Juin
1999
6%
de médecins américains syndiqués
Dominique
Etienne
6%,
cest le pourcentage de médecins américains syndiqués (45 000)
aujourdhui. Ce chiffre montre laugmentation de ladhésion
des médecins à de véritables syndicats de défense de leurs intérêts :
en effet, jusquen 1980, ceux-ci adhéraient principalement
aux grandes associations fédérales, telles que lAmerican
Medical Association (AMA), qui tiennent à la fois lieu de conseils
de lordre et de sociétés savantes. Les médecins sorientent
cette fois ci vers des " Unions " (syndicats
de travailleurs au sens strict) ou des syndicats spécifiquement
médicaux : ils nétaient que 25 000 il y a deux ans à
adhérer à ce type de formations.
Ceci
reflète le mécontentement croissant des praticiens, envers les administrations
dune part et envers les HMO dautre part. La Californie
vient ainsi de connaître ladhésion en masse des médecins et
dentistes de santé publique de Los Angeles à lUnion of
American Physicians and Dentists (UADP, affiliée à la Service
Employees International Union), poussant ladministration
du Comté à entamer des négociations sur leur rémunération, jugée
trop faible par rapport à ceux de leurs confrères en cabinet privé.
Le
Managed Care provoque des situations de crise : les médecins
acceptent de moins en moins les économies qui leur sont imposées
par les HMO et laccès limité au spécialiste. Cette limitation
conduit parfois les généralistes à dispenser des soins pour lesquels
ils ne sont pas compétents. En cas de défaillance pourtant, ni les
HMO ni les hôpitaux ne se retournent contre les fautifs, par crainte
de procès et du fait que leur propre responsabilité est évidente.
Les litiges sur la rémunération engendrent de sérieux problèmes :
des cas de décès dus au refus des médecins de se rendre au chevet
de patients ont été recensés à Los Angeles. Enfin, laccès
aux soins des patients insolvables devient également un problème :
les médecins qui veulent les soigner quand même exigent parfois
dêtre rémunérés à lavance, et à lextrême même,
lors de la prise en charge durgences.
Ce
mécontentement sest accompagné dune relative désaffection
des grandes associations de médecins, telle que lAMA, inquiète
dailleurs de ces crises et des menaces de grèves, qui posent
des problèmes déthique. Cependant, lors de sa dernière convention
à Chicago, ses 494 délégués ont voté à une large majorité pour la
constitution immédiate dune organisation à léchelon
national destinée à les représenter dans les négociations avec les
assureurs. Cette décision navait pas reçu laval du conseil
dadministration de lAMA, mais la base la imposée,
dénonçant une certaine " inertie " de cette
organisation trop traditionnelle. Ainsi la plus importante des associations
de médecins américains (291 000 membres, soit 34 % des praticiens
et des étudiants en médecine recensés aux Etats-Unis) se voit elle
aussi désormais impliquée dans la défense des revenus et des intérêts
du corps médical : si ceci sest passé un peu " à
leurs corps défendants ", les dirigeants de lAMA
se veulent rassurants et garantissent que cette défense aura lieu
dans le respect de la déontologie et de lintérêt des malades.
Même si elle a été " obligée " de se rallier
à cette cause, lAMA offre une alternative à une syndicalisation
médicale débridée et jugée dangereuse.
Le
contraste entre les situations française et américaine est révélateur
des différences de lorganisation du système de soins. Aux
Etats-Unis en effet, les organisations scientifiques et " ordinales "
existent depuis longtemps et ont toujours eu un grand crédit, faisant
ainsi office dorganisations professionnelles : la création
de formations syndicales de " travailleurs médicaux "
est tardive, dans un cadre où les médecins nont pas eu, jusquà
présent, à revendiquer leur particularisme et leurs intérêts face
à ladministration ou à dautres instances (les assureurs
notamment). Les syndicats médicaux français 1
ont en revanche largement précédé, dès la fin du XIXè siècle, la
création du Conseil de l'Ordre (qui ne date que de la dernière guerre) :
ceci fait partie intégrante de la constitution du " corps " médical
français, très vite organisé pour défendre ses conditions de travail
et de rémunération, la création dune instance ordinale ayant
pendant longtemps buté sur le vieux conflit entre " luniversitarisme "
hospitalier et la médecine libérale. Les divergences actuelles sur
loption médecin-référent montrent le poids des différents
acteurs dans la définition dune filière de soins à la française :
une option soutenue par le payeur principal, critiquée par lOrdre
qui craint une division du corps médical, et qui fait lobjet
de larges dissensions entre les syndicats professionnels.
(1)
Il nexiste pas de données
synthétiques sur le taux de syndicalisation en France, cependant
on peut estimer que 10 à 20 % des médecins libéraux adhèrent aujourdhui
aux principaux syndicats représentatifs. Les syndicats sont dits
représentatifs pour les omnipraticiens dune part et des spécialistes
dautre part, lorsque leurs adhérents représentent 5% des médecins
des catégories auxquelles ils appartiennent. Les syndicats concernés
sont : MG-France,
la CSMF, la FMF,
le SML et lUCCSP.
Réagissez
à cet
article
Découvrez tous
les autres Chiffres du mois.
15
juin 1999
|
|
|