Le
Carvédilol
Laurent
ALEXANDRE
1er
juin 1996
La cardio-économie
devient lenjeu essentiel de la pharmaco-économie. La prévalence
des pathologies cardiaques, la part capitale des pathologies coronariennes
et des insuffisances cardiaques dans les causes de décès expliquent
cette importance. En outre, larrivée de médicaments ayant
démontré un impact fort sur la qualité de vie, la morbidité et la
mortalité inquiètent les tutelles même si le bilan économique global
(en incluant les économies réalisées) peut être positif. Ces dix
dernières années trois catégories de médicaments ont montré une
efficacité majeure dans les pathologies cardiaques : les statines,
les IEC, et aujourdhui les béta bloqueurs de deuxième génération
dans linsuffisance cardiaque.
Une étude
publiée dans le New england journal of medecine par Milton Packer
évalue limpact du carvedilol sur la morbidité et la mortalité
de patients insuffisants cardiaques. 1094 patients qui étaient résistants
au traitement classique de linsuffisance cardiaque associant
la digoxine, les diurétiques et les IEC ont été inclus dans cette
étude randomisée en double aveugle carvedilol versus placébo. Les
patients étaient observés pendant 6 à 12 mois selon la gravité de
leur atteinte cardiaque. Les bénéfices cliniques sont très en faveur
du carvédilol puisque le taux de mortalité atteint 3,2% dans le
groupe traité contre 7,8% dans le groupe placebo. On note également
une réduction de 27% des hospitalisations liées à la pathologie
cardiaque (19,6% contre 14,1%). Il nexiste pas de différence
significative entre les groupes traités par placébo et par carvedilol
en terme deffets secondaires à part les vertiges.
Ces chiffres
permettent une première appréciation des bénéfices économiques de
cette molécule développée par Smith kline beecham et Boehringer.
Les bénéfices réalisés par la baisse des hospitalisations peuvent
être calculés grâce aux résultats de lexpérimentation PMSI
et de la base nationale des coûts. Le coût moyen dune hospitalisation
pour décompensation cardiaque est en France de 30716 francs en CHU,
23000 francs en CHG et 15120 francs en clinique privée. Le coût
moyen, compte tenu de la répartition des malades entre ces trois
types de prise en charge, est de 24500 francs. Sur six mois, la
seule réduction des coûts hospitaliers grâce à lutilisation
du carvédilol atteint 1347 francs en moyenne par patient. Il faudrait
de surcroît, prendre en considération le bénéfice en capital humain
lié à la forte réduction de la mortalité.
Il est
toutefois difficile dévaluer à long terme lavantage
économique de la molécule car le comité déthique de lessai
a interrompu le protocole pour que tous les patients puissent bénéficier
du carvedilol. La réduction des coûts liés au médicament ne peut
donc être calculée au-delà dun an puisque les patients du
groupe placebo a finalement reçu la molécule ; le maintien
sous placebo ayant été jugé non éthique compte tenu des résultats
intermédiaires.
La
cardiologie est la discipline où se développent le plus de molécules
présentant un excellent ratio coût-efficacité. Le carvedilol permet
toutes choses égales par ailleurs de réduire de 27% les décompensations
cardiaques et de 65% le taux de mortalité. Ces chiffres permettent
de classer la molécule parmi les très rares médicaments qui font
réaliser un bénéfice net à la collectivité, avec les anti-tuberculeux,
les inhibiteurs de la pompe à protons, les statines et les IEC...
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