|
Aïssa
Khelifa
"Si
plusieurs réseaux de soins coexistent, il est indispensable
que les systèmes d'information soient harmonisés"
|
12 mai
1998
Consultant
senior chez ALTAO, Aïssa
Khelifa est spécialiste des réseaux de soins et de l'information
médicale.
Il
a été pendant deux ans responsable de DPS (Dialogue Professionnels
de Santé), l'activité "Services de Santé" du groupe
SmithKline Beecham.
Il a notamment travaillé sur des programmes de Disease Management,
et a réfléchi sur les structures de soins que sont les réseaux et
les filières.
Il
nous avait alors reçus chez lui et essayé, dans ses réponses, d'être
le plus prospectif possible. Pari difficile sur un sujet sensible
et incertain.
1
Quel est selon vous lobjectif principal des réseaux
de soins expérimentaux ?
Il
sagit détudier comment les modifications comportementales
des professionnels de santé et comment un travail de réflexion sur
leur(s) mode(s) de coopération potentiel(s) peuvent mener
à une amélioration globale du résultat médical et conséquemment
du résultat économique. Concrètement, les projets pilotes de RSC
(Réseaux de Soins Coordonnés) doivent permettre de réfléchir sur
la façon dont la circulation de linformation, le respect dobjectifs
communs de qualité, la définition de bonnes pratiques ou encore
la mise en place de procédures dévaluation serviront à terme
la maîtrise médicalisée.
Le
système français est actuellement dans une phase dapprentissage,
liée à ses caractéristiques intrinsèques. La spécificité des réseaux
"à la française" repose essentiellement sur le nombre
comparable de médecins généralistes et spécialistes, qui encourage
la logique de réseaux communautaires fondés sur une communication
transversale entre les différents adhérents. Il ne sagit nullement
de calquer des expériences étrangères plus ou moins réussies sur
la situation française (on entend beaucoup parler des "modèles"
américains de type HMO ou PPO), mais de voir dans quelle mesure
les différents outils existant peuvent sy adapter.
2
Comment voyez-vous l'évolution de la dynamique hiérarchique
chez les professionnels de santé (rapports généralistes/spécialistes) ?
Quelle pourra être la porte dentrée, et comment seront réparties
les responsabilités cliniques ?
Le
premier postulat qui fonde la mise en place dun RSC est celui
de la coopération entre les différents acteurs qui le composent.
Autrement dit, aucune hiérarchie préétablie na de raison dêtre
dans un réseau de soins. La coopération existe non seulement entre
les médecins eux-mêmes, mais aussi entre les médecins et les autres
professionnels de santé (hôpitaux, pharmaciens
).
La
logique dun réseau veut également que les points dentrée
soient constitués par tous les adhérents : chaque professionnel
de santé est potentiellement un recruteur.
Dans
la pratique ensuite, tout dépend de la configuration réelle de la
population des professionnels de santé dans la zone du réseau :
les points dentrée ne seront pas les mêmes dans une zone qui
compte par exemple 65 % de spécialistes pour 35 % de généralistes,
et dans une autre où la proportion généralistes/spécialistes est
inversée.
Enfin,
la définition des responsabilités au sein dun réseau est conditionnée
par lexistence de protocoles. Toutefois, afin de pas
transformer chaque acteur de santé en créateur de protocole, une
part non négligeable doit être laissée à la mise en uvre de
relations transversales reposant sur la simple pratique de la médecine,
dans un cadre communautaire déchanges.
3
Comment envisagez-vous la sélection des professionnels à
lentrée dans le réseau ? Quels seraient alors les critères
à retenir ?
Nul
nest tenu dadhérer à un réseau, mais à partir du moment
où un professionnel y entre, il est tenu den respecter toutes
les règles de fonctionnement.
Cest
à chaque réseau de définir lui-même ses propres critères. Ces derniers
doivent être publics afin de permettre aux professionnels
de santé dy adhérer avec la meilleure visibilité possible.
4
Comment selon vous assurer la formation des professionnels ?
La
formation des professionnels dans le cadre de la mise en uvre
des RSC doit avant tout être ciblée. Dans ce cadre, lanalyse
des besoins de formation repose non pas sur des questions purement
théoriques ou sur lintérêt de lindustrie, mais bien
sur les engagements pris par le réseau lui-même.
Par
exemple, dans le cas dun réseau ayant pris des engagements
en matière de dépistage du cancer du col, la formation des médecins
devra se concentrer sur les frottis cervicaux. Elle pourra également
sattacher à développer des outils dévaluation chez les
anatomopathologistes.
5
Faut-il à votre avis développer un système incitant les professionnels
de santé à adhérer à un réseau ? Sous quelle forme ?
Dans
un environnement économique tel quil existe à lheure
actuelle, un système dincitation est nécessaire.
Il
peut prendre plusieurs formes :
Le bénéfice
professionnel tout dabord : on a parfois tendance
à loublier, mais le premier avantage que les médecins peuvent
retirer des réseaux est sans doute celui qui consiste à mieux soigner
leurs patients, ce qui doit rester le principal objectif ;
Les incitations
financières ensuite, qui pourraient fonctionner selon une logique
denveloppe et de reversement en fonction du résultat économique
effectif par rapport aux engagements pris.
Quant
aux sanctions liées au non respect par le médecin adhérent des règles
de fonctionnement du réseau, elles sont extrêmement simples et consistent
en lexclusion du praticien du réseau.
La
question délicate qui se pose aujourdhui concerne lhypothèse
qui verrait le respect par lensemble des professionnels de
santé des engagements à caractère médicaux, respect qui se solderait
contre toute attente par un surcoût de dépenses : si en pratiquant
une meilleure médecine les coûts augmentent, quelle serait alors
la solution à privilégier ?
Si
effectivement ce scénario venait à se réaliser, les expérimentations
auront le mérite de le faire clairement apparaître, chose qui nétait
pas envisageable jusquà présent.
[Suite
de l'interview]
12 mai 1998
|