Les
centres d’appels téléphoniques ont pénétré l’ensemble du secteur
des prestations de services ; des « call centers »
émergent sur tout le territoire européen, en particulier en Irlande
qui s’en est fait une spécialité. Chaque entreprise organise professionnellement
l’accueil téléphonique de ses clients. Aujourd’hui, les assureurs
en santé français se sont aussi lancés dans la course avec le particularisme
lié à un secteur spécifique. Les plates-formes dédiées à la santé
ont répondu à une stratégie de « Disease Management »
pour se tourner progressivement vers le conseil en santé. Quelle
est la raison de cette stratégie et sa viabilité pour les années
à venir ?
AXA,
AGF, Groupama, Mutuels Mieux-être, tous ont développé du conseil
en ligne sur les prix du dentaire et de l’optique. Le projet se
révéla vite avoir un double avantage :
participer
à la maîtrise des dépenses ;
proposer
un outil de fidélisation des assurés.
De
fait, le taux de remboursement reste souvent le même, mais le prix
global étant moindre, le montant à la charge de l’assuré s'en trouve
réduit. Progressivement, cet outil a permis aux assureurs
de créer des partenariats avec les professionnels de santé, en particulier
les opticiens et les dentistes à qui ils garantissent une clientèle
solvable. L’assureur sélectionne un certain nombre de professionnels,
par la signature d’une charte ou d’un autre engagement autour de
la qualité, qu’il peut recommander aux assurés. La plate-forme téléphonique
est devenue la tête de pont de ces nouveaux réseaux.
Du conseil sur les devis au conseil en santé
Fort
de ce succès, certains ont voulu aller plus loin et ont proposé
des conseils de santé en ligne. Ce qui est vrai pour les prix peut
l’être sur la santé en général et la plate-forme téléphonique peut
développer un service d’appui aux patients dans le domaine de la
santé, de la prévention ou de l’orientation dans le système de santé.
Les Français ont une demande forte d’information « santé »
et ils ne se contentent plus d’obéir passivement à leur médecin.
Les assureurs se proposent dès lors de leur apporter cet appui supplémentaire.
Les AGF développent ce service autour de la prise en charge du mal
de dos en Ile-de-France. La GMF a testé pour sa part un « accompagnement
santé » dans les Hauts-de-Seine, le Loiret, L’Eure-et-Loir
et le Bas-Rhin. AXA propose depuis 1998 des conseils médicaux téléphoniques :
de l’utilité d’un check-up, d’une cure thermale ou de l’efficacité
des médicaments génériques, toutes les questions peuvent être abordées
sans toutefois tomber dans la consultation en ligne qui reste en
France prohibée. Certains vont plus loin : les AGF proposent
dores et déjà des seconds avis médicaux pour les actes chirurgicaux
lourds (toutefois pas en ligne). AXA prend en charge un certain
nombre d’actes préventifs hors nomenclature et en informe ses assurés
via son numéro azur.
Education et information du patient : un prix élevé
L’objectif
de ces nouveaux services était clair : mieux informé et mieux
soigné, l’assuré coûterait moins cher à son assureur complémentaire.
Les plate-formes téléphoniques devaient devenir de ce fait la clé
du « disease management » à la française et un outil de
fidélisation de l’assuré en répondant à ses attentes. Les ressources
que les assureurs ont mobilisées pour ces services ne sont pas négligeables :
dd
AGF
30
personnes dont 13 opérateurs téléphoniques plus proche de
la santé que de l’assistance, souvent de formation bac+3 proche
santé ; 3 chirurgiens dentistes dont 1 orthodontiste, 2 opticiens,
4 informaticiens
dd
AXA
16
conseillers santé + équipe médico-sociale + permanente sur
place de médecins, chirurgiens- dentistes, assistantes sociales,
diététiciens, opticiens pharmacien (mi-temps), statisticien
santé, documentaliste santé internet. Audio- prothésiste au
1er trimestre 2001. S'ajoutent des hot lines spécialisées
et les réponses apportées par un Comité Médical
dd
GROUPAMA
Plate-forme
hébergée par un prestataire externe (spécialiste téléphonie)
; 20 télé- opérateurs bac + 3 dans le secteur para-santé ;
direction de projet Groupama
Chaque
télé-opérateur doit être formé au métier complexe de l’assistance
téléphonique pour pouvoir répondre aux demandes très diverses des
assurés. Chez Groupama, les 20 télé-opérateurs de la plate-forme,
bien qu’issus du monde para-médical, ont reçu une formation spécifique
de deux mois.
Le
poids des ressources humaines est donc lourd dans ce type de projet
mais, selon François Mercereau, directeur d’AXA santé « ce
sont les bases de données qui sont les plus complexes à élaborer »
(lire l'interview
de François Mercereau). Le système d’information qui
permet aux télé-opérateurs de répondre tant sur les services de
rhumatologie d’une zone géographique donnée, que sur les vaccins
nécessaires pour le petit dernier ou encore les modalités de prise
en charge de la grand-mère dépendante, nécessite un investissement
lourd que les assureurs ont dû réaliser pour ne pas décevoir les
attentes du public. En la matière, une information erronée ou non
disponible peut décourager définitivement un assuré.
Le premier
assureur a avoir lancé un « call center » au service
des assurés est la CNP avec son projet « Carrés Bleus ».
Claire Bodin (aujourd’hui chez Groupama) et Michel Charton
(aujourd’hui aux AGF) ont développé chez cet outsider de l’assurance
santé une idée originale dans la droite ligne du plan Juppé
et basée sur le principe que l’assuré mieux informé deviendra
un acheteur de soins avisé qui replacera la santé dans une
logique de marché : il s’agit de donner aux patients
les moyens de faire pression sur les offreurs de soins par
les prix. La plate-forme téléphonique de Carrés Bleus a proposé,
dès lors, des avis sur les devis dentaires et optiques :
les deux services qui coûtent le plus cher aux complémentaires.
Progressivement l’idée qu’il est plus facile d’agir sur les
assurés que sur les professionnels de santé pour réduire les
dépenses a fait son chemin et la grande majorité des concurrents
a lancé de tels services.