Les
médecins sont noyés sous la masse des informations qui se renouvellent
à un rythme effréné. Comment un praticien normalement constitué,
qui exerce 51 heures par semaine, peut-il y faire face et respecter
son obligation de formation ? La solution pourrait bien sappeler
Internet.
" Tout
médecin doit entretenir et perfectionner ses connaissances ; il
doit prendre toutes dispositions nécessaires pour participer à des
actions de formation continue. ( )" dispose l'article
11 du Code de Déontologie. Les ordonnances Juppé se sont montrées
plus précises en tentant den formaliser le cadre. Théoriquement
les médecins doivent transmettre à leur Conseil Régional de Formation
Médicale Continue (CRFMC) pour les libéraux, et à la Commission
Médicale dEtablissement (CME) pour les hospitaliers, un dossier
indiquant les actions de FMC auxquelles ils ont participé. Tous
les cinq ans, les attestations délivrées sont transmises aux Conseils
départementaux de lOrdre des Médecins et à la Caisse Primaire
d'Assurance Maladie (CPAM) de leur région. Les médecins en infraction
pourraient être lobjet de mesures disciplinaires.
Théoriquement car,
depuis, les décrets dapplication ne sont toujours pas parus.
Ce nest pas pour autant que les médecins ont cessé de se former,
dautant que les outils mis à leur disposition nont jamais
été aussi nombreux et au premier rang de ceux-ci, Internet.
Référentiels
Lun
des premiers apports de la Toile est la diffusion des recommandations
de pratique. Lune des responsables de lANAES
chargée de suivre les Conférences de consensus savouait satisfaite
lorsque 15% des médecins modifiaient leurs pratiques. Les raisons
qui expliquent ces résultats sont diverses. Abondance de biens nuit
et en la matière les professionnels de santé sont submergés. Il
existe aussi des problèmes de diffusion de linformation. Bien
sûr, la presse médicale est un relais efficace, mais au bout dun
mois, le praticien croule sous le papier. Les associations de Formation
Médicale Continue (FMC) sont defficaces diffuseurs, mais lemploi
du temps des praticiens est chargé et tous nont pas envie
de sacrifier leur soirée ou leur week-end (ou alors sous le soleil,
mais le but principal du voyage est-il alors de parfaire ses connaissances
médicales ?). Linformatisation des médecins permet la
diffusion à peu de frais des référentiels.
Conférences
de consensus, Références Médicales Opposables (RMO), Recommandations
pour la Pratique Clinique (RPC), toutes sont mises en ligne et les
médecins ont à leur disposition une information scientifique et
concise. Leur diffusion peut donc être une aide précieuses pour
lacquisition de nouvelles pratiques. Egora
présente par exemple un panorama des référentiels : les RMO,
les textes du Haut Comité Médical de la Sécurité Sociale, les recommandations
et références de l'ANAES, les articles de l'OMS, les recommandations
par spécialités, les recommandations des pays francophones et anglo-saxons.
Dans sa spécialité, le site du SAMU
de Paris édite des références et conférences de consensus en
Médecine dUrgence, Anesthésie et Réanimation.
Bases de données et imagerie médicale
Sil
est un service que les médecins peuvent attendre les médecins dInternet,
ce sont bien les bases de données, pour peu quil maîtrise
langlais la langue de communication scientifique. Les diagnostics
peuvent sappuyer sur limagerie médicale (scanner, radiographie,
échographie, etc.). Les progrès de la transmission des images, désormais
sous un format numérique, la qualité de limage et la simplification
de sa manipulation, allégeront considérablement les coûts et faciliteront
le stockage. Dans ce domaine le Collège des Enseignants de Radiologie
de France et de la Société Française de Radiologie proposent par
exemple une iconothèque (IconoCerf)
composée de 15000 images et 3500 cas cliniques. Outre-Atlantique,
Keith A. Johnson, de lécole de médecine de Harvard et Alex
Becker du MIT offre une version en ligne de leur CD-ROM, le Whole
Brain Atlas d'Harvard : 13000 images en 32 cas, traitées
par thèmes (cerveau sain, attaques cérébrales, tumeurs, maladies
dégénératives, et maladies inflammatoires et infectieuses). Sans
oublier lincontournable Medline,
la plus célèbre des bases de données, accessible sur Internet. Emanation
de la National Library of Medicine aux Etats-Unis, elle recense
les articles de plus de 3800 journaux internationaux, depuis 1966,
cest dire son exhaustivité. Mise à jour chaque semaine, 31
000 nouvelles références sajoutent chaque mois aux 9 200 000
contributions.
Les
universités ne se contentent pas de faire de la formation initiale,
elles se lancent maintenant dans lenseignement à distance.
Rennes compte déjà 3147 étudiants qui se sont inscrits auprès du
secrétariat virtuel. Originaires de la France entière ce site permet
de se rendre compte de létendue de linfluence de lenseignement
de la médecine à létranger avec une forte représentation dans
leffectif de pays francophones (Mali, Maroc, Liban, Roumanie)
et même francophiles (Biélo-Russie, Estonie). A Grenoble, le doyen
Debru souhaite la bienvenue aux postulants et se félicite de pose
les prémisses dune université virtuelle en mettant en ligne
250 questions de cours, et 1500 QCM d'évaluation. Comment ne pas
citer le premier site créé par un hôpital en 1995 le C.H.U.
de Rouen qui est LA référence de lInternet médical. Il
est référencé par 801 sites, soit 49 pays !
La
simulation de cas cliniques est lun des B-A BA de la formation
continue. Les possibilités multimédia dInternet rendent beaucoup
plus vivants ces entraînements. Medisite propose un patient virtuel
auquel on peut poser des questions et sexercer à affiner son
diagnostic.
Les
cyberconférences, qui relèguent les visioconférence à lère
précybernétique, sont une application frappante dInternet.
Philippe PULTAR cite dans sa thèse
de Médecine lexemple des 13ème Journées otologiques
à Marseille. Pour la première fois en France, les débats ont pu
être suivis en direct et en intégralité sur Internet grâce aux films
et animations numérisés commentés. De temps à autres les intervenants
sarrêtaient pour relever les questions des internautes. Daprès
les organisateurs, les professeurs André Chays et Jacques Magnan,
les participants étaient aussi nombreux dans la salle quen
ligne.
Internet, peu utilisé par les associations
de FMC classiques
Et
les associations de FMC " classiques ", que
font-elles ? Les potentialités offertes par Internet ne sont
pas vraiment utilisées. La formation consiste surtout en articles
et comptes rendus de sessions. Par exemple, lUNAFORMEC (qui
vient de publier son tout nouveau site) offre lactualité de
la FMC (textes de lois, revues de presse...), les dates des futures
réunions, se présente, mais peu dapplications de formation
par le biais dInternet. Le centre de documentation et bibliomed
sont réservés aux abonnés (250 F annuels). Philippe Eveillard rappelle
quaux Etats-Unis sur 30000 sites dédiés à la médecine, seule
une quinzaine peut se prévaloir du label CME (Continuing Medical
Education), la FMC ne se résumant pas à la constitution dune
vaste bibliothèque, fût-elle la plus grande du monde.
Alors
pourquoi ce retard ? La mise en place ces outils est difficile
à réaliser et nécessite des mises à jour régulières et cela est
coûteux. Pourtant, lun des facteurs de réussite de la F.M.C.
cest sa proximité avec les médecins. Il faut savoir répondre
à ses attentes, mais les raisons pratiques ont également leur rôle :
il faut être accessible dun point de vue géographique et disposer
de temps. Internet offre là un atout indéniable que lon pourrait
résumer en " cest quand on veut, où on veut avec
qui on veut ". En France, son développement nen
est quà ses débuts, il devrait connaître une forte croissance
une fois les derniers obstacles techniques levés : images saccadées
et son hachuré seront réglés par ladoption du câble et de
lADSL, solutions qui pourraient remplacer la ligne téléphonique
trop lente et coûteuse.
Quelques
adaptations seront nécessaires pour que la FMC en ligne soit validée,
la technologie ayant devancé la réflexion. La lecture de la presse
médicale et de livres représente par exemple 5 Equivalent Heures.
Mais comment sera évaluée la formation par Internet ?
La
question du sérieux des informations mises à disposition se pose
aussi pour lInternet médical. Léquipe du site du CHU
de Rouen a déterminé un certain nombre de critères pour sassurer
de la validité des informations dun site proposant de la formation.
Les auteurs doivent être identifiés et un comité éditorial doit
veiller au contenu, les mises à jour doivent être régulières, les
courriers électroniques ne pas rester sans réponse, les liens hypertexte
être vérifiés et les sources originales doivent être citées. De
là à voir une sorte " daccréditation "
des sites il ny a quun pas.
Les
sites spécialisés et les applications professionnelles font le pari
quils devront vite indispensables pour se repérer dans la
jungle dInternet, et un guide ça se rémunère. Les informations,
gratuites aujourdhui, pourraient ne pas le rester.