Mars
2000
Le
nombre de fusions-acquisitions sur le Web a augmenté de 700 %
entre 1998 et 1999
Gaëlle
LAYANI
14 mars
2000
suite et fin (2/2)
Les
raisons de cette boulimie
Il
s'agit de grossir le plus rapidement possible pour consolider son
assise sur le marché, créer de la valeur et atteindre plus vite
le business model visé. Selon Webmergers, 95 % des acquisitions
réalisées sur les 18 derniers mois avaient pour but de consolider
ou de développer une société Internet existante. Il s'agit également
de consolider et d'améliorer ses services en misant sur des éditeurs
de logiciels ou des sociétés spécialisées dans les technologies
du commerce électronique.
Celles
qui n'ont pas compris l'importance du jeu des fusions-acquisitions
dans leur développement s'exposent à de cruelles déconvenues. Fred
Wilson, Président de TheStreet.com
en a fait l'amère expérience lorsque le cours des actions de son
portail financier est tombée de 70$ à 19$ à la fin de l'année 1999 :
"Je suppose que la chose intelligente à faire [lorsque le titre
est monté à 70$] aurait été d'utiliser notre milliard et demi en
capital d'actions pour acheter une affaire à un milliard de dollars.
Mais nous ne l'avons pas fait. A la place, nous nous sommes dit
"Nous avons une société à faire tourner.". Nous avons
retroussé nos manches et nous avons fait tourner la société".
Seules
les start-up Internet ont la valorisation boursière nécessaire pour
monter des transactions parfois énormes (cf.
l'exemple AOL/Time Warner). Une belle illustration de l'adage
"On ne prête qu'aux riches".
Les
start-up se lancent dans les fusions-acquisitions de plus en plus
tôt après leur introduction en bourse, car elles savent que le marché
les récompensera par une hausse de leurs titres. Plus elles achètent,
plus elles sont valorisées. Plus elles sont valorisées, plus elles
peuvent acheter.
Autre
point, il a toujours été dit que le Web offrait une prime au "premier
entrant". Ce postulat est encore plus vrai avec la vague des
fusions-acquisitions puisque ce sont les premiers venus qui organisent
le mouvement de concentration. Ils ont réussi à créer et à imposer
leurs marques dès le début et ont le temps de développer des services
et de fidéliser les internautes. Surtout, dotés de moyens financiers
impressionnants grâce aux capitaux-risqueurs qui leur font les yeux
doux, ils peuvent négocier les fusions-acquisitions en position
de force même face à des poids lourds de l'industrie traditionnelle
(cf. l'exemple AOL/Time Warner).
Le secteur de la santé atteint par le virus
des M&A
Le
secteur de la santé en ligne ("e-health") est lui aussi
en proie à la frénésie des fusions-acquisitions.
A
cet égard, Healtheon/WebMd possède un tableau de chasse impressionnant.
Présente sur tout le secteur de la santé en ligne, la start-up vedette
de l'Internet médical américain intervient tant dans le domaine
du B-to-B (Business-to-business, d'entreprises à entreprises) que
dans celui du B-to-C (Business-to-consumer, d'entreprises à consommateurs).
Lorsque
WebMD annonce sa fusion avec Healtheon le 20 mai 1999,
Jim Clark, fondateur dHealtheon, commente ainsi l'opération
et dévoile les ambitions du nouveau N° 1 de l'Internet médical :
" Healtheon/WebMD will be a leader in Internet healthcare
services and e-commerce, with the technology, brand name and financial
resources to transform the delivery of care by connecting all participants
in the healthcare industry [
] ". La société
multiplie alors les acquisitions.
24/01/2000 |
Acquisition
dEnvoy ; alliance avec Quintiles pour 2,5 milliards de
dollars |
25/01/2000 |
Alliance
avec Medtronic à hauteur de 100 millions de dollars |
27/01/2000 |
Lancement
de la première chaîne on-line sur le sport et la forme |
31/01/2000 |
Alliance
stratégique pour la fourniture de service sur Internet |
09/02/2000 |
Accord
sur trois ans sur la mise en place de service administratif
on-line |
11/02/2000 |
Investissement
de 100 millions de dollars dans la société VitalWorks |
14/02/2000 |
Achat
de CareInsite etde Medical Manager Corporation pour 4,9 milliards
de dollars |
16/02/2000 |
Achat
de OnHealth Network Company pour 313 million de dollars |
En
l'espace d'un mois à peine (cf. tableau ci-dessus), Healtheon/WebMd
a pu débourser en liquide ou par échange d'actions plus de 7 milliards
de dollars.
Dernière
acquisition en date : OnHealth
Network Co, le numéro 1 des sites dinformations sur
la santé pour 313 millions de dollars. Ce rachat témoigne de
la volonté de Healtheon/WebMD de devenir le portail santé incontournable.
" Maintenant plus que jamais, Healtheon/WebMD sera
le premier choix des docteurs, des consommateurs et des partenaires
du monde de la santé " déclarait Reggie Bradford,
responsable commercial de Healtheon/WebMD à la suite de l'opération.
La
société n'en est pas à son premier coup d'essai puisque le 14 février
2000, elle annonçait le rachat pour 4,9 milliards de dollars
de Medical Manager Corp. et de sa filiale Careinsite,
prestataire de services de santé sur Internet et jusqu'alors son
principal concurrent.
Le
secteur des essais cliniques en ligne n'échappe pas non plus à sa
boulimie puisque le 3 février 2000, Quintiles,
leader mondial des essais thérapeutiques, lui confiait ses systèmes
dinformations. En acquérant Envoy, l'activité électronique
de Quintiles, pour 2,5 milliards de dollars Healtheon/WebMD s'impose
par cet accord, comme le leader du recrutement de patients et de
la gestion des essais cliniques en ligne [lire notre dossier "Lessai
(thérapeutique) transformé par WebMD/Healtheon"].
La
frénésie des fusions-acquisitions n'a épargné aucun domaine de la
santé en ligne. Ainsi, Chemdex,
poids lourd du e-procurement, souhaite également s'imposer comme
l'acteur incontournable de la filière B-to-B en jouant le jeu des
fusions-acquisitions (lire
l'étude de cas sur Chemdex). Il a en effet annoncé le 21 décembre 1999
le rachat de SpecialtyMD.com
pour 115 millions de dollars afin d'élargir sa gamme doffres
de produits et de services aux médecins (spécialistes, notamment)
et aux établissements de soins.
Les
pharmacies en ligne participent également à ce mouvement de concentration.
Plus que dans d'autres secteurs, les acteurs traditionnels ("brick-and-mortar")
multiplient les rapprochements avec les acteurs du Web. Ainsi CVS,
la seconde chaîne de pharmacie aux Etats-Unis, a racheté en 1999
la pharmacie électronique Soma.com.
Conclusion
Le
phénomène des fusions-acquisitions devrait s'amplifier en l'an 2000
sur le Web, pour représenter 250 milliards de dollars selon
Wermergers. Il devrait s'accélérer pour les portails verticaux,
notamment dans le secteur de la santé. Enfin, les transactions concernant
le B-to-B devrait encore augmenter, qu'elles concernent le Web ou
des sociétés de traditionnelles. De belles M&A en perspective
Le
mouvement de concentration dans le Web est à l'uvre aussi
bien aux Etats-Unis qu'en Europe. Le Vieux Continent est en train
de rattraper son retard. Les Européens bénéficient de l'expérience
des Américains pour engager une véritable stratégie financière sur
un marché potentiel plus important que celui des Etats-Unis. En
Europe aussi, Internet affole les cours de la bourse. Ainsi, le
2 mars 2000, il a suffi à Michel Bon, président de France Telecom,
d'évoquer l'éventuelle introduction en bourse de Wanadoo, l'activité
Internet de l'opérateur, pour que le cours de l'action France Telecom
s'envole de plus de 25 %. Cotée en bourse, Wanadoo serait valorisée
entre 13 et 25 milliards d'euros (entre 78 et 150 milliards
de francs), soit 13 % de la valeur de France Telecom.
Rien
ne semble les arrêter, mais serait-on tenté de dire, ce qui fait
une grande partie de leur force, à savoir leur capitalisation boursière,
peut également s'avérer un point faible. En effet, elle dépend du
cours des actions. Or, les arbres montent rarement jusqu'au ciel.
Une question se pose donc désormais : comment vont vivre et
évoluer les start-up du Net quand les marchés ne leur permettront
plus de vivre à crédit ?.
Pourtant,
une chose est sûre, les concentrations sont le signe que le secteur
du Web gagne en maturité.
Réagissez
à cet
article
Découvrez tous
les autres Chiffres du mois.
14
mars 2000
|