Méthodologie
de lévaluation économique des programmes de santé
Typologie des coûts
Coût
d'une étude "qualité de vie"
Choix
des méthodes d'évaluation
Les objets de lanalyse
économique comprennent dune part les coûts et dautre
part les conséquences de la mise en oeuvre des programmes médicaux.
Les coûts considérés sont des coûts dopportunité, qui représentent
lensemble des ressources consommées par un programme médical
et qui, du fait de leur immobilisation, ne sont plus disponibles
pour une autre utilisation. Autrement dit (Bremond), « le coût dopportunité
dune ressource correspond à ce quelle rapporterait dans
lutilisation la plus rémunératrice parmi toutes les stratégies
réalisables ».
Coûts directs
Lensemble des
ressources consommées et des dépenses directement attribuables au
programme. Mise en place et fonctionnement (investissement en bâtiments
et en équipements médicaux, honoraires, salaires, médicaments).
On peut distinguer dune part des coûts variables, qui sont
fonction du volume des services médicaux rendus (ex : matériel à
usage unique et médicaments) et dautre part des coûts fixes
qui ne varient pas en fonction de ce volume, du moins à court terme
(ex : cuisine, blanchisserie).
Par ailleurs, on inclut
dans les coûts directs les dépenses médicales et non médicales couvertes
par le patient lui-même ou par les membres de sa famille qui laccompagnent
à lhôpital ou qui, le cas échéant, le prennent en charge à
domicile. Paiement du ticket modérateur, frais de transport, de
logement, de nourriture, équipement médical à domicile etc. font
partie de cette catégorie de coûts.
Dans le calcul des
coûts directs, il est nécessaire de ne pas confondre les deux notions
interdépendantes mais distinctes de « coût » et de « prix » dun
service. Le prix dun service ne reflète son coût que dans
les conditions très théoriques dune régulation par le marché,
à léquilibre entre loffre et la demande, en situation
de concurrence pure et parfaite. Dans une économie de marché réelle,
ces conditions sont rarement vérifiées. De plus, en France, le volume
et le prix de beaucoup de services médicaux sont contrôlés. De ce
fait, les prix observés ne correspondent que rarement au coût dopportunité
du service en question. Faute dindicateurs plus fins, on est
pourtant souvent amenés à utiliser ces prix dans les analyses économiques.
Coûts indirects : la productivité perdue
Ces coûts désignent
la perte de production liée au temps de travail perdu par le patient
ou son entourage à cause de la maladie ou de la participation à
un programme médical (ex : temps pris sur le travail pour se faire
vacciner), le coût dopportunité du temps nécessaire aux patients
pour se faire soigner, et les coûts sociaux correspondant à une
modification dans lutilisation des ressources économiques
au-delà du champ des conséquences strictement médicales du programme
étudié (ex : aménagement des horaires et des conditions de travail
dune femme enceinte dans le cadre dun programme de lutte
contre la prématurité nécessite un surcroît dinvestissement
en matériel et en personnel).
Coûts intangibles : coûts humains et
psychologiques
Les coûts intangibles
sont liés au stress, à lanxiété, à la douleur, et de manière
plus générale à toutes les pertes de bien être et de qualité de
vie vécues par le patient. Leur prise en compte est souvent essentielle
en évaluation médicale où cette dimension non monétaire est décisive.
La difficulté principale réside dans lestimation quantitative,
voire la valorisation monétaire de coûts qui sont essentiellement
de nature qualitative et subjective. Cest pourquoi ils pourront
être considérés, selon la perspective et le type danalyse
retenus, tantôt comme des coûts à part entière, tantôt comme des
conséquences du programme étudié.
Les conséquences, quant
à elles, peuvent être médicales, directes ou indirectes, et non
médicales. Ainsi définis, les objets de lanalyse économique
des programmes de santé couvrent un champ potentiellement vaste.
Ceci permet généralement de placer les choix quil sagit
déclairer dans une perspective globale de société qui ne se
limite pas aux seuls coûts et conséquences médicaux directs.
Bénéfices cliniques : l'efficacité thérapeutique
et préventive
Cette « efficacité
» désigne à la fois la capacité théorique et la capacité opérationnelle
du programme à atteindre le but recherché. On pourra par exemple
sintéresser au pouvoir immunogène dun nouveau vaccin
(efficacité théorique) et au taux de couverture obtenu par une campagne
de vaccination utilisant ce produit (efficacité opérationnelle).
Selon le problème spécifique
auquel on sintéresse, on utilisera des indicateurs defficacité
différents. Il sagit le plus souvent dunités physiques
dites « naturelle » : nombre de vies sauvées, nombre dannées
de vie gagnées. Dautres unités sont utilisables. Elles seront
choisies en fonction de laction spécifique du médicament que
lon évalue : gains aux épreuves fonctionnelles respiratoires
(traitement de lasthme), durée de linfection (antibiothérapie),
nombre de jours sans douleurs (antalgiques)...
La mesure du bien-être : distinguer
"Utilité" et "Qualité de vie"
Quand on met en oeuvre
une analyse coût-efficacité, on peut chercher à définir une « fonction
dutilité » qui définit une relation de préférence, cest-à-dire
lensemble des « valeurs subjectives » quun individu
accorde à ses différents états de santé. Une fois estimée, cette
fonction dutilité permet de pondérer la durée de vie gagnée
par le programme par la qualité subjective de cette vie. On parle
alors danalyse coût-utilité.
En revanche, les études
« qualité de vie » sont fondées sur une approche pluridimensionnelle
et multidisciplinaire de la notion de bien-être, se rapprochant
de la définition économique plus large de « lutilité ». Elles
reposent sur la mesure dindicateurs physiques, fonctionnels,
sociaux et psychologiques du bien-être et de létat de santé,
pris séparément ou agrégés.
Lindice de Karnofsky
Indice simple et très
utilisé, côté de 0 à 100, qui mesure la capacité du sujet à réaliser
des performances de la vie courante : travail, besoins personnels,
vie à domicile, habillage...
Le « Rand General Health Rating Index
» (GHRI)
Auto-questionnaire
comportant de nombreuses questions destinées à explorer la perception
qua le sujet de son état de santé global et dont le résultat
sexprime, par sommation, en un score de 22 à 110.
Le
« Quality of Well Being Scale » (QWB)
Explore 4 dimensions
de la santé : existence de symptômes, aptitude à la mobilité, activité
physique, activité sociale.
Le « Sickness Impact Profile » (SIP)
Auto-questionnaire
comportant 136 questions, regroupées en 12 grandes rubriques. Chaque
rubrique explore une attitude face à une grande fonction vitale,
allant du sommeil et de la vigilance à la mobilité ou à laptitude
à la distraction.
Bénéfices économiques
Ensemble des changements
induits par le programme dans lutilisation des ressources
économiques. Les bénéfices directs, exprimés en unités monétaires,
sont les économies réalisées dans lutilisation des ressources
médicales et non médicales. Les bénéfices directs concernent les
gains de production (journées de travail gagnées) obtenues par le
programme.
En définitive, le choix
des instruments décrits brièvement ci-dessus dépendra de la perspective
choisie pour lanalyse et du type détude utilisé.
Lanalyse coût-utilité.
Cette analyse est un cas particulier de lanalyse coût-efficacité
dans lequel le bénéfice médical net est exprimé en nombre dannées
de vie gagnées pondérées par la qualité (« QUALY pour Quality-Adjusted-Life-Year
») gagnées par le programme. Ce concept dérivé de la théorie de
lutilité permet de résumer en un seul indicateur une information
quantitative (réduction de la mortalité, gain despérance de
vie), et une information qualitative (réduction de la morbidité,
amélioration ou aggravation de la qualité de vie). La technique
consiste à pondérer les années de vie par les « utilités », ou préférences,
respectivement accordées par les patients à chacun des états de
santé possibles.
Comment mesurer les
« utilités » nécessaires au calcul des QUALY ?
Léchelle analogique. Le sujet
marque sa « préférence » sur une échelle linéaire dont les deux
extrémités correspondent aux états de santé limites : vie normale
en bonne santé et décès.
La méthode des paris
(loterie). Adaptée aux maladies chroniques. Il est demandé au sujet
de choisir entre deux scénarios de vie mutuellement exclusifs.
Scénario
« certain » (1) : vivre avec le handicap permanent
auquel on cherche à associer une « utilité ». Scénario
« aléatoire » (2) : il existe un risque p de mourir
immédiatement et une chance 1-p de vivre en parfaite santé. On cherche
à déterminer la valeur « p » pour laquelle le patient est indifférent
aux deux termes de lalternative.
Le « marchandage temps ». Ici encore le sujet est face à un choix
- Vivre un temps Ti avec un handicap
- Vivre un temps Tj (inférieur à Ti)
en parfaite santé.
Le niveau (Ti-Tj) dindifférence
aux deux scénarios reflète « lutilité » associée par le sujet
à la vie avec un handicap.
Lanalyse multicritère.
Elle utilise les techniques mathématiques danalyse des données
multidimensionnelles (régression multiple, analyse des correspondances,
analyse discriminante...) pour agréger des informations provenant
de sources différentes en un indicateur unique de qualité de vie.
Utilisation pratique des études dévaluation économique
- Orienter la recherche de molécules.
- Maximiser lefficacité des
démarches auprès des pouvoirs publics.
- Mieux communiquer avec les autres
partenaires de lindustrie pharmaceutique.
En conclusion,
Lévaluation socio-économique
du médicament est essentiellement un outil daide à la décision
et de réduction de lincertitude dont le premier intérêt est
de conduire à une formulation explicite de lensemble des stratégies
possibles et à un abord exhaustif de toutes les dimensions du problème
décisionnel efficacité, utilité, efficience, impact sur la santé
publique. Le second intérêt de la démarche est de conduire à une
estimation chiffrée de ces différents paramètres, ce qui permet
une comparaison objective de programmes très divers.
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