemple impossible de connaître le nombre de
recherches en cosmétique. Plus grave, Claude Huriet a estimé que
des doutes subsistaient quant à l’application de la loi pour certaines
recherches comme les études épidémiologiques nécessitant un prélèvement
sanguin. Il est également apparu que les comités comme les promoteurs
rencontrent des difficultés pour qualifier les essais « avec »
ou « sans » bénéfice individuel direct.
A
cette redéfinition des termes, il est actuellement nécessaire d’établir
un recueil des positions adoptées par les divers comités afin d’établir
une sorte de « jurisprudence » pour la recherche biomédicale
en France. Cette consultation nationale a également permis de mieux
percevoir la préoccupation des fabricants de dispositifs médicaux
qui doivent fournir gratuitement les dispositifs nécessaires à la
recherche (cette situation pénalisant le développement de la recherche
clinique en France).
Les
défaillances propres à l’organisation des comités
Claude
Huriet a également constaté que la qualité du fonctionnement des
CCPPRB était fonction du pluralisme de leur composition. La présence
de certaines catégories de membres était loin d’être assurée dans
nombre de comités (notamment suite à un nombre élevé de démission,
à l’absence de formation des membres, ainsi qu’à l’absence de rémunération
des professionnels de santé libéraux). D’autre part, cette enquête
a permis de réaliser que certains comités ne se bornaient pas à
donner un avis mais qu’en amont ils acceptaient un rôle de conseil,
au bénéfice de la qualité des essais cliniques.
Cette
analyse a également permis de voir que le nombre de demande d’amendements
aux protocoles est de plus en plus fréquent, situation gênante si
elle devait amener les comités à consacrer moins de temps à l’examen
des protocoles.
Enfin,
la forte variation du nombre d’avis rendus par certains comités
par rapport à d’autres, malgré cette loi du 20 décembre 1988 commune,
avaient pu laisser craindre la création d’un «Gault-Millau» des
CCPPRB.
Les relations entre les comités et les pouvoirs publics
Le
suivi des comités par la direction générale de la santé (DGS), malgré
la récente réforme de ses services, ne semble pas satisfaisante.
En effet, la procédure d’affectation des moyens budgétaires aux
comités est particulièrement opaque. Initialement, le financement
des comités reposait sur une redevance payée par les promoteurs
pour chaque protocole et en contrepartie, les crédits étaient redistribués
aux comités en fonction du nombre d’avis rendu (mode mécanique mais
transparent). Depuis 1998, les modalités de répartition ont été
modifiées, la DGS retenant désormais deux critères : les charges
salariales et de fonctionnement et la situation des comités au vu
des comptes de résultats et des bilans financiers (mode souple mais
opaque).
Cette
réforme du financement s’est traduite également par un accroissement
de l’écart entre le montant total des redevances et les sommes globales
distribuées aux comités, les crédits non distribués étant reportés
d’année en année sur le fonds de concours correspondant.
Pour
Claude Huriet, cette situation nécessite une « remise à plat »
urgente des modalités de financement des CCPPRB.
(pour
lire le tableau Répartition du produit des droits fixes effectuée
par la direction générale de la santé en 2000, cliquer ici)
Les
propositions de Claude Huriet
A
l’issu de cette consultation, Claude Huriet a donc proposé de revenir
sur les points suivants :
- Une clarification
de la définition des essais « avec » ou « sans »
bénéfice individuel direct
- Obliger le
promoteur à fournir gratuitement les dispositifs médicaux
- Associer
davantage les personnes se prêtant à la recherche
- Mettre en
place des moyens pour assurer une meilleure régulation du nombre
des amendements aux protocoles
- Doter les
CCPPRB d’un statut adapté et de réformer l’organisation de leur
financement
- Reconnaître
le rôle de conseil des comités
- Garantir
le pluralisme de la composition des comités
- Mettre un
terme à l’absentéisme (en modifiant de la composition des CCPPRB,
en augmentant les moyens des DRASS, en améliorant l’information
des candidats, la formation des membres et en indemnisant certaines
catégories de membres)
- Encourager
les relations entre les comités et les autres acteurs de la recherche
biomédicale,l’AFSSAPS, la DGS notamment).
L’ensemble
de ces propositions devrait se traduire par une évolution des textes
réglementaires d’une part et par des modifications législatives
d’autre part. La révision des lois dites de « bioéthique »,
qui aurait dû intervenir dès juillet 1999, pourrait être l’occasion
de débattre de ces dernières. Le conseil des ministres devrait étudier
ce dossier durant la première semaine de juin prochain et la loi
être discutée à la rentrée de septembre.
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15
mai 2001
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