Utilisation
de lInternet sur le lieu de travail : comment optimiser
les pratiques ?
Laurent
ALEXANDRE, Pierre
COSTA
28 août
2000
Suite et fin (2/2)
Les pollutions électroniques courantes
embolisent les managers
Les listes de diffusion
Le principe est simple :
une fois inscrit, vous recevez toutes les contributions postées
par tous les abonnés. Difficile dès lors de suivre le fil de la
discussion
Le flux journalier peut sélever à plusieurs
dizaines de messages. En cas darrêt prolongé de lutilisation
de sa messagerie, il est vivement recommandé de se désinscrire par
simple envoi de mail dune liste de diffusion.
Autre source de pollution :
les messages non sollicités (ou spams), généralement de type commercial.
90 % des utilisateurs du mail seraient importunés au moins
une fois par semaine selon une étude menée par Gartner
Group en juin 1999.
Des fonctions mal maîtrisées
Trop de mails professionnels
ne présentent pas dintérêt pour le destinataire : certains
utilisateurs de messagerie électronique ont en effet tendance à
multiplier les mises en copie (ou en copie carbone) pour un même
message. En conséquence, ils submergent leurs collègues de messages
ne les concernant que très indirectement. Ils abusent par exemple
de la fonction " auto-reply " qui permet de
générer une réponse automatique de pertinence toute relative à tout
mail reçu.
En entreprise, beaucoup
ont un usage trop rigide de la messagerie électronique et plus généralement
des NTIC. Ils nont pas suffisamment de recul sur lutilisation
de ce nouveau média et sont obsédés par la joignabilité. Ils sont
dépendants de leurs outils de communication et finissent pas perdre
davantage de temps quils nen gagnent. Ils se contentent
en fait de gérer des flux dinformations et de synchroniser
les différents éléments de leur panoplie informatique (transfert
dinformations du palm-pilot vers leur ordinateur portable
puis de lordinateur portable vers leur ordinateur fixe).
Le caractère imprévisible
du message électronique peut s'avérer être un obstacle à une utilisation
intelligente et raisonnable. Les options de configuration des logiciels
de messagerie permettent d'être averti en temps réel de l'arrivée
d'un nouveau message. Cet utilitaire est à double tranchant :
si vous attendez un message, vous serez tenté de relever compulsivement
votre boîte à lettres à chaque alerte. Il devient dès lors délicat
de rester concomitamment concentré sur une autre tâche.
Cette analyse peut
être déclinée pour de nombreuses autres fonctions, dont lutilisation
des moteurs de recherche. Faute de maîtriser leur usage et de connaître
les sources dinformations adaptées à leurs besoins, beaucoup
de salariés perdent leur temps en vain.
Que faire pour rendre les NTI performantes dans
lentreprise ?
Face aux risques que
les nouvelles technologies de linformation induisent pour
la productivité et lefficience des salariés, les entreprises
disposent dune batterie de solutions, depuis la formation
interne jusquà la limitation ou la fermeture des accès au
réseau. Naturellement, la mise en uvre de telles politiques
doit sinscrire dans lorganisation dune politique
globale de gestion de linformation. La rédaction des contrats
de travail, la définition des objectifs individuels, la planification
des tâches, les modalités dévaluation et de reporting doivent
être reconsidérés à la lumière de ces enjeux.
Quelle que soit l'attention
portée à lexploitation de l'Internet dans une entreprise,
il subsiste presque toujours un pourcentage d'employés ayant un
usage abusif des outils mis à leur disposition. Certes, il existe
dorénavant des logiciels performants permettant de "traquer"
le surf personnel, des robots surveillant les sites visités et le
temps passé en ligne. Toutefois, le recours à ces méthodes coercitives
peut savérer contre-productif, un climat de défiance généralisé
risquant de nuire aux conditions de travail et à la motivation des
salariés. Une alternative s'offre aux dirigeants : privilégier
la maturité par le biais d'un contrat moral : l'employé s'engage
à être raisonnable et à remplir les objectifs assignés, l'employeur
le laisse jouir d'une certaine autonomie et s'engage à respecter
sa vie privée, notamment en ne lisant pas à son insu le contenu
de ses mails.
Plus généralement,
le difficile encadrement des usages de lInternet sur le lieu
de travail pose la question de ladaptation des entreprises
à cette économie de linformation qui bouleverse depuis plusieurs
années tous les secteurs dactivité. Deux questions complémentaires
peuvent être posées dans cette perspective :
Comment apprécier la productivité et lefficience
dun salarié ?
Quil sagisse
de consultants, dexperts juridiques, de chefs de produits
ou de responsables marketing, les travailleurs informationnels sont
aujourdhui jugés sur leur capacité à produire de linnovation,
à manipuler de linformation, à entretenir des relations avec
des tiers (clients, partenaires, fournisseurs
) et à gérer
des processus complexes. Ces tâches sont de plus en plus difficilement
réductibles à la notion de productivité. En définissant les usages
des nouvelles technologies, il faut aussi, et parallèlement, inventer
des modes dévaluation du travailleur informationnel, ce knowledge
worker dont économistes et sociologues annoncent lavènement.
Comment
optimiser lutilisation collective des nouvelles technologies
dans lentreprise ?
Au-delà de lencadrement
individuel des usages informatiques, les entreprises font surtout
face au défi de lamélioration collective de leurs processus
de travail. Via linnovation, les gains de productivité et
la recherche permanente de lefficience, les nouvelles technologies
doivent en théorie permettre aux entreprises de créer de la valeur
et de sadapter en permanence à leur environnement. Autrement
dit, le contrôle du surf chef les salariés est moins stratégique
que le déploiement réussi des outils dintelligence collective :
systèmes EDI (Echange de données informatisées), logiciels ERP (Enterprise
Resource Planning), plate-forme de gestion de la relation clientèle
(CRM, Customer Relationship Manager), etc. Abordant franchement
ces enjeux, les entreprises américaines ont franchi le pas en redéfinissant
entièrement leur fonction de production et en réorganisant les missions
de certains managers stratégiques comme le Directeur informatique,
transformé outre-Atlantique en CIO, Chief Information Officier.
Dans un ouvrage publié
en 1995, Beyond the knowledge worker, léconomiste
Paul Romer annonçait les transformations observées aujourdhui
dans le monde du travail. Il indiquait alors le pas à franchir pour
les individus comme pour les organisations en montrant que, dans
léconomie de linformation, la réussite des entreprises
repose sur trois types de facteurs de production, dénommés selon
une métaphore informatique : le hardware
(tous les objets physiques utilisés par lentreprise, des locaux
aux ordinateurs en passant par les usines et les entrepôts), le
software (les logiciels
et linformation traitée par lentreprise) et le wetware,
jeu de mots désignant le capital humain : " Wetware
includes all the things stored in the " wet "
computer of a persons human brain ". Autrement
dit, les salariés deviennent la principale ressource de lentreprise,
notamment parce quils maîtrisent un savoir implicite (tacit
knowledge) qui conditionne le succès de lorganisation.
Une telle analyse confirme la nécessité stratégique que représente,
au-delà du simple contrôle, loptimisation des pratiques informatiques
sur le lieu de travail.
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