Les
tendances
Cédric
TOURNAY
10 décembre
1999
Suite (3/5)
Le permissive marketing, ou publicité sollicitée
Le principe de ces
courriers publicitaires, baptisés "opt-in e-mail", consiste
à adresser à un fichier de clients consentants des pages Web personnalisées
dans leur boîte aux lettres pour les attirer sur le site de lannonceur.
Le procédé soppose au spam. Il suppose de créer une relation
de confiance avec les internautes et de les rémunérer, dune
façon ou dune autre, pour quils acceptent ce type denvois.
Les mails, plus élaborés que le spam, font aussi appel à de nouvelles
compétences : désigners, ergonomes, rédacteurs, etc. Ils doivent
être ludiques, différenciés, attractifs et parfaitement intégrés
avec le site de lannonceur (via un quizz, un jeu, un procédé
de teasing éditorial, etc.).
En outre, le recours
à ces techniques suppose dobtenir puis dentretenir la
confiance des internautes, de générer un effet "communauté"
et de disposer de bases de données (adresses, profils) puissantes
et pertinentes. En somme, les agences spécialisées dans le permissive
marketing doivent disposer des ressources humaines et éditoriales
permettant dadresser la bonne information à la bonne personne
au bon moment.
Permission marketing
est le titre de louvrage publié par Seth Godin, vice-président
de Yahoo chargé du marketing direct. Il fut le fondateur de Yoyodine,
une entreprise spécialisée dans le domaine et récemment rachetée
par Yahoo. Mot dordre: "transformer les étrangers en
amis et les amis en clients". Pour Seth Godin, en visite à
Paris au mois de novembre 1999, cette évolution est cruciale car
" la publicité traditionnelle nous interrompt sans cesse,
lorsque nous regardons la télévision, lorsque nous lisons un journal
Elle est imprévisible, impersonnelle et inappropriée ".
Fin 99, Yahoo a lancé
lance deux nouveaux services déclinés de la théorie du " marketing
de la permission ". Avec Yahoo Direct, le site adresse
par courrier électronique des offres promotionnelles (jeux, concours,
remises tarifaires) aux internautes abonnés. Lautre service,
Yahoo Anniversaire, propose aux abonnés des offres promotionnelles
spéciales le jour de leur anniversaire. Ce type de services, simplissimes
sur le plan technique, devraient recevoir un accueil chaleureux
pour peu que les cadeaux proposés aux internautes soient réellement
attractifs.
Dans un genre proche,
le portail suédois Spray,
implanté en France depuis novembre 99, se présente comme "le
meilleur ami des internautes". Il négocie pour eux des achats
à des tarifs préférentiels, jouant sur leffet de masse. Il
diffuse ensuite les offres par mail à ses abonnés, en fonction de
leur profil.
Lopt-in repose
sur laccord explicite des internautes. Il leur faut cocher
une case pour sinscrire et recevoir des courriers promotionnels.
Cette démarche soppose aux systèmes traditionnellement adoptés
sur le Web, où linternaute est inscrit par défaut à toutes
sortes de services et de listes de diffusion (pratique de lopt-out,
aussi appelée consentement tacite).
Pour la CNIL,
lopt-out est un procédé très critiquable puisque linternaute
ignore, le plus souvent, les conséquences de ces inscriptions automatiques,
auxquelles il ne prête, la plupart du temps, pas attention. De la
fidélisation à la prospection, le-mail profilé devrait savérer
plus efficace que les bannières, les insupportables fenêtres pop-up
ou les parrainages.
La
personnalisation de masse (mass customization)
Une fois les internautes
attirés sur un site, il convient de les retenir et de leur apporter
le meilleur service possible. Cela suppose de leur adresser des
propositions adaptées à leur profil et à leur comportement sans
donner limpression dempiéter sur leur vie privée ou
de solliciter un effort trop important de leur part. Pour concilier
ces démarches a priori contradictoires, les sites recourent de plus
en plus aux outils de personnalisation de masse, qui organisent
la navigation du visiteur en tenant compte de son histoire mais
aussi dhypothèses de consommation tirées danalyses statistiques
sur lensemble des utilisateurs du site.
Jeff Bezos, le créateur
dAmazon, fut le premier à mettre en uvre ces principes,
en inventant un système original de personnalisation, fondé sur
le concept des filtres coopératifs.
Pour proposer à chaque internaute "une boutique sur mesure",
ce mathématicien rompu aux techniques darbitrage statistique
a développé un moteur qui, en procédant par association d'idées,
recommande des produits à un visiteur en fonction de ses précédents
achats et du comportement des clients ayant choisi les mêmes références
que lui. Linternaute na besoin de donner aucune information
sur son compte, quil sagisse de son sexe, de son âge,
de ses revenus ou de toute autre information encore demandée aujourdhui
avec avidité par la plupart des sites. L'analyse des données seffectue
en temps réel et le système s'enrichit à chaque nouvel achat.
Jeff Bezos considère
que ce système de filtres coopératifs ne représente qu'environ 2%
de ce qu'il sera possible d'accomplir dans le domaine de la personnalisation
au cours de la prochaine décennie. Il est vrai que les acteurs du
Web déploient actuellement des efforts démesurés pour progresser
dans cette voie, conscient que la rentabilité des services Web dépend
de la valeur ajoutée quils apporteront comparativement aux
supports papiers et aux vrais magasins.
Comme lexprime
le patron dAmazon, "si vous ne faites pas en ligne des
choses qui ne peuvent être faites qu'en ligne, vous n'apporterez
rien au consommateur et vous n'irez nulle part". La création
de valeur sur le Web pour linternaute comme pour lactionnaire
oblige les gestionnaires de sites à inventer des modèles
complexes de gestion de la confidentialité et de la personnalisation.
Attention toutefois :
la mise en uvre dune stratégie de mass customization
nest possible que pour un petit club de services leaders.
Au-delà des contraintes financières et technologiques, les procédés
de personnalisation de masse ne peuvent être mis en uvre quà
partir de gigantesques volumes de données, quil sagisse
des informations contenues dans le site ou des flux de visiteurs.
Le
marketing Human Touch humanise
le Web
Une étude récente du
cabinet Creative
Good montre que 39% des utilisateurs dun site de commerce
électronique renoncent à acheter un produit faute dêtre orienté
efficacement dans lapplication. Ces problèmes dergonomie
affectent quasiment tous les opérateurs du Web, léchantillon
analysé comprenant des sites aussi prestigieux que buybooks.com,
avon.com, wal-mart.com,
disney.com,
petsmart.com
et etoys.com.
En outre, 56% des recherches
entreprises sur ces sites ont échoué. Les outils de recherche, les
catalogues et autres listes de produits nont pas semblé suffisamment
ergonomiques ou pertinents aux visiteurs.
Sur la période des
fêtes de fin dannée en 98, la même étude montre, à linverse,
quun dollar investi en publicité rapporte 5 dollars en
vente. Plus surprenant, 1 dollar investi dans laccompagnement
humain de linternaute pour laider à comprendre et utiliser
linterface dun site Web, rapporte 60 dollars en
vente
Autrement dit, il faut guider physiquement les utilisateurs
au sein dun site pour quils sachent en exploiter les
potentialités.
Pour que cet effort
daccompagnement porte ses fruits, le site doit être simple,
léger, organisé autour de lutilisateur et non de lentreprise
vendeuse. Larborescence et le système de navigation doivent
être intuitifs et relativement fixes pour que les internautes sachent
sy orienter dune visite à une autre (les rayons des
bibliothèques municipales ou des supermarchés ne changent pas à
chaque fois que vous les visitez).
Une autre étude, publiée
par Nvision,
est plus inquiétante encore. Selon elle, 4 internautes sur 5
ne reviennent jamais sur les sites quils ont visités. Même
en pondérant ce taux de perte par des mécanismes rationnels (parmi
les 80% dinternautes perdus pour toujours, certains navaient
pas vocation à revenir), le chiffre prouve que la fidélisation nexiste
pas encore sur le Web.
Les internautes sont
des "butineurs", comme les logiciels quils utilisent
pour surfer (browsers). Pour le moment, cet effet est partiellement
caché par larrivée constante de nouveaux utilisateurs sur
le réseau, qui génèrent un "bruit" sur les sites, donnant
lillusion que laudience se construit progressivement.
Or, lorsque la démographie se stabilisera, seule la capacité à fidéliser
permettra de devenir un site leader. Pour cela, il faudra attirer
des internautes au détriment dautres sites. "In an age
where there is phenomenal growth in online businesses, the adage
of 'if you build it they will come', doesn't ring true anymore,"
déclare Dave Hesketh, Directeur de Nvision, dans létude évoquée
plus haut.
Cette bagarre de parts
daudience devrait dynamiser les stratégies human touch
puisquil devient vital de connaître, daccompagner et
de fidéliser les visiteurs. De nombreux sites ont déjà commencé
à humaniser le service rendu. Le site canadien Web
Help se présente comme un système de recherche piloté par un
correspondant humain. Lutilisateur est accueilli par un wizard
(magicien, enchanteur, génie), sorte dexpert du Web, capable
dindiquer rapidement la bonne source dinformation pour
chaque requête, exprimée par linternaute en langage naturel.
Homme ou femme, ce guide passe en revue le web et ses 800 millions
de pages au crible en moins de 5 minutes, à laide doutils
spécifiques dont le visiteur na pas à se soucier. Si linterrogation
n'est pas assez précise, lexpert pose des questions complémentaires
à linternaute. Plus ergonomique, plus pertinent et plus rapide
que les moteurs traditionnels, Webhelp compte à terme faire payer
son service, convaincu que le "moteur humain" apporte
une valeur ajoutée et un supplément dâme qui justifient
un paiement.
Dans
le domaine médical, le human touch marketing a de beaux
jours devant lui, à linterface de la visite médicale, des
centres dappels téléphoniques et des services Web. Dans leur
affrontement marketing, les laboratoires pharmaceutiques ne devraient
pas tarder à utiliser massivement ces relations électroniques humanisées
pour se différencier de leurs concurrents et apparaître dans les
destinations favorites des professionnels de santé.
Suite
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10 décembre 1999
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