La
tentation du Spin off
Laurent
ALEXANDRE, Cédric
TOURNAY
12 décembre
1999
"You
can't change reality. Corporations have to ask themselves, do they
want to play or not? They can try to do it internally, but they'll
soon learn that doing it on the inside is three times as difficult
as doing it from the outside."
Heidi
Mason, Bell-Mason Group
LInternet
médical connaît actuellement une inflexion forte. Lâge des
sites de "première génération" est désormais révolu, et
les opérateurs spécialisés saffirment progressivement comme
les véritables leaders du Web médical. Face à cette évolution, les
laboratoires pharmaceutiques doivent repenser non seulement leur
positionnement (que faire ?) mais aussi leur organisation (comment
le faire ?). De façon succincte, voici sept stratégies de développement
possibles sur le Net, de la plus frileuse à la plus ambitieuse.
L'attentisme (le no go)
Le plaquetteware
Les sites de spécialités
Les sites événementiels
Les stratégies dalliances
et de partenariats
Le développement d'une marque électronique
(e-branding)
Le spin off
Les anticipations extrêmement
positives des acteurs du marché à légard du Web médical poussent
de plus en plus dentreprises à engager les stratégies les
plus ambitieuses, allant jusquà la création de filiales dédiées
(via un spin off le plus souvent). Puisque chacun est désormais
convaincu que lInternet provoque une recomposition de la chaîne
de valeur pharmaceutique et une réorganisation globale des systèmes
de santé, les laboratoires pharmaceutiques sont de plus en plus
nombreux à envisager de participer au jeu actuel en se dotant des
mêmes armes que les start-up. Comme dans les autres secteurs dactivité,
lémergence de filiales dédiées au e-business devient ainsi
le dilemme stratégique numéro 1. Aux Etats-Unis et maintenant en
Europe, la question agite les managers et les actionnaires : comment
créer de la valeur sur le Web sans nuire au cur de métier
du laboratoire ?
Lattentisme (le no go)
Certains laboratoires
de taille moyenne nont toujours pas initié de stratégie Internet,
faute se savoir comment se positionner face à ce média. Dans certains
cas, la décision de ne pas développer de service Web, ne serait
ce que pour y assurer une présence, relève dune aversion pour
cet outil, considéré avec mépris comme un gadget. Il est vrai que
ce type dattitudes ne se rencontrent plus guère. Plus personne
ne se demande sil est opportun daller sur le Web. La
question, désormais, consiste plutôt à savoir "comment y aller",
avec qui et pour quoi faire.
Le plaquetteware
La plupart des laboratoires
ont, dans un premier temps, choisi de développer des sites institutionnels
pour présenter lentreprise. Ces sites plaquettes (plaquetteware)
sont désormais dédiés à la communication avec la presse et les investisseurs.
Ils ne constituent pas un service original, capable de générer de
laudience et de transformer le métier de lentreprise.
Toutes les fonctions
dun laboratoire R&D, marketing, ventes, distribution,
etc. subissent aujourdhui limpact des nouvelles
technologies de linformation. Les entreprises doivent donc
se transformer en profondeur pour sadapter aux caractéristiques
de la nouvelle économie, engendrée par lInternet. Dans sa
dernière étude sur le commerce électronique, intitulée Dynamic
Trade Voyage, le cabinet Forrester
définit trois étapes de transformation de lentreprise en acteur
du e-business : expérimenter (1), déconstruire (2), réinventer
(3). Il est évident que la mise en uvre de sites plaquettes
ne constitue que la première action de la première phase de ce long
voyage.
Les sites de spécialités
Dans la plupart des
cas, les laboratoires ont opté pour une stratégie de multiplication
de leurs sites, convaincus cela leur permettait dadapter leur
communication en fonction des cibles (patients, professionnels de
santé, etc.) et des thèmes abordés. Surtout, le développement de
petits sites thématiques a permis aux laboratoires de décentraliser
les projets et den laisser la responsabilité aux business
units. Dans ce schéma, les directions informatiques et marketing
étaient invitées à assurer la coordination des projets Web, en veillant
notamment à la pertinence des choix de prestataires et à la cohérence
technique et graphique des applications.
Pour un laboratoire
engagé dans cette voie, il importe de créer un réseau cohérent de
sites de spécialités, dans lequel les professionnels de santé peuvent
naviguer aisément depuis un portail institutionnel, en fonction
de leur profil et de leurs attentes. Glaxo
Wellcome France est ainsi à linitiative dune galerie
de sites pathologiques de bonne facture dans ses domaines dexpertise :
SID'actualité,
site pluridisciplinaire d'information et d'échanges sur l'infection
par le VIH
Epilepsie
On Line, espace d'information et de discussions sur les épilepsies
Herpès
viridae, site d'information et d'aide à la prise en charge de
la pathologie herpétique
Infectiologi@,
espace multidisciplinaire d'informations et d'échanges sur l'infectiologie
à l'hôpital.
Cardio-Online,
espace multidisciplinaire d'informations et d'échanges sur la cardiologie.
Progressivement, aux
Etats-Unis du moins, les sites de spécialités se recentrent pour
devenir des sites dédiés à des produits, afin de promouvoir les
marques tout en les insérant dans un environnement applicatif riche.
Zocor.com (Merck),
Claritin.com
(Schering-Plough), Prozac.com
(Eli Lilly) se sont affirmés comme des sites de référence pour les
patients et pour les professionnels de santé. Dans leur domaine
respectif, ils apportent un service global qui accroît le service
médical rendu. Ces sites permettent aux fabricants doccuper
des "niches informationnelles" et davoir un impact
direct sur les ventes de produits (prise de parts de marchés, amélioration
de lobservance, etc.).
Ce choix a permis aux
laboratoires dexpérimenter toutes sortes de positionnement
et didées. Malgré de nombreux échecs, les sites de spécialités
constituent toujours une piste intéressante, a fortiori lorsque
laire thérapeutique visée constitue un axe de développement
stratégique pour le laboratoire, ou quil dispose dun
blockbuster dans le domaine considéré. En effet, des moyens importants
peuvent alors être mobilisés pour affirmer la présence de ce service
sur le Web et entretenir son fonctionnement. Aujourdhui, le
challenge des sites de spécialités réside dans leur capacité à sintégrer
dans le paysage du Web, pour bénéficier de transferts daudience
de la part des portails. Via des programmes daffiliation,
des campagnes de publicité et des actions daccompagnement
sur le terrain, un site de spécialité doit désormais se positionner
comme le lieu de référence ultime pour trouver une information ou
un service sur un thème précis (ex : les greffes dorgane
pour le site www.transplantation.net,
développé par Novartis).
Transplantation.net
Dans cette perspective,
des applications originales voient le jour, avec des contenus exclusifs.
Le laboratoire Pfizer est ainsi à lorigine dune série
dapplications de formation médicale continue en pneumologie,
accessibles sur le site www.pneumologic.org.
Ce service a été conçu en français et en anglais, en partenariat
avec la SPLF (Société de Pneumologie de Langue Française) et lESRM
(European School of Respiratory Medicine). Il compte plusieurs milliers
de pages et constitue désormais un lieu de référence dans cette
spécialité.
Au-delà des créations
originales, génératrices de contenus exclusifs pour le Web, des
fonctions de e-business, au sens large, doivent désormais sajouter
aux sites de spécialités, afin quils deviennent un support
intégré dans la vie du laboratoire (drug development, communication,
relations avec les partenaires du laboratoire, soutien de la force
de ventes, etc.).
Suite
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12 décembre 1999
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