Les
guidelines en
pharmacoéconomie
Comparaisons
institutionnelles
Situations actuelles et perspectives
Florence
Baron
Dominique
ETIENNE
31 mai
2000
Suite
et fin (2/2)
La France
Après
autorisation de mise sur le marché, la commission de la transparence
(au sein de lAFSSAPS)
évalue le service médical rendu des médicaments dont le remboursement
est demandé. La commission juge les aspects techniques et scientifiques
du produit ainsi que les économies potentielles quil peut
générer par rapport aux traitements existants. Le caractère innovant
du produit est le critère le plus considéré. Les industriels du
médicament concluent des conventions individuelles sur le prix des
spécialités remboursables. Cest le Comité économique du médicament
(devenu comité économique des produits de santé), depuis 1996, qui
en a la responsabilité. Les critères de fixation du prix sont le
volume des ventes prévisionnels, les efforts de recherche et de
promotion. Le nouvel accord signé en juillet 1999 (cliquer
ici pour en savoir plus), pour quatre ans, encourage notamment
la commercialisation de médicaments innovants et de réévaluer certaines
classes thérapeutiques.
Dès
1994, laccord-cadre signé entre lEtat et lindustrie
pharmaceutique initiait le développement des études médico-économiques
sur le médicament. Ainsi, lAgence du médicament (devenue AFSSAPS)
a édicté en 1995 les règles de présentation et les critères dacceptabilité
des études médico-économiques. Ceci avait pour objectif duniformiser
la qualité des études et leur crédibilité pour les autorités concernées.
En 1996, les industriels du SNIP
ont demandé de véritables guidelines méthodologiques et la définition
exacte de lutilisation des études et de leurs destinataires.
Sous
légide du Collège
des économistes de la santé, 34 recommandations détaillées de
pharmacoéconomie ont été édictées en 1997. Les principes sont souples
et soulignent quels sont les points non consensuels toujours en
discussion, sans imposer de méthodologie. Toutes les techniques
traditionnelles danalyse sont acceptées. Les techniques de
mesure des coûts sont détaillées et toutes les autres dimensions
sont abordées, à linstar des autres recommandations internationales.
Ces guidelines seront revues à la fin 2000. La priorité actuelle
du CES est de mettre en place une base documentaire des études françaises
(projet Codecs) afin de les analyser.
Les
études médico-économiques peuvent être soumises aux 2 instances
compétentes en matière de prix et de remboursement (la commission
de la transparence et le CEPS). Cette démarche est volontaire de
la part des industriels et ils fournissent de plus en plus dinformations
pharmacoéconomiques pour laccès au remboursement. Aucun grand
laboratoire ne commercialise une nouvelle molécule sans évaluation
économique. Un nouveau comité dexperts économistes a été créé
pour étudier la validité des études soumises, qui est saisi soit
par la Commission de la transparence, soit par le CEPS, mais il
faut souligner que le suivi de ces guidelines nest pas encore
obligatoire.
La Grande-Bretagne
Excepté
sils figurent sur la selected list, tous les médicaments
sont remboursés à 100%. Les prix des médicaments remboursables sont
libres dans le cadre du Pharmaceutical Price Regulation Scheme (PPRS) :
des négociations sont menées entre les industriels (Association
of the British Pharmaceutical Industry - ABPI) et le Ministère de
la santé pour permettre un taux de profit potentiel, calculé sur
la base des ventes prévisionnelles au NHS, et permettant un retour
sur investissement.
Le
PPRS cherche à combiner les 4 critères suivants : prix raisonnable,
développement compétitif, recherche soutenue et industrie bénéficiaire.
Mais la part du budget du NHS consacrée aux médicaments tend à saccroître
à cause de deux problèmes récents : dune part une quantité
croissante de me-too à des prix assez élevés pour lesquelles
aucune évaluation pharmacoéconomique n'est envisagée ; d'autre
part, des nouvelles molécules mises trop tôt sur le marché ("too
soon to market ") qui nont pu faire lobjet
dévaluations adéquates et adaptées à leur utilisation thérapeutique
et pour lesquelles le NHS souhaite mettre en place une évaluation
coût-efficacité réelle, préalable à toute décision denregistrement
et de remboursement. Le gouvernement envisage ainsi de créer un
formulaire de produits remboursables par le NHS, réévalué tous les
5 ans.
Actuellement,
la décentralisation de la gestion du système au niveau local engendre
des inégalités vis-à-vis des soins : la mise en place au niveau
national dune harmonisation des critères prévalant aux décisions
pourrait améliorer cet état de fait.
" Guidelines
on good practice in the conduct of economic evaluation of medicines "
Des
guidelines ont été publiées dès 1994, par le Department of Health,
en collaboration avec les industriels de lABPI. Très succinctes,
ces recommandations (volontaires) posent que : la perpective
doit être celle de la société, à linstar de la plupart des
autres pays européens, lanalyse est de préférence de type
coût-efficacité et sont nécessaires les analyses de sensibilité
incrémentales. Enfin, une actualisation à 6% est recommandée, à
appliquer selon deux bases différentes : à la fois pour les
coûts et bénéfices de santé, puis aux coûts et bénéfices monétaires
uniquement. En 1997 a été envisagée la création dun groupe
dexperts qui étudierait toutes les études pharmacoéconomiques
avant décision de remboursement des nouveaux médicaments (à étendre
ensuite aux anciens médicaments déjà sur le marché ainsi quà
lhoméopathie). Le NICE (National Institute for Clinical Excellence)
est créé en 1997 et lancé en 1999. Il devrait évaluer lefficacité
de 30 à 50 nouveaux traitements par an et décider des nouvelles
mises sur le marché, ce qui doit permettre aux produits dêtre
disponibles dans toutes les régions du NHS plus rapidement. Le NICE
doit élaborer ses propres guidelines mais dores et déjà, il
demande des évaluations pharmacoéconomiques.
Les
tendances retenues pour la conduite des études sont :
- la réalisation
des études au plus tôt dans le processus de développement du médicament :
notamment durant la phase III (biais limités du fait des conditions
de lessai clinique) et la phase post-marketing (reflet des
coûts réels en pratique courante) ;
- la réévaluation
régulière des coûts et bénéfices induits par le produit, ainsi
que de son efficacité thérapeutique ;
- un financement
des études soit par lindustrie pharmaceutique, soit grâce
à un sponsoring conjoint du NHS et de lindustrie.
Le
NICE demande des informations très précises sur limpact des
produits sur la durée et la qualité de vie des patients, ce qui
rendra difficile le travail de lindustrie pour satisfaire
les exigences officielles. LABPI souligne en outre que les
études réalisées en cours de phase III ne refléteront pas les résultats
sur la population finale effectivement traitée. Elle propose aussi
la création de catégories de médicaments selon leur rapport coût-efficacité,
qui déterminerait leur niveau de prise en charge par le NHS. Ladéquation
entre les exigences officielles et les contraintes de lindustrie
pharmaceutique britannique est donc loin dêtre obtenue.
LItalie
Un
système de prix de référence (hors médicaments grand public et produits
vétérinaires qui ont un prix libre) existe depuis 1996 : cest
le prix le plus bas dun groupe homogène de produit (mêmes
principe actif, mode dadministration, forme). Les produits
qui ont un prix supérieur sont exclus du remboursement. Avec ce
système, certains des produits commercialisés en Italie se sont
trouvés à un prix de 30% inférieur au prix moyen européen. Aussi,
après la plainte des industriels de lEFPIA et de la commission
européenne, un comité a-t-il été chargé de proposer un nouveau système,
qui intégrerait dans la fixation des prix linnovation, la
R§D, le rapport coût-bénéfice.
La
liste des médicaments remboursables est fixée par le comité du médicament
dépendant du Ministère de la santé (Commissione Unica del Farmaco).
Une proposition de 8 points clés pour la conduite des évaluations
pharmacoéconomiques a été élaborée par le Centre dEconomie
de santé, en 1995. Elle concerne le choix du comparateur, la perspective
de létude et sa méthodologie, les mesures defficacité
réelle et de coûts, lactualisation, lanalyse incrémentale
et de sensibilité. De manière générale, les Italiens préfèrent les
analyses coût-efficacité et les études de minimisation de coûts,
en favorisant les études de type pragmatiques, avec des comparateurs
dusage large et courant. Seuls les coûts directs doivent être
inclus dans la mesure où coûts indirects et intangibles ne peuvent
être évalués de manière fiable. Lactualisation quant à elle,
à linstar des canadiens et australiens est réalisée au taux
de 5%.
Ces
guidelines ont permis de sensibiliser les politiques à la " maximisation
de lutilité sociale ". Début 1999, un groupe de
travail (industriels et universitaires) a été constitué afin de
proposer des guidelines de référence nationale : ses conclusions
sont imminentes et devraient répondre à ce que le CUF a listé pour
les futures études des dossiers de fixation de prix : bénéfice
thérapeutique direct, coûts et bénéfices sociaux indirects, ratio
coût-bénéfice comparé aux traitements alternatifs, qualité de vie.
Il faut rappeler que cest dans le contexte de lenregistrement
européen que cette évolution a eu lieu : depuis 1997 en effet,
les négociations des prix enregistrés au niveau européen se fondent
sur des évaluations coût-efficacité réelle. Si celles-ci ne sont
pas encore obligatoires, leur importance va en croissant.
Les Pays-Bas
La
liste GVS formularium répertorie les médicaments remboursables vendus
exclusivement en pharmacie (sur prescription ou non), dont le Ministère
de la santé fixe le niveau de remboursement. La limite de remboursement
est fondée sur la moyenne des prix du groupe thérapeutique auquel
appartient le produit (ensemble des médicaments interchangeables,
cest-à-dire avec mêmes indications thérapeutiques, activités
ou sites daction similaires, absence de différences cliniques,
même forme dadministration, même classe dâge de patients
visés). Un nouveau médicament peut-être soit classé dans un groupe
existant (et être remboursé selon le niveau du groupe), soit être
considéré comme unique et obtenir un remboursement total. Chaque
année, des médicaments sont dits non remboursables car non classables
dans les listes du GVS. Les critères de décision sont la valeur
thérapeutique du produit et sa pertinence (adéquation, convenance).
Il
nexiste pas de démarche officielle de fixation des prix des
médicaments, qui ont un niveau de prix élevé par rapport à la moyenne
européenne (30% environ). Le gouvernement a demandé aux caisses
dassurance maladie dintégrer des informations pharmacoéconomiques
dans les décisions de remboursement.
Si
les guidelines ne sont pas encore en application, les Pays-Bas font
partie des premiers pays européens à intégrer des guidelines pharmacoéconomiques
de manière officielle. Leur suivi sera exigé pour tous les médicaments
innovants non inclus dans une des classes thérapeutiques existantes.
Elles ont été réalisées grâce à la collaboration de lindustrie
pharmaceutique (association néerlandaise des industriels de la pharmacie
Nefarma) et lassurance maladie. Leur version finale est actuellement
examinée au Ministère de la Santé. Leur contenu, exposé en 19 points,
est très similaire à celui de leurs homologues canadiennes. La réalisation
des études doit relever de chercheurs indépendants qualifiés dans
le domaine et la transparence des relations avec lindustrie
doit être totale.
Les
points marquants de ces recommandations sont les suivants :
lanalyse doit être de type coût-efficacité et/ou coût-utilité,
les analyses de minimisation de coûts étant inadaptées puisquelles
ne peuvent concerner que des produits " classables "
dans les listes et ne requièrent pas de rapport dévaluation.
La perspective de létude doit être celle de la société ;
les bénéfices du traitement doivent être évalués en termes defficacité
réelle (résultats sur mortalité et morbidité). Le traitement comparateur
est le traitement usuel ou courant. Les concepts de qualité de vie
et dutilité doivent faire lobjet dune étude par
2 types de questionnaires, génériques et spécifiques, et leurs résultats
exprimés en QALYs. La valorisation des coûts indirects doit utiliser
la méthode des coûts de friction. Enfin, le taux dactualisation
recommandé est de 4%.
Si
les industriels trouvent aujourdhui ces guidelines un peu
trop restrictives, ils considèrent le fait de fournir des études
dévaluation comme positif pour leur intérêt à commercialiser
de nouveaux produits. Une fois les guidelines validées par le gouvernement,
il est probable que la responsabilité de recevoir et analyser les
études reviendra aux caisses, pour servir de conseil à la décision
finale du Ministère de la santé.
Le Portugal
La
liste des médicaments remboursables dépend du Ministère de la santé :
les produits y sont classés selon 3 niveaux dimportance. Les
critères pris en compte pour établir cette liste sont : le
caractère dinnovation, le bénéfice thérapeutique, le coût
du médicament, lamélioration du ratio coût-bénéfice.
Les
prix sont issus de négociations entre lEtat et les représentants
de lindustrie (Apifarma). Le dernier accord (mars 1997) stipulait
une hausse limitée du prix de vente des médicaments, avec reversement
de la part de lindustrie si dépassement. Depuis fin 1998,
une nouvelle législation oblige les industriels à suivre une procédure
très stricte pour toute négociation et la Ministère doit intégrer
des critères plus stricts, dont des informations coût-bénéfice.
Suite à celle-ci, des recommandations pour la conduite de ces évaluations
ont été rendues publiques en décembre 1998. Elles laissent beaucoup
de souplesse méthodologique. Le type dinformation recommandé
est du type coût-bénéfice.
La Norvège
Cest
le RTV, instance gouvernementale de remboursement des produits pharmaceutiques
qui établit la liste des médicaments remboursés au niveau national.
Le prix est fixé par le SLK (Norwegian Medicines control authority).
Un système de prix de référence définit depuis 1993 le montant du
remboursement des médicaments non innovants : il correspond
au prix du moins cher des substituts génériques existant. Le patient
paie le complément éventuel. Pour les médicaments innovants, des
négociations sont menées avec les industriels. Les critères pris
en compte aujourdhui sont jugés peu solides, lévaluation
thérapeutique occupant une place essentielle.
A
linitiative du SLK, une proposition de guidelines a été élaborée
en concertation avec lindustrie pharmaceutique. Elles sont
fortement inspirées des modèles canadien et suédois. On peut souligner
que deux perspectives détudes sont à adopter, celle de la
société et celle des autorités. La méthode danalyse est libre,
le choix du comparateur correspond au traitement le plus utilisé
en pratique courante ou le moins cher. Les coûts indirects sont
présentés séparément des coûts directs. Le taux dactualisation
se situe entre 2.5 et 10%, à tester dans lanalyse de sensibilité.
Il faut noter enfin que les industriels peuvent utiliser des résultats
détudes pharmacoéconomiques réalisées au niveau international,
ce qui prend ainsi en compte le faible intérêt économique que représente
le marché Norvégien.
Ces
guidelines sintégreront dans le système de fixation des prix
des médicaments remboursés, participant ainsi à la politique de
maîtrise de dépenses de santé.
31 mai 2000
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