Le
coût des procédures
Laurent
ALEXANDRE
Les études
médico-économiques doivent permettre de faire des choix non seulement
économiques mais aussi stratégiques. Ainsi, les variables mesurées
doivent-elles être bien identifiées en fonction du décideur à convaincre.
En effet, les critères de choix peuvent différer entre un gestionnaire
d'établissement et un assureur, par exemple en fonction des modalités
de tarification. C'est pourquoi les apports économiques d'une procédure
de soins peuvent être mesurés de différentes manières selon le point
de vue où l'on se place.
Ainsi,
un hôpital public français sous budget global sera plus intéressé
par le gain de journées d'hospitalisations ou de temps infirmier
que peut lui faire gagner un traitement que par un bénéfice calculé
en francs. De toute façon, son budget restera identique. De même,
une procédure qui permet de limiter le nombre de consultations de
médecine générale pour prendre en charge une pathologie, n'a guère
de signification exprimée en monnaie en Angleterre, où les praticiens
ne sont pas payés à l'acte. En revanche son expression en coût d'opportunité
est beaucoup plus parlante. Le coût d'opportunité mesure le sacrifice
de moyens concédés à une action, comme par exemple, le temps que
consacre une infirmière à un malade donné au détriment d'autres
patients. Ce coût d'opportunité n'a pas de conséquence monétaire
directe puisque l'infirmière sera de toute façon payée.
L'exemple
suivant illustre l'intérêt que peut avoir, pour les Français, une
étude réalisée aux Etats Unis, si l'on prend la précaution d'analyser
les variables pertinentes compte tenu de notre système de tarification.
Une étude prospective réalisée sur 100 patients, publiée dans l'American
Journal Of Surgery par M.S. Godin était destinée à comparer les
différences en termes de sécurité, d'efficacité, et de coûts hospitaliers
entre l'anesthésie générale et l'anesthésie régionale dans l'endartériectomie
de la carotide. Le gain économique, à efficacité comparable, généré
par l'anesthésie régionale, exprimé en dollars est difficilement
interprétable pour les établissements français. En revanche, la
diminution des durées moyennes de séjour en réanimation et en structure
classique est transposable à d'autres pays. Ce "coût d'opportunité"
évité permet d'évaluer les ressources (lits, temps infirmier) qui
pourront être affectées à d'autres traitements pour permettre une
meilleure prise en charge des patients.
A l'heure
de la maîtrise comptable des dépenses de santé, le raisonnement
en coûts d'opportunité devient indispensable. En effet, dans un
système d'enveloppe fermée, l'amélioration des soins ne peut se
concevoir que par une meilleure répartition des dépenses. En traquant
les gaspillages, il sera possible de réaffecter les ressources limitées,
aux postes de dépenses prioritaires. Ainsi ce type d'études permettra
d'optimiser les procédures cliniques et de conserver voire d'améliorer
la qualité des soins en France.
La mesure
des apports économiques des procédures de soins devient essentielle
à l'heure de la maîtrise comptable des dépenses de santé.
L'étude
prospective de coût efficacité, publiée par M.S. Godin dans l'American
Journal Of Surgery, comparant l'anesthésie générale à l'anesthésie
régionale dans l'indication d'endartériectomie de la carotide montre
un coût moyen de 4 547$ pour l'anesthésie générale et de 2 067$
pour l'anesthésie régionale, avec des indicateurs de mortalité et
de morbidité identiques. Ce gain de 2 480$ par hospitalisation est
peu parlant pour les hôpitaux français. En revanche, le gain est
également exprimé en journées d'hospitalisation dans différents
services. Cela permet de se faire une idée plus précise du bénéfice
qu'apporterait un développement de l'anesthésie régionale en France.
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15
février 1997
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