1,2
milliard d’€uros :
Comment
gérer le succès de l’APA ?

Mathieu
Ozanam
26
février 2003
"L'Allocation
personnalisée d'autonomie est une bonne mesure sociale. Elle est
appréciée de nos concitoyens. Il faut lui conserver son caractère
universel". Hubert Falco, le secrétaire d'Etat aux personnes
âgées, a tenu à se montrer rassurant. Victime de son succès, l’APA
qui vise à permettre une meilleure prise en charge de la perte d’autonomie
des personnes âgées de plus de 60 ans peine à trouver son financement.
Le nouveau
dispositif se substitue à la prestation spécifique dépendance (PSD)
créée en 1997 par le gouvernement Juppé. Sa gestion par les départements
entraînait de fortes disparités dans les critères d’éligibilité
et le
montant des prestations accordées. Avec seulement 148 000 bénéficiaires,
la PSD n’avait pas atteint ses objectifs. Le recours sur les successions
qui permettait aux Conseils généraux de se rembourser partiellement
au décès de l’intéressé a découragé un certain nombre de personnes
qui auraient pu souscrire à cette aide.
Une mesure sociale populaire
Plus
égalitaire avec des barèmes et des montants fixés au niveau national
et plus généreuse, le succès de l’APA a révélé la pertinence d’une
mesure répondant à de réels besoins dans un pays dont la population
vieillit. A la fin du mois de septembre 2002, 878 000 dossiers
de demande étaient recensés, dont 68 % par des personnes
vivant à domicile, et 542 000 avaient été déclarés complets
par les Conseils généraux selon une étude de la Direction de la
recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES).
L’Observatoire décentralisé de l'action sociale décentralisée (ODAS)
estime qu’au total près de 770 000 personnes devraient bénéficier
à terme de la prestation, dont 420 000 à domicile et 350 000
en établissement.
Les premières
statistiques de la DREES permettent d’esquisser le profil-type
des bénéficiaires. Les personnes classés dans les GIR 1 et 2, stades
les prononcés de la perte d’autonomie, représentent 14 % de
la population étudiée, suivies à 21 % pour les GIR 3 et
35 % pour les GIR 4 (Lire La grille Aggir : un outil
pour objectiver la dépendance). Le montant moyen du plan d’aide
est de 515 €uros mensuels pour les personnes qui perçoivent un versement
individuel en raison de leur maintien à leur domicile. Le Conseil
général prend en charge à 95 % de l’allocation, seuls
5 % devant être supportés par les bénéficiaires. En établissement
le montant moyen s’établit à 332 €uros.
Un coût mal évalué
Problème :
les coûts de cette mesure sociale pour 2002 et 2003 reposaient
sur une évaluation de 500 à 550 000 bénéficiaires par an, pour
un montant de 2,5 milliards d’€uros. Le gouvernement Jospin
tablait sur une montée en charge progressive jusqu’à la fin de l’année
2004 avec 800 000 bénéficiaires. En réalité 80 à 90 % des
bénéficiaires potentiels auraient déjà déposé leur demande à la
fin 2002 selon l’ODAS. En 2002 l’impact budgétaire a été modéré,
les dépenses liées à l’APA étant compensées par les prestations
qu’elle remplace (Allocation compensatrice tierce personne, Prestation
spécifique dépendance) et par l’apport de l’Etat via le fonds de
financement de l’APA. Mais le poids financier avoisinerait 3,6 à
3,9 milliards d’€uros en 2003 et de 4 milliards en 2004, contre
1,5 milliard en 2002. Les besoins de recettes complémentaires serait
de l’ordre de 1,1 à 1,4 milliard d’€uros.
Un problème d’affichage politique
Les
budgets des départements devrait en conséquence s’alourdir de plus
d’1 milliard d’€uros en 2003. Sous la contrainte, les exécutifs
départementaux, qui financent l’APA à hauteur des 2/3, seraient
alors amenés à procéder à une réévaluation à la hausse de la fiscalité
locale pour parvenir à équilibrer leurs comptes. L’impact politique
en terme d’images serait du plus mauvais effet alors que le gouvernement
Raffarin affiche sa volonté de réduire les prélèvements obligatoires
et veut relancer la décentralisation. Les élus locaux ne se privent
pas de dénoncer cette politique en trompe-l’œil qui reporte sur
l’échelon départemental ou régional les économies réalisées au plan
national.
Les arbitrages
du gouvernement étaient donc attendus avec impatience à l’heure
à laquelle les Conseils généraux bouclaient leur budget. Hubert
Falco a précisé le 18 décembre 2002 que le surcoût de l’APA d’1,2
milliard d’€uros serait supporté à parts égales par l’Etat qui empruntera
400 millions d’€uros à la Caisse des Dépôts et Consignation et aux
départements. Des ajustements seront nécessaires et feront l’objet
d’arbitrages en début d’année.
Des paramètres aléatoires
Cependant
bien des paramètres demeurent encore inconnus. La durée de présence
est évaluée à 3 ans pour le GIR 4, à 2,2 ans en GIR 3,
à 18 mois en GIR 2 et à 9 mois en GIR 1. Autrement
dit, tous les deux mois 11% des bénéficiaires du GIR 1 sortent du
dispositif en raison de leur décès. De plus la prestation n'est
que partiellement consommée. Il faut d'abord deux mois pour l'instruction
des dossiers, puis deux mois encore pour mettre en œuvre le plan
d'aide. Pendant les délais d’instruction des dossiers et de mise
en oeuvre, le bénéficiaire n’utilise que la moitié de la prestation
et les trois quarts sur l'ensemble de la première année. En année
pleine, le taux de consommation moyen annuel n'atteint que 65 % pour
des raisons qui restent encore à explorer. Autre élément dont le
gouvernement tiendra compte : la mise en place de l’Allocation
personnalisée d'autonomie génère la création de 100 000 emplois.
Une donnée à ne pas négliger dans un contexte économique difficile.
Une réforme "drastique"
Le
projet de décret du gouvernement adopté mardi par le Comité des
finances locales et présenté au Conseil d’Etat le 4 février prévoit
une baisse substantielle de l’APA pour les bénéficiaires à domicile
en alignant les conditions de son obtention sur celles des personnes
en établissements. Les associations de retraités et les syndicats
ont vivement réagi à cette annonce. Tous ont regretté "une
absence totale de concertation" du gouvernement et ont souligné
les situations humaines dramatiques que la réforme allait générer.
Hubert
Falco, le secrétaire d'Etat aux personnes âgées, a affirmé qu’il
s’agissait du seul moyen de "trouver 400 millions d'€uros d'économies,
car sinon on ne pourra pas financer l'APA en 2003".
Le texte
relève la participation de 5 % à 12 % , ce qui
équivaut à une baisse la prestation versée. Les personnes dont les
revenus mensuels sont inférieurs à 623 €uros demeureraient exonérées
de toute participation financière, contre 949 €uros précédemment,
soit un abaissement du seuil de plus d'un tiers. Ces nouvelles dispositions
ne seront appliquées qu’aux futurs bénéficiaires de l'APA, cependant
la situation des actuels allocataires sera révisée ultérieurement
lors du rééxamen qui a lieu environ tous les trois ans.
"C'est
une réforme drastique qui va faire des remous et rapportera un peu
d'argent, plus tard" a justifié le président du Comité des
finances locales, Jean-Pierre Fourcade. Une économie estimée de
73 millions d'€uros qui devrait contribuer à combler partiellement
une partie du déficit.
Les pistes pour parvenir à l’équilibre
D’autres
pistes continuent à être étudiées. Le recours sur succession, mesure
impopulaire jugée responsable de l’échec de la Prestation spécifique
dépendance (PSD), en est une. Le transfert aux départements d’une
partie voire de la totalité du produit de la CSG pour financer l’APA
en serait une autre comme le proposait Jean Puech, Président de
l’Assemblée des départements de France dans une interview au quotidien
Le Monde. Il suggère également d’ouvrir le débat sur le "5ème
risque" que constitue la dépendance avec la maladie, la maternité,
la famille et le travail. Dans cette perspective la Sécurité sociale
intégrerait dans son giron la gestion et le versement des prestations.
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