" Les
réseaux dans tous leurs états "
(3è
partie)
Demande de reconnaissance et de simplification
administrative
A plusieurs
reprises, les participants ont exprimé les mêmes préoccupations.
La multiplicité
des financeurs suivant les types de problèmes (chômage, sida, toxicomanie
)
est un problème souligné par tous. Les médecins qui cherchent des
fonds ne savent pas à qui sadresser. Chaque institution demande
des comptes pour évaluer la bonne utilisation de ses financements.
Le discours
des autorités qui souligne la bonne volonté des médecins engagés
dans les réseaux est ambigu : le " ne vous institutionnalisez
pas " de Bernard Kouchner dans son discours
douverture a parfois été compris comme " les comptables
ne sont pas prêts à faire des réseaux ". Plus de simplicité
administrative, plus daide ont été des demandes récurrentes.
La sauvegarde de lindépendance était mise en avant par certains
médecins. Le forum " quels financements pour les
réseaux " a permis dapporter des éléments de réponses
à ces préoccupations.
Quelle place pour les réseaux dans le système
de soins ?
-
Mme
Dupré (DH), dans une perspective synthétique, a séparé
lapproche macroéconomique des questions microéconomiques.
Le Haut Comité de Santé Publique et le Rapport Stasse ont réclamé
la " fongibilité des enveloppes " :
les financements hospitaliers et ambulatoires doivent être regroupés
afin que les promoteurs de réseaux puissent déplacer les sommes
vers les postes de coût les plus efficaces. A défaut, ils devraient
pouvoir bénéficier des économies quils génèrent si elles
sont démontrées. Mais cette perspective semble aujourdhui
hors de portée, et en tout état de cause la commission Soubie
ne sen est pas emparée. Le financement concret des réseaux
pose au quotidien dautres questions. Plusieurs réalités
sont à financer : la coordination des soins, les " plus "
de la prise en charge, le système dinformation, la formation.
A terme, le fonctionnement de lhôpital peut être plus
ou moins modifié par la mise en place des réseaux. Dans un scénario
extrême, on assisterait à un éclatement de lhôpital, divisé
entre plusieurs départements qui appartiendraient à des réseaux
différents. On pourrait aussi imaginer un hôpital gestionnaire
de réseaux, une plate-forme sanitaire contractant avec les médecins
de ville. Dans limmédiat, les promoteurs de réseaux doivent
apprendre à faire des budgets prévisionnels, à se fixer des
objectifs professionnels, à établir des critères dévaluation,
à articuler les différentes attentes des financeurs (conseils
généraux, communes
). Ils doivent se positionner comme
des réseaux précarité, ou pathologie, mais ne peuvent pas ambitionner
dêtre des polyvalents totaux de loffre de soins.
Répondant à une question de la salle, Mme Dupré a concédé que
les hôpitaux pouvaient aujourdhui être tentés de capturer
des patients pour obtenir de meilleurs indices dactivité
(mesure PMSI). Deux
logiques de sens contraire saffrontent dans une période
de réorganisation, et les ARH
devront juger de ce qui est utile pour la population.
-
Mme
Osselin (Cnam) a énoncé les exigences de la Cnam lors
de l'étude des dossiers destinés au Comité Soubie. Elle a notamment
rappelé quun équilibre financier était requis à moyen
terme. Actuellement la Cnam a reçu 120 projets, 60 sont en cours
daboutissement. Répondant à une question de la salle,
Mme Osselin a trouvé injuste de dire que les autorités ne prennent
aucun risque en multipliant les critères dagrément, puisque
les payeurs vont financer des actions de prévention, déducation
du patient et de formation quils ignoraient jusquici.
Par ailleurs, la Cnam a écrit au ministère pour réclamer la
fongibilité des enveloppes.
-
M
Caniard (Mutualité
Française) a rappelé les grands choix qui doivent être faits
pour rénover loffre de soins et permettre le développement
des réseaux : progression des nomenclatures vers une meilleure
prise en compte des " actes intellectuels ",
passage du " soin " à la " santé ",
fongibilité des enveloppes. A lheure actuelle, par exemple,
les complémentaires nont pas dintérêt financier
à maintenir les personnes âgées à domicile.
Les centres de santé comme réseaux de soins
Deux interventions
ont eu pour objet de montrer que les centres de soins parvenaient
assez bien à mettre en place ce que les réseaux recherchaient :
coordination des soins, accessibilité pour le patient, éducation,
prévention
-
M
Zamichiei (Mutuelles de France) a exprimé sa crainte
dun risque dinstrumentalisation des réseaux par
des acteurs privés (projet Axa
par exemple). Pour lui, les Centres de santé sont des réseaux
depuis longtemps. Néanmoins, la création du Fonds daide
à la qualité des soins de ville représente un pas en avant :
il est nécessaire de mettre de largent dans lorganisation
même du système et il est urgent aujourdhui, indépendamment
des solutions de fond qui doivent être trouvées pour lensemble
du système, de sauver les réseaux qui meurent.
-
M
Drielsma (Fédération des Maisons Médicales Belges)
a rendu compte de lexpérience des Maisons médicales belges.
Elles constituent un premier étage de soins, avant lhôpital
général et lhôpital spécialisé auxquels les patients peuvent
conserver un accès direct sils le souhaitent. Tous les
professionnels de santé sont représentés dans ces Maisons. Celles-ci
reçoivent un forfait mensuel par patient. Créées au début des
années 1980, elles couvrent aujourdhui 0,5 % de la population.
Leurs traits caractéristiques résident dans laccessibilité
financière pour le patient, et le fonctionnement sur capitation
utile pour les actes de prévention.
Les réseaux à la croisée des chemins :
entre pratique communautaire et régime juridique unifié
-
M
Bremon (Groupe Image) a dessiné un plan en quatre dimensions
pour établir une typologie des réseaux et des enjeux institutionnels.
Laxe horizontal exprime un balancement entre une position
" technocratique " ou "communautaire ".
Laxe vertical passe de la prise en charge des " soins "
à la prise en charge de la " santé ". Si
on se place dans le cadran technocratique et soins, on réfléchit
à une meilleure nomenclature, à des honoraires modulés, aux
groupes homogènes de malades, aux types dorganisations
qui peuvent gérer les réseaux. La partie technocratique et santé concerne
la promotion de la prévention .
-
La
moitié communautaire pose la question du financement des réflexions
que mènent les professionnels de santé eux-mêmes sur leurs pratiques,
les savoirs, les besoins de santé
La plupart des réseaux
sont du côté communautaire. Il sagit donc de financer
les temps de rencontre et de réflexion commune. Dans cette perspective,
le Rapport Stasse mettait justement en avant lapprentissage
organisationnel des professionnels. Pour M Bremon, lurgence
est moins dans la réforme des modes de rémunération ou de la
nomenclature, que dans le financement de ce travail communautaire.
La Commission Soubie est " trop loin ",
elle devrait être remplacée par des " commissions
communautaires régionales ".
-
M
Larcher (DGS) a repoussé cette vision trop dichotomique.
Les ORS et le RNSP
essaient par exemple de mieux connaître les besoins en se plaçant
du côté de la santé. Dautre part, les réseaux communautaires
cherchent à rejoindre les institutions et à être reconnus. Le
Fonds daide à la qualité des soins de la loi de financement
de la sécurité sociale débouchera dans quelques mois sur un
régime unifié des réseaux et de leur financement, ce qui devrait
faciliter leur développement. Une circulaire définissant un
cahier des charges pour les réseaux va bientôt paraître.
A court
terme, ces réseaux ne sont pas synonymes de fongibilité des enveloppes.
Ils ne sont pas des " polyvalents totaux de loffre
de soins ", ils nentraînent pas léclatement
de lhôpital (pour ce dernier, ce sont les décisions de restructuration
et de regroupement qui importent). Ils prennent en charge certaines
pathologies et font face à la précarité. Leurs membres ont besoin
dune rémunération pour continuer à travailler. Mais les budgets
qui doivent les aider à fonctionner permettront aussi dinnover
dans les systèmes dinformation et les méthodes dévaluation.
Au-delà,
une avancée plus importante vers le " managed care "
(gestion de loffre de soins) nécessiterait des expérimentations
comportant fongibilité des enveloppes et gestion au premier franc
pour une population assez importante.
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