Réforme
du système de santé :
le débat escamoté
Laurent
ALEXANDRE
Le débat sur les ordonnances Juppé
a été loccasion de discuter sur la répartition de lenveloppe
de dépenses de sécurité sociale. Désormais, les parlementaires décideront
du volume socialement juste (à leurs yeux) des dépenses de santé.
Ce mouvement modifie radicalement les centres de pouvoir et de décisions
dans notre système de santé. La CFDT devient toute puissante au
détriment de Force Ouvrière, qui est marginalisée de façon spectaculaire.
De nouveaux réseaux de pouvoir sorganisent autour de personnalités
nouvelles parfois très fortes comme le président de la CNAM, Jean-Marie
Spaeth. Ce changement du centre de gravité syndical nest pourtant
pas le point le plus important pour lavenir des professionnels
de santé.
Les médecins y ont vu linstrument
dune maîtrise comptable. Un point essentiel est bien sur la
répartition de lenveloppe entre les différents compartiments
du système de santé.
Jacques Barrot a tenté de rassurer
les praticiens en indiquant que les sacrifices seront équitablement
répartis. Le problème est que la structure de la production de soins
se déforme au détriment de la rémunération des praticiens.
Un point a été cependant passé sous
silence : comment se répartira cette enveloppe à moyen terme,
non plus entre la ville et lhôpital mais entre les soignants
et les administratifs au sens large du terme. Les acteurs ont tout
simplement oublié que nous assistons à une transformation radicale
de la production de soins et donc de la rémunération des différents
producteurs.
En fait, la rémunération de la production
de soins seffectue sous deux formes : la rémunération
de la production directe de soins et la production de management.
Dans le monde entier, nous assistons aujourdhui à évolution
rapide de la structure de la rémunération de la production de soins.
La part de la production et de la gestion dinformation augmente
considérablement au détriment de la rémunération des professionnels
et notamment des médecins.
La mise en uvre des réformes
de structures va se traduire par des dépenses importantes et justifiées
dévaluation. Le renforcement des départements dinformation
médicale (DIM) pour le PMSI, les agences daccréditation, lélaboration
de référentiels, tous ces processus vont être très coûteux. La France
nest pas une exception, laugmentation des coûts dorganisation
de la santé est vécue par tous les pays. La mise en place des ordinateurs,
des lecteurs de cartes à puces, qui sont bien sûr nécessaires, simputent
là encore sur lenveloppe santé votée par le parlement.
De même, lorganisation de la
FMC et son renforcement se traduiront par une augmentation des dépenses
significative.
Les
revenus des médecins baissent, ceux des gestionnaires
et des informaticiens montent.
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La capacité des médecins à conserver
leur pouvoir dachat dépend en définitive largement de leur
capacité à réaliser eux-mêmes les tâches de gestion pour éviter
que lenveloppe nationale de santé ne soit accaparée progressivement
par les gestionnaires et les informaticiens. Cela veut dire quil
est nécessaire que les praticiens soient au cur de la politique
dévaluation, daccréditation et dorganisation des
systèmes dinformations. La maîtrise des bases de données,
lorganisation de la coordination des soins doivent être des
tâches dans lesquels les praticiens devront sinvestir directement.
Cest à ce prix que le pouvoir dachat des soignants pourra
être maintenu à un niveau qui nest pourtant déjà pas enthousiasmant.
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15
novembre 1996
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