Réseaux
de soins coordonnés :
comment concilier structures
et
programmes de soins
Emmanuelle
HUTIN
décembre
1997
La réflexion menée
aujourd'hui sur l'organisation des soins en France s'articule autour
de deux axes principaux :
le développement de nouvelles structures de
soins, de type filières et réseaux,
dont les premiers projets ont été déposés devant la Commission
Soubie
les programmes de gestion globale de
la pathologie (dits de Disease Management), structurés
autour du patient et réunissant les professionnels de santé dans
une approche transversale des soins.
Comment ces deux dynamiques
-l'une fondée sur les structures, l'autre sur le contenu de l'offre
de soins -se complètent-elles pour modifier l'organisation actuelle
du système de santé ?
Le "modèle" américain ?
Une récente enquête
réalisée aux Etats-Unis par Interstudy
Publications a estimé que le nombre dadhérents aux
HMO
avait dépassé 59 millions au début de lannée
1996.
L'analyse des initiatives prises par les HMO américains en termes
de Disease
Management a révélé une baisse sensible des dépenses dans de
nombreux services médicaux. 34 % des HMO ont également connu, sur
lannée 1996, une baisse des coûts totaux par patient dans
au moins une pathologie.
Dans la majorité des
HMO concernés, ce sont les coûts liés aux visites aux urgences et
les hospitalisations qui ont connu les baisses les plus sensibles
(respectivement 74 % et 73,7 %). Les coûts associés aux consultations
de spécialistes et aux visites chez le généraliste ont été réduits
respectivement pour près de moitié (48,8 %) et plus du quart (28,2
%) des HMO.
Ces résultats ne permettent
cependant pas de connaître les raisons effectives de la baisse constatée
des coûts hospitaliers : s'agit-il d'une réduction naturelle de
ces coûts, consécutive à la mise en oeuvre des programmes de Disease
Management, ou bien sont-ils davantage liés à une pression
croissante des payeurs (en l'occurrence les assureurs) sur la consommation
de soins médicaux ?
La question mérite d'être posée lorsqu'on sait que de plus en plus
d'associations sont créées par des patients afin de dénoncer
le mode de fonctionnement des HMO. Certains se rassemblent même
pour proposer des témoignages sur l'Internet ; le site "The
HMO Page" en est une pertinente illustration.
Filières et réseaux : quelle logique pour quels objectifs ?
La même question se
pose en France dans le débat qui oppose les partisans d'une maîtrise
comptable d'un côté, d'une maîtrise
médicalisée des dépenses de santé de l'autre.
L'application pratique de la maîtrise médicalisée est réalisée à
travers les projets de filières et réseaux
de soins. Les deux systèmes ont pour objectif de pratiquer
le "juste soin", autrement dit de mieux soigner les patients
pour un coût moindre.
La filière
de soins est fondée sur une organisation
verticale de la prise en charge du patient. Le point d'entrée
en est le médecin généraliste, qui
est le premier recours systématique du malade et reste son interlocuteur
privilégié. Dans ce système, la rémunération des médecins repose
sur le mécanisme de la capitation, et la gestion de la filière est
assurée par un opérateur institutionnel.
Cette approche est défendue par le syndicat MG-France
au travers de la notion de "médecin référent"
définie dans l'avenant conventionnel.
Le réseau de
soins quant à lui est plus proche du système des PPO
américains. Il repose sur une organisation
géographique des ressources humaines (médecins, pharmaciens...)
et matérielles (hôpitaux...) dans le but de coordonner le suivi
de pathologies ou de populations. La prise en charge des patients
est plus adaptée et plus ciblée, car elle repose sur un travail
en équipe des médecins adhérents au réseau. Ces derniers
assurent eux-mêmes la gestion de la structure.
Certains réseaux existent
déjà en France, mais sous une forme encore embryonnaire, informelle
et non systématisée. Ils sont organisés autour de la dépendance
et de pathologies lourdes (SIDA, toxicomanie, hépatite C).
Quelle
place pour le Disease Management dans les nouvelles structures de
soins ?
Parrallèlement au développement
des réseaux de soins, une réflexion est menée sur le Disease
Management. Structures et programmes de soins participent
d'une logique identique : celle de la décentralisation
de l'organisation des soins, fondée sur une observation des besoins
des professionnels de santé sur le terrain, au niveau
local.
Ces programmes sont
initiés par l'industrie pharmaceutique ou des coordinations d'acteurs
médicaux selon une logique qui remet en cause le cloisonnement
actuel du système de santé français. Cette nouvelle approche, à
la fois transversale et locale
de l'organisation des soins, encourage l'essor des réseaux coordonnés.
Une stratégie de Disease
Management implique une coopération entre chaque acteur de la chaîne
de valeur de santé. Lanalyse se structure actuellement autour
de plusieurs outils, en particulier :
-
Les conférences
de consensus, qui donnent lieu à la définition des RMO
(Références Médicales Opposables)
-
La FMC
obligatoire
-
La formation
des patients
-
La coordination
des soins
-
La mise en place
de call
centers pour les patients (la CNP
développe par exemple un système de cet ordre avec son projet
"Carré Bleu").
-
L'évaluation
des pratiques, des structures et des résultats, qui permet d'engager
des processus d'amélioration.
Linformatique,
et les technologies Internet en particulier, apparaît comme le support
privilégié de ces programmes.
Linformatisation des professionnels de santé, le Réseau Santé
Social et le projet Sésam-Vitale vont ainsi dans le sens dune
plus grande intégration des programmes et des structures de soins.
La réussite des réseaux
de soins à la française passe autant par le développement de programmes
de Disease Management que par une acceptation du partage des responsabilités
entre les différents acteurs de la chaîne de santé.
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