En
savoir plus sur les
réseaux de soins
Dominique
Etienne
Juin
2000
Suite 2/3
Quest-ce que lévaluation dun
réseau ?
Que changent les réseaux pour les professionnels
de santé ?
Que changent les réseaux pour les patients ?
Vous
vous interrogez sur un thème ? Posez-nous
votre question, nous y répondrons dans les plus brefs délais.
Quest-ce
que l'évaluation dun réseau ?
Eléments
de méthodologie :
- Quoi évaluer ?
Lévaluation du réseau porte sur les processus et sur les
résultats. Lévaluation des processus est de deux types :
les processus de prise en charge et les processus organisationnels
(formation, outils et système dinformation).
- Qui évalue ?
Deux grands types dévaluation peuvent être menés :
lévaluation externe, qui se place du point de vue des financeurs
mais aussi des usagers et des autorités de tutelle ; lévaluation
interne, dont le but est formatif, et qui doit " coller "
aux objectifs des acteurs du réseau.
Lévaluation
externe doit être acceptée par les professionnels et les promoteurs.
Menée de manière périodique, elle permet à la fois aux instances
hors réseaux et aux acteurs de connaître les performances du réseau.
Lévaluation
interne est quant à elle itérative, voire continue tout au long
de la vie du réseau. Elle a pour but de produire une connaissance
sur leur propre fonctionnement et de lintégrer à laction.
Les acteurs du réseau doivent reconnaître cette évaluation pour
ajuster leurs comportements. Elle permet de les engager dans un
processus de gestion de la qualité.
Le
choix des évaluateurs dépend des finalités de lévaluation.
Selon les outils à utiliser, on aura recours aux experts spécialistes
en la matière. La pertinence de lévaluation repose sur un
juste milieu entre lindépendance des évaluateurs vis-à-vis
du réseau et la connaissance de la réalité pratique du réseau et
des acteurs. Ainsi, comme le recommande lAnaes (voir son rapport
sur les principes dévaluation des réseaux de santé),
un comité de pilotage de lévaluation est nécessaire pour concilier
et piloter les deux. Il est absolument impératif que lévaluation
soit pensée dès la genèse du réseau ; dautre part les
questions du financement, de lidentité du promoteur et de
lévaluation sont dépendantes les unes des autres.
Comment
mesurer : le réseau possède-t-il un système dinformation
qui permette lévaluation ?
En
résumé, lévaluation doit répondre à six questions :
- Le réseau
atteint-il ses objectifs ?
- Quelle est
la qualité des processus mis en uvre et des résultats atteints ?
- Les personnes
prises en charge sont-elles satisfaites ?
- Quel est
lapport spécifique de lorganisation en réseau dans
le degré datteinte des objectifs, la qualité des processus
et des résultats ? Quels sont les coûts engendrés par le
réseau ?
- Quels sont
les effets indirects, positifs et négatifs, induits par le réseau ?
Pour
répondre à ces questions, trois phases sont nécessaires : documenter
chaque question, mesurer les résultats, construire des indicateurs
et évaluer leur pertinence.
Trois
types dindicateurs doivent être construits : des indicateurs
de moyens, des indicateurs de processus, des indicateurs de résultats
intermédiaires et de résultats finaux. Lindicateur peut être
constitué par le résultat dune mesure ou être la synthèse
de différentes mesures. Lévaluation repose ensuite sur la
comparaison du niveau de ces indicateurs à un référentiel.
Les
indicateurs de résultats finaux correspondent à lobjectif
final du réseau. Leur mesure intervenant au bout de plusieurs années,
ils peuvent être influencés par des facteurs externes à la prise
en charge en réseau. Ainsi, la diminution de lincidence de
séroconversion par le virus de lhépatite C peut être multifactorielle,
avec des facteurs externes à laction menée dans le réseau.
En revanche, les indicateurs de résultats intermédiaires, de moyens
et de processus doivent être suivis de très près car ils peuvent
révéler des dysfonctionnements à redresser très rapidement. Un type
dindicateur intermédiaire peut être fondé sur des taux (proportion
de patients ayant eu une mesure de la douleur donnée par une échelle
analogique par exemple) ou être fondé sur des événements (hospitalisation
en urgence dun patient par un médecin en dehors du réseau).
Le
choix des indicateurs économiques peut être fondé sur le rapport
coût-efficacité de la prise en charge et coût-qualité de vie des
patients dans le cadre de la coordination et dans un cadre sans
coordination. Néanmoins, cette approche est difficile à appliquer
aux réseaux : les mesures du coût moyen de la coordination,
de la productivité du réseau associée à sa taille optimale, et de
lapprentissage professionnel collectif sont également importante.
Quatre
types de comparaisons peuvent être envisagés :
- Comparaison
de la performance mesurée à la performance prévue par les objectifs :
dans ce cadre, des objectifs réalistes ont dû être définis dès
lélaboration du réseau.
- Comparaison
de deux mesures successives de la performance : elle implique
que les mesures soient réalisées dans des périodes de relative
stabilité des objectifs et du réseau lui-même. Elle permet de
mesurer lévolution de lamélioration de la qualité
du réseau et sa capacité à analyser les dysfonctionnements et
à évoluer.
- Comparaison
de la performance du réseau versus absence de réseau : celle-ci
est méthodologiquement complexe. En effet, les patients hors réseau
et dans le réseau ont probablement des caractéristiques différentes
en termes socio-professionnels et les porfessionnels ne sont pas
non plus les mêmes. Des ajustements (dordre statistique)
sur les données sont donc en général indispensables.
- Comparaison
des performances de deux réseaux : elle pose les mêmes problèmes
que la précédente et de plus, un réseau sadaptant à une
population donnée, il est fort peu probable de trouver des réseaux
dont les objectifs sont tout-à-fait similaires.
Les
principales dimensions de lévaluation :
Evaluation
médicale
Lévaluation
médicale repose sur létude des résultats et dindicateurs
médicaux concernant la les pratiques et lorganisation des
soins. Les indicateurs doivent être définis lors de la conception
du réseau, et si certains reviennent de manière quasi systématique
dans les projets, certains sont spécifiques à la pathologie prise
en charge. Les dimensions abordées dans le cadre de lévaluation
médicale sont la sécurité, laccessibilité aux soins, le caractère
approprié des soins, la continuité, lefficacité théorique,
lefficacité de terrain, lefficience, la satisfaction
du patient. On peut citer certains indicateurs :
- Indicateurs
daccessibilité des soins : délais de recours aux médecins
spécialistes, facilité dobtenir des conseils par téléphone
(ou par e-mail, si le système dinformation du réseau le
permet) ;
- Indicateurs
de qualité des procédures : taux de patients ayant bénéficié
des soins définis dans les procédures recommandées, en terme de
prévention (vaccins, frottis), de procédure curative (corticoïdes
au long court chez les asthmatiques), de surveillance clinique
(fond dil chez les diabétiques), déducation
(auto surveillance de la glycémie chez les diabétiques) ;
- Indicateurs
de qualité de résultats des soins : mortalité, intensité
des symptômes, évolution des paramètres cliniques ou biologiques
(poids, pression artérielle, glycémie, etc.) ;
- Questionnaires
développés pour mesurer létat global de santé physique et
mentale (échelles de qualité de vie générique ou spécifiques à
la pathologie concernée).
Pour
pouvoir procéder à cette évaluation, les prérequis sont :
- le dévelopement
dinstruments de mesure validés ;
- le développement
dun système dinformation qui permette de chaîner les
informations concernant un même patient au sein du réseau, de
coder les informations et ainsi de les analyser de manière agrégée ;
- le développement
de référentiels positifs.
Laudit
clinique est aussi un outil dévaluation des pratiques individuelles
mais ne permet pas dapprécier le fonctionnement du réseau
de manière collective ; il doit de plus être mené de manière
concertée pour ne pas engendrer de comportements défensifs de la
part des porfessionnels.
Evaluation
économique
Loptique
coût-efficacité peut être adoptée. Pour une pathologie chronique
donnée, on peut discerner les types de coûts dans le cadre dune
prise en charge hors réseau et dans le réseau. Dans lasthme
par exemple (pour en savoir plus, voir notre article
sur la prise en charge de lasthme), on trouvera le schéma
suivant :
Prise
en charge traditionnelle :
- " Coûts
inévitables dus à la bonne prise en charge des patients "
- Coûts " évitables "
(hospitalisations évitables, recours aux urgences évitables, schémas
thérapeutiques évitables).
Dans
le cadre du réseau :
- " Coûts
inévitables dus à la bonne prise en charge des patients "
- Coûts " évitables "
diminués (hospitalisations et recours en urgence diminués, prescription
inutiles diminuées)
- Coûts supplémentaires
engendrés par le meilleur suivi des traitements, léducation
des patients, la formation des professionnels, variables selon
le besoin de prise en charge des patients (sévérité et compliance
au traitement).
Lévolution
économique attendue est donc : laugmentation des coûts
de la prise en charge des patients par lamélioration du traitement
et les programmes déducation et de formation et, parallèlement,
la diminution des coûts évitables.
Le
coût de la coordination peut être estimé en valorisant le temps
passé par les professionnels nappartenant pas à la structure
de coordination et en y ajoutant les données comptables de cette
structure.
La
mise en place de ce type de protocoles dévaluation coût-efficacité
concerne en particulier les réseaux dont les dossiers sont soumis
au comité Soubie : en effet la participation de lassurance
maladie, du point de vue de financeur, implique une évaluation rigoureuse
des dépenses au regard du service rendu.
De
manière générale, les indicateurs tels que le coût par hospitalisation
évitée et le coût par admission aux urgences évitée sont très
utiles pour lévaluation de limpact du réseau sur les
consommations de soins. Dautre part, la comparaison des coûts
en réseau et hors réseau est importante notamment pour la mise en
place de forfaits ou de rémunérations spécifiques à lintention
des professionnels. Enfin, la définition de la taille optimale de
la structure (nombre de patients à prendre en charge) est nécessaire
pour obtenir la meilleure allocation des ressources.
Evaluation
de la satisfaction des patients et des acteurs
Les
enquêtes de satisfaction peuvent être à visée interne ou externe.
A visée interne, elles servent à mesurer et améliorer une situation,
alors quà visée externe, elles permettent dafficher
les résultats et ont une vocation de comparaison. Les financeurs
et lassurance maladie sont demandeurs dinformation sur
la satisfaction des patients pris en charge dans les projets quils
mettent en place. Sil existe des outils de recueil dinformation
spécifiques à la qualité de vie, il nexiste pas de méthode
standardisée détude de la satisfaction quant à la prise en
charge et aux soins : ils doivent être pensés et conçus selon la
spécificité de chaque réseau, sa population et son organisation.
La satisfaction des professionnels est essentielle aussi puisquelle
peut influer sur les résultats des soins et la qualité perçue par
les patients (donc leur satisfaction).
Que
changent les réseaux pour les professionnels
de santé ?
- La pratique
en réseau est un apprentissage : les professionnels doivent
travailler selon un mode plus concerté (concertation secteur médical/secteur
paramédical, concertation spécialistes/généralistes, concertation
ville/hôpital), en mettant des moyens en commun et en partageant
des informations sur leurs patients.
- Dautre
part lappartenance au réseau implique de se conformer à
des référentiels de bonnes pratiques qui définissent la manière
dont les patients doivent être soignés au sein du réseau. Dans
cette optique, des cessions de formation sont mises en place.
Ils acceptent aussi dêtre évalués par rapport à ces référentiels
et par rapport aux objectifs du réseau. Enfin ils participent
au système dinformation du réseau, ce qui implique une informatisation
et lapprentissage de la communication jusquà léchanges
de données informatisées entre membres du réseau.
- Lensemble
de ces engagements est le plus souvent consigné dans une charte
dadhésion des professionnels au réseau. Ils sous-entendent
un investissement en temps en dehors de la stricte pratique médicale
ou paramédicale : temps dapprentissage, temps consacré aux
réunions, à la formation, à la vie du réseau.
- Du point
de vue financier, les professionnels du réseau, principalement
les médecins, sont confrontés, dans le cadre de réseaux de soins
expérimentaux, à de nouveaux modes de rémunération : la prise
en charge de la pathologie concernée fait en effet souvent lobjet
dun forfait par patient, ce qui implique la disparition
du paiement à lacte dans le cadre du réseau. Dautre
part, un complément de rémunération peut être prévu pour les nouvelles
tâches assumées dans le réseau (réunions, formation, tenue
du dossier médical informatisé, travaux sur la définition des
protocoles).
- Enfin, la
participation au réseau entraîne, de manière logique, le développement
de lexpertise des professionnels sur la pathologie donnée
ou sur le type de population concerné et les problèmes médicaux-sociaux
quelle rencontre.
Que
changent les réseaux pour les patients ?
Le
patient sengage à respecter les règles du réseau et les protocoles
mis en uvre à son intention (dates de consultations, bonne
prise de son traitement). Il participe à lévaluation en acceptant
par exemple de répondre à des questionnaires sur sa satisfaction par
rapport aux soins reçus et à des questionnaires de qualité de vie.
- Dans certains
types de réseaux, la prise en charge financière de ses soins sera
différente : pour les soins apportés à la pathologie concernée,
il pourra par exemple être intégralement remboursé, dispensé davance
de frais ou encore bénéficier de lexonération du ticket
modérateur.
- En contrepartie
des avantages financiers, le patient doit en général sengager
à ne consulter que les médecins adhérents et/ou partenaires du
réseau (sauf en cas durgence). De même que pour les professionnels,
une charte " patient " est rédigée et doit
être acceptée par les patients inclus dans le réseau.
- Enfin, le
réseau doit générer un bénéfice thérapeutique pour le patient.
Si le nombre de consultations et/ou de bilans augmente apparemment
dans un premier temps pour le patient, le nombre à long terme
de recours aux praticiens doit diminuer du fait de lamélioration
de son état de santé général. Le patient se voit proposer des
séances " éducatives " et " informatives " :
comment respecter au mieux la bonne prise de son traitement (réseaux
de soins dans lasthme par exemple), comment surveiller son
alimentation (dans le cas du diabète par exemple). Enfin, les
bénéfices induits par la meilleure observance du traitement et
un suivi plus régulier (prise en charge intégrée de la pathologie)
conduisent à une diminution des consultations en urgence et des
hospitalisations, donc à une amélioration de la qualité de vie
du patient.
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