Je-boycotte-Nature.com
Mathieu
Ozanam
Une
petite révolution dans le monde des publications scientifiques
Pourquoi
PubMed Central n'est pas suffisant
Des
pistes de solution
Les scientifiques ne
veulent plus payer l'accès aux archives en ligne des publications
scientifiques. Une pétition en ligne menaçant de boycotter
celles qui ne seraient pas gratuites a recueilli plus de 22 000
signatures des scientifiques du monde entier.
L'information
est l'un des motifs de consultation d'Internet le plus fréquent.
Et parmi toutes les sources, les quotidiens en ligne remportent
un franc succès. Le Monde qui faisait à l'origine
payer ses articles s'est converti à la gratuité et
a vu dès lors son audience exploser. Même engouement
pour l'édition électronique de Libération,
à tel point que les membres de sa rédaction craignent
qu'elle ne vampirise le quotidien dans les kiosques, qui lui est
payant. Le journal est donc soupçonné de se concurrencer
lui-même en pratiquant une sorte de dumping, un comble.
Mais l'euphorie des débuts autour de la "nouvelle économie"
est retombée, et les recettes publicitaires sont en chute
libre. La presse en ligne s'efforce de trouver des solutions en
faisant de la syndication de contenu, tel que caducee
collaborant avec la rubrique santé de Yahoo
! ou faisant payer l'accès à ses archives en ligne.
Mais maintenant que des habitudes ont été prises,
il sera difficile de s'orienter vers un modèle payant. "Pourquoi
payer pour ce que l'on peut avoir gratuitement ?" se demandent
les internautes, "comment les faire payer" s'interrogent
les entreprenautes ?
Une
petite révolution dans le monde des publications scientifiques
Le
monde des publications scientifiques aussi est en crise, mais les
termes du débat vont à contre-courant de ceux de la
presse généraliste. Plus de 22 000 scientifiques réclament
en effet depuis décembre, que les archives des revues dont
l'accès est aujourd'hui payant, soit gratuit à partir
du mois de septembre 2001. Faute de quoi ils les boycotteront. Autrement
dit, ils ne publieront plus dans les colonnes de celles-ci et ne
s'y abonneront plus. La pétition est visible sur le site
Public
Library of Science. Une petite révolution dans le monde
des publications scientifiques et qui fait débat (lire les
contributions sur Nature
et Science).
Le développement d'Internet et les facilités de consultation
qui ont été créées n'y sont pas pour
rien.
Les
revues sont aujourd'hui à la tête d'un marché
lucratif. Tout scientifique qui se respecte, se doit de publier
ses travaux. Les articles sont soumis à une revue qui décide
de l'opportunité de le publier ou non, ce qui entraîne
le versement d'une première somme pour que le texte soit
examiné. S'il est retenu il faut alors débourser un
droit de publication. Et enfin si les internautes sont désireux
de retrouver cet article parmi les archives des sites des publications,
ils devront eux aussi payer.
Le paradoxe c'est que si dans une bibliothèque universitaire
la consultation est gratuite, se fait à volonté et
le nombre de lecteur illimité, sur Internet elle est payante
pour chaque utilisateur et pour chaque connexion. En somme c'est
plus cher, mais le service est moins bon.
Pour justifier leur volonté de maintenir un contrôle,
les revues se retranchent derrière l'argument selon lequel
elles sont les garantes de l'intégrité des textes
soumis et publiés, de possibles erreurs pouvant se glisser
dans les articles. Ce à quoi David Lipman, directeur du National
Center for Biotechnology Information (NCBI), cité par Julia
Karow dans le Scientific
American, rétorque que plus les articles sont vus, plus
les erreurs peuvent être détectées.
Certes
certaines revues donnent un accès libre à leurs archives,
mais les pétitionnaires jugent qu'il est plus simple de créer
l'équivalent d'une GenBank (la banque publique de séquences
génomiques). Passé un délai de six mois les
publications auraient l'obligation de verser dans la base de données
publiques unique les articles qu'elles ont publiées.
Le travail du visiteur en serait ainsi facilité puisqu'il
n'aurait plus qu'un mot-clef à rentrer sans un seul moteur
de recherche. Finie donc la multiplication inutile les mêmes
requêtes sur plusieurs sites.
Pourquoi
PubMed Central n'est pas suffisant
Pourtant
un tel site existe bien. PubMed
Central est une émanation de la bibliothèque nationale
de médecine américaine qui donne accès à
11 millions de citations et abstracts dans Medline, PreMedline et
d'autres base de données avec des liens aux journaux en ligne
participant. PubMed Central n'accepte pas les publications directement
remises par les auteurs. Ce sont les éditeurs qui donnent
volontairement les textes complets des articles. Les promoteurs
du site suggèrent aux revues scientifiques d'envoyer leurs
articles aussitôt que possible (soit tout de même environ
un an après la première date de publication, pour
leur permettre de rentrer dans leurs frais). Mais les progrès
sont lents, seuls sept journaux ont répondu jouent le jeu.
D'où la volonté de rendre obligatoire le dépôt
des articles.
Des
pistes de solution
Le
boycott est-il réellement possible ? La réputation
des sept prix Nobel qui ont signé la pétition n'est
plus à faire, mais il est difficile aux jeunes chercheurs
de se couper un bras en refusant de publier dans des revues prestigieuses.
Autre idée : au lieu de faire payer les lecteurs, pourquoi
ne pas faire payer uniquement les auteurs. Ceux-ci incluraient dans
leur budget de recherche les frais de publication.
Quoiqu'il en soit Michael Eisen, l'un des initiateurs des débats,
se dit "persuadé que dans les cinq ans personne ne contrôlera
plus la littérature scientifique". Les scientifiques
auront-ils le dernier mot ?
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15
mai 2001
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