XML,
un langage pour <baliser>
les échanges dinformation médicale
Cédric
TOURNAY
14
juillet 1998
Suite et fin (2/2)
XML, un HTML dopé à lEDI
En mai
1998, le W3 consortium,
institution chargée de codifier lévolution des outils et protocoles
utilisés sur le Web, organisait en Californie une conférence
intitulée " Shaping the Future of HTML ".
Au centre
des débats figuraient des interrogations fondamentales pour lévolution
de lInternet et des systèmes dinformation médicaux.
Le développement du langage XML signifie-t-il la fin du HTML ?
Comment les différents langages du Web doivent-ils cohabiter ?
Derrière lapparente technicité du débat, des enjeux fonctionnels
et industriels majeurs se dessinent. Sil est vrai que le langage
HTML est désormais trop présent pour être abandonné (que faire de
tous les sites déjà développés ? Comment gérer la révolte des
millions de programmeurs qui ont appris ce langage ?), il est
probable que le langage XML occupera une place croissante dans les
applications correspondant à des circuits d'informations complexes,
comme en santé. Il convient donc de présenter ce nouveau venu avant
dappréhender son devenir dans le monde médical.
XML, inventé
par les chercheurs du MIT,
disposait dune certaine crédibilité dès sa naissance. Lintérêt
porté à ce langage par le W3 consortium marque aujourdhui
le passage dune phase de R&D à une phase pré-industrielle
au cours de laquelle un processus de normalisation doit seffectuer,
en coopération avec lensemble des industriels du monde logiciel.
Ces derniers
souhaitent dailleurs accélérer larrivée à maturité du
langage et certains
comme IBM
ou Microsoft
- proposent déjà des logiciels de création ou des navigateurs XML.
Netscape
a même annoncé que la prochaine version de Communicator gérerait
le XML
Dun
point de vue informatique, XML est un langage dérivé de SGML, cousin
éloigné du HTML comme le révèle son acronyme :
-
Standard :
le SGML est normalisé depuis 1986 (ISO
8879)
-
Generalized
: le SGML ne dépend pas dun système ou dune machine
donnés
-
Markup
: le SGML décrit linformation relative au contenu du document
-
Language
: des définitions de la structure du document peuvent être écrites
Le SGML
établit une distinction entre linformation (mots, images...)
et laffichage de linformation (polices, localisation...).
Il est fondé sur les Document Type Définition (DTD). Une
DTD décrit la structure dune classe de documents :
-
Nom
des éléments
-
Contenu
de chaque type délément
-
Structure
du document, y compris lordre et la fréquence dapparition
des éléments
-
Propriétés
des éléments (attributs, etc.)
Né trop
tôt (le SGML est incompatible avec le Web), trop lourd, trop compliqué
à développer, le SGML na pas réussi à simposer dans
le monde logiciel. Dix ans plus tard, en 1996, il donne naissance
à une version simplifiée, le XML, qui reprend le concept des DTD
et sadapte au Web. Au passage, on notera que lutilisation
de XML est compatible avec des outils de signature électronique.
En résumé,
XML est un nouveau langage issu du monde Internet dont la diffusion
est si rapide quil devient une norme reconnue internationalement.
Alors que le HTML nest quun langage de description,
le XML permet daller plus loin et de gérer des documents structurés,
fondés sur des terminologies et un mode de présentation universels.
Dès lors, il permet denvisager des solutions originales et
performantes pour organiser la communication médicale, à lheure
où le déploiement du Réseau
Santé Social et le dynamisme du Web
médical consacrent lInternet comme vecteur privilégié
pour les échanges dans ce domaine.
XML en santé : bientôt en phase IV ?
Lintérêt
pour le langage XML dans le domaine de la santé ne cesse de croître.
Cet engouement suit deux tendances :
-
Un
besoin croissant de stockage de données médicales dans le but
daméliorer les performances des systèmes de santé, doublé
dun besoin doutils simples et faciles à manier.
-
Un
besoin de communiquer des données entre les systèmes, doù
un besoin de normalisation.
LEurope,
malgré son retard par rapport aux Etats-Unis, montre un dynamisme
créatif dans lutilisation de XML. De nombreux projets pilotes
permettent despérer lavènement dun " XML
médical " dici 2 à 3 ans.
Au cours
du mois de mai 98, un congrès tenu à Paris - " XML SGML
in healthcare " - a dailleurs permis de prendre la mesure
de ce phénomène. Sandy Boye a par exemple montré la façon dont des
documents médicaux (compte-rendu de mammographie, de résultat opératoire)
peuvent être transformés en classes SGML/XML pour être transmis
à des praticiens par voie électronique. Cette transformation ne
reprend pas forcément lenchaînement logique et séquentiel
du document papier puisque le XML permet de redéfinir des blocs
logiques, chacun dentre-eux contenant les objets suivants :
-
Eléments
-
Attributs
-
Entités
-
Commentaires
Liora
Alschluler, pour sa part, anime le projet américain KONA
au Duke University
Medical Center. Il vise le développement dune architecture
déchanges médicaux fondée sur SGML et XML. Son but consiste
à définir des classes standard de DTD à partir de la sémantique
de la norme HL7
pour faciliter léchange de données. KONA se donne pour objectif
la gestion dune information structurée sous forme de données
codées et de texte libre afin daboutir à un modèle qui supporte
toute la variabilité des données médicales.
L'architecture
se fonde sur la définition dun document clinique de base ("clinical
document") constituant une unité dinformation attestée
par un praticien. Un codage plus ou moins rigoureux de linformation
est requis en fonction de son utilisation. Certaines contraintes
doivent pour cela être prises en compte :
Fort logiquement,
les membres du groupe Kona sont ainsi arrivés à la conclusion quil
est nécessaire de sappuyer sur une base sémantique pour organiser
des échanges médicaux.
Joachim
Dudeck, après avoir montré les limites de HL7 et dEdifact,
a poursuivi dans ce sens en proposant dutiliser XML comme
format déchange de données médicales. Pour cela, linformation
doit être combinée en attributs et éléments. Comme le montre lexemple
de code informatique ci-dessous, cette technique permettrait de
signifier de façon universelle un " diagnostic "
à partir dune nomenclature internationale (Classification
Internationale des Maladies ICD - dans lexemple)
et dun énoncé en clair (" neuropathie ").
<diagnosis>
<code codesystem=" ICD10 ">368<\code>
<text>Neuropathy<\text>
<\diagnosis>
Lexemple
fourni semblera familier aux amateurs de pages HTML. Pour les autres,
un regard sur le code de cette page (cliquer sur " view "
ou " affichage " dans la barre de menu de votre
navigateur puis sélectionner " page source ")
révèlera la proximité entre le langage désormais le plus populaire
au monde et un système le XML qui apporte une meilleure
structuration des données et la possibilité de partager un contenu
médical en loccurrence normalisé. Fort de ces
atouts, le XML pourrait simposer comme lalphabet de
la coordination des soins pour peu que le contexte institutionnel
et culturel le permette.
Ce type
de transmission serait universellement lisible, dans un navigateur
Internet, dans une messagerie électronique ou dans un logiciel médical.
Dans ce dernier cas, des fonctions dimport/export permettrait
dintégrer ou démettre automatiquement des messages.
En outre,
lévaluation des pratiques ainsi que les études épidémiologiques
et médico-économiques pourraient être conduites de façon relativement
simple et sur de très larges panels de praticiens. En effet, une
coordination des soins fondée sur un langage à balises comme le
XML permet dextraire les informations intéressantes à des
points de passage stratégiques de linformation. Lorsque le
message de mail réside sur le serveur SMTP par exemple (ordinateur
organisant léchange de courriers électroniques entre 2 médecins),
il peut être envisagé de " copier " la balise
<code codesystem> pour avoir un relevé des pathologies de
tous les patients traités par les médecins utilisant ce serveur.
Ces médecins alimentant une base dévaluation grâce à leurs
échanges peuvent être les membres dune société savante ou
les adhérents dun réseau de soins coordonnés. Dans tous les
cas, naturellement, la confidentialité est parfaitement respectée
puisque aucune donnée nominative nest regardée.
Rolf
Gruetter a présenté un projet suisse correspondant à cette approche.
Le programme quil anime se fonde sur la constitution d'une
cohorte HIV (Swiss
HIV Cohorte Study, engagée en 1987), lorganisation dun
échange de données entre tous les acteurs de la prise en charge
et la constitution d'une datawarehouse (base de données
danalyse statistique, littéralement " entrepôt de
données ").
Pour linstant
des documents papiers sont envoyés à un information manager
chargé de saisir les données et de les intégrer dans la base après
les avoir mises en forme de manière homogène. La base contient 9000
dossiers patients dont 3000 dossiers actifs. A lavenir, XML
devrait être utilisé pour automatiser la procédure, les praticiens
envoyant leurs données via un navigateur, comme dans le démonstrateur
que propose le site Web du projet. Les promoteurs du projet comptent
inclure 5 centres hospitaliers universitaires, 2 centres de santé,
des laboratoires d'analyse et des médecins libéraux.
Dans le
détail, XML présente des avantages susceptibles de résoudre les
problèmes posés par lhétérogénéité de léquipement logiciel
en santé :
Lors de
la conférence parisienne, le Comité Européen de Normalisation (TC
251), organisme chargé de normaliser la communication médicale,
a reconnu lattrait dXML. Son représentant, Angelo Rossi
Mori, sest attardé sur la nécessité, déjà pointée, de définir
les balises XML " santé ". Un groupe de travail
en a déjà défini 50, réparties en 5 groupes :
Le CEN
prévoit de conclure ses travaux et de rendre publics les documents
relatifs à lusage dXML en santé à la fin 1998. En cela,
il accompagne et renforce un mouvement qui sétend déjà des
Etats-Unis (avec le projet Kona) au Japon en passant par la Suède.
Dans ce
dernier pays, Ted Wigefeldt
anime un projet déchange de dossiers médicaux en SGML soutenu
par Enator,
société informatique suédoise, et Siemens
Nixdorf. Cette architecture repose notamment sur un navigateur
spécifique, une sorte de " Netscape médical ".
Le ministère
de la santé Japonais a pour sa part développé un jeu de balises
XML (DTD) appelé Medical Markup Language (" MML ").
Ce langage, compatible avec HL7 et DICOM (norme internationale pour
limagerie médicale), est présenté à cette adresse.
Ne cliquez pas de façon intempestive, le site est intégralement
en japonais.
Au Royaume-Uni,
le projet pilote Owestry vise la gestion de dossiers partagés sous
SGML au sein du NHSnet, léquivalent anglais du RSS. En 1993,
l'hôpital orthopédique d'Owestry a été désigné comme site pilote
pour la mise en place d'un nouveau système d'information, en partenariat
avec la société GRAPHNET. Après une étude de faisabilité, la solution
SGML a été retenue. A l'automne 1996, des cartes informatiques ont
été distribuées au personnel médical et paramédical. Ces cartes
permettent, en synchronisation avec les ordinateurs de lhôpital,
de saisir des informations tout en bénéficiant dune mobilité
totale. Elles réunissent toutes les informations pour un patient
donné :
L'utilisation
initiale d'un navigateur standard (Panorama 3.0) a montré les performances
du système tandis quune évaluation financière a montré des
résultats largement positifs. La communauté médicale a été séduite
par la possibilité d'intégrer de nouveaux champs, propres à chaque
spécialité. L'implémentation est en voie dachèvement :
240 000 enregistrements ont déjà été convertis au format XML.
En France,
enfin, des initiatives constructives voient le jour. Au CHU de Caen,
Nicolas Silberzahn
anime un programme
consistant à utiliser des objets XML qui contiennent de linformation
ainsi que des méthodes. Un objet peut de cette façon gérer son propre
affichage et déclencher des événements (apparition de menus, ouvertures
de fenêtres, communication avec dautres applications - type
CORBA -, traduction du XML en HTML, etc.). Le système est accessible
au travers dun navigateur spécifique.
Testé,
éprouvé, codifié, XML pourrait devenir un langage industriel dici
2 à 3 ans. En Europe, le groupe PROREC
(PROmotion Strategy for the European
Health Care RECord) sest donné
pour ambition daboutir à des normes dorganisation, de
stockage et déchange de linformation médicale. En rassemblant
des acteurs venus de tous les horizons, il se propose détablir
des passerelles entre les organismes européens, les éditeurs logiciels
et les professionnels de santé.
Ce groupe
sintéresse fortement à XML, dont la complémentarité avec les
autres travaux de normalisation séduit tous les observateurs. On
remarquera par exemple quun échange XML peut parfaitement
servir à codifier une " transaction " telle
que la définit GHER
et telle que la met en uvre le logiciel Health
1.
Dès lors,
pour peu que les démarches coopératives continuent de présider à
laffirmation dXML en santé, cest lensemble
des conditions de mise en uvre de la coordination des soins
et de lévaluation qui devra être repensée par les organisations
médicales, les pouvoirs publics et les opérateurs industriels concernés.
Comme laffirmait récemment le magazine Byte,
XML
figurera au classement des 25 technologies clefs (" Top
25 Technologies ") pour lannée 1999. Dans ce contexte,
il devient urgent de se demander comment le monde de la santé, déjà
en proie à des programmes dinformatisation et de dématérialisation
de ses procédures, doit appréhender ce mouvement qui promet de répondre
à quelques uns de ses problèmes, notamment en matière dinteropérabilité
et de compréhension mutuelle. Il est vrai que lidée de combiner
au sein dun même fichier un document lisible par tout médecin
et un format lisible par toute machine est particulièrement attractive.
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