Les
outils de la biotechnologie
28 février
2001
L’analyse
du génome humain, publiée le 16 février par la société Celera Genomics, se révèle surprenante.
Alors que selon les prévisions on attendait entre 50 000 et 140
000 gènes, les scientifiques de Celera ont déchiffré un assemblage
du génome humain comportant seulement
30 000 gènes. De grands espoirs étaient fondés sur la médecine prédictive
comme solution à de nombreuses maladies, mais l’équipe scientifique
de Celera a mis un bémol en avançant que l’étude du génome humain
ne serait pas suffisante pour comprendre l’ensemble des maladie
génétiques. Il faudra chercher à un autre niveau pour comprendre
les mécanismes qui génèrent les complexités inhérentes au développement
humain et les systèmes de signalisation compliqués qui préservent
l’homéostasie. Après le décryptage du génome humain et l’analyse
des gènes, l’étude des protéines s’impose donc comme le nouvel horizon.
Les biotechnologies et l’industrie pharmaceutique ?
Grâce
à la chimie combinatoire et les automates de criblage à haut débit,
la recherche pharmaceutique a évolué. Elle ne procède plus au criblage
aléatoire des composés chimiques et ne travaille plus sur un petit
nombre de cibles. Les investissements réalisés dans les biotechnologies
ont permis de mettre en évidence des centaines (bientôt des milliers)
de cibles biologiques potentielles pour de nouveaux médicaments.
Encore faut-il déterminer aujourd’hui quel rôle elles jouent dans
une pathologie, et évaluer leur bénéfice clinique potentiel.
L’industrie
pharmaceutique est submergée par les données issues des travaux
publics et privés sur le génome et des outils dont ils se sont dotés.
Son problème est, désormais, de transformer la masse de données
collectées en information pertinente. Le goulet d’étranglement n’est
plus aujourd’hui au niveau du criblage des cibles, mais dans le
tri et l’optimisation des molécules, c’est-à-dire la détermination
des molécules porteuses de solutions.
L’industrie
pharmaceutique collabore de plus en plus avec les sociétés de biotechnologies,
devenues le lieu d’externalisation de la recherche des grands groupes.
Dans cette perspective, l’allemand Merck KgaA a
racheté pour 20 millions de dollars la jeune société de biotechnologies
écossaise Biovation pour renforcer
sa position dans les domaines du cancer et du diabète. Novartis Venture fund
a investi plus de 90 millions de francs suisses dans près de 80
start-up spécialisées notamment dans les biotechnologies. La récente
restructuration du capital du groupe Beaufour
Ipsen va, selon Stéphane François le président du directoire,
permettre d’amplifier les efforts de recherche dans le domaine des
biotechnologies. Enfin, Bayer et la société de biotechnologie
américaine Millenium
Pharmaceuticals ont annoncé avoir développé un nouvel agent
anticancéreux. Produit découvert dans le cadre du partenariat à
partir de l’identification d’un gène impliqué dans la formation
des tumeurs.
Cependant
si les sociétés de biotechnologies ont alimenté les portefeuilles
de recherche des grands groupes, les résultats auxquels elles ont
abouti restent faibles. Ainsi, la chute de 25% que l’indice biotechnologie
du Nasdaq a enregistré pendant deux semaines en janvier, reflétait
la crainte des investisseurs. Ceux-ci se sont, en effet, rendus
compte que la génomique ne contribuera à accélérer autant qu’ils
l’avaient espéré le développement d’un médicament. Les premiers
médicaments issus des travaux génomiques n’arriveront pas sur le
marché avant 4 ou 5 ans. Ainsi, Bayer espère lancer ses premiers
médicaments d’ici 2006-2007.
La
génomique n’est pas la révolution annoncée. L’analyse de Celera
confirme les estimations du Centre national de Séquençage dirigé
par Jean Weissenbach. L’équipe française avait effectivement avancé
que, outre le fait que le génome humain comporte entre 26 000 et
38 000 gènes, seul 1,1% de l’ADN correspond aux plans de fabrication
de protéines et que huit chromosomes concentrent les gènes responsables
de 39% des maladies génétiques. Par conséquent, le précepte « un
gène, une protéine, une fonction » est récusé et la protéomique
succède à la génomique.
La protéomique : la suite de la génomique.
La
protéomique consiste à étudier les protéines, leur composition,
leur forme, leur abondance relative et leurs interactions. Les protéines
expliquent l’expression des gènes. La protéomique a déjà poussé
à la constitution de banques de profils d’expression, l’analyse
systématique de la structure en trois dimensions des protéines,
et la détermination de cartes d’interactions entre les protéines
pour déterminer comment elles travaillent ensemble. Un projet de
création d’une banque de données de protéines humaines, le Human
Proteome Organisation (HUPO) a été initié. Ce projet s’inspire de
la banque de données HUGO, Human Genome Project Organisation, générée
par le séquençage du génome humain.
L’étude
des interactions entre les protéines semble être un outil d’un emploi
plus proche. Genset,
la société de biotechnologies françaises, a découvert une protéine
contre l’obésité qui sera bientôt testée chez l’homme. Bayer veut
établir la carte des interactions de protéines dans les domaines
de l’obésité et du des maladies du système nerveux central. Les
accords entre les groupes pharmaceutiques et les sociétés de protéomique
se multiplient. La société française de protéomique Hybrigenics
et le laboratoire pharmaceutique Servier viennent de signer un accord
de collaboration et de licence, afin d’identifier, à partir de protéines
d’intérêt sélectionnées par Servier,
de nouvelles cibles thérapeutiques pour le développement de médicaments
innovants contre le cancer. Hybrigenics
vient, notamment, de publier dans la revue
Nature une carte pour l’hélicobacter Pylori, bactérie impliquée
dans de nombreux cas d’ulcères voire de cancers. Grâce à cette carte
on devrait pouvoir identifier des protéines et des antigènes contre
lesquels cibler un vaccin.
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