Pourquoi
la santé française doit-elle s'intéresser à la qualité ?
D'après
un article publié dans Forum Qualité Scientifique, Automne 2000,
pp 29-35
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Le
caractère médico-technique de nombreuses activités
médicales
De nombreuses spécialités médicales sont fortement
technicisées. Le rôle des professionnels y est évidemment
fondamental, mais pour une grande part de leur activité,
il dépend de la qualité et de la technologie des équipements.
Ces spécialités sont un terrain propice à la
mise en place de démarches qualité. Elles utilisent
depuis longtemps des concepts industriels (comme la maîtrise
du processus de production ou le contrôle final de la qualité
des prestations). Il est aussi plus facile de maîtriser et
d'évaluer une activité médicale à forte
densité technologique qu'une activité de soin qui
repose exclusivement ou presque sur les hommes.
Le
cloisonnement du milieu hospitalier
L'hôpital est un milieu hétérogène et
cloisonné. Chaque unité de soins est un territoire
différencié et indépendant, sans lien fort
les unissant, sauf pour les services médico-techniques qui
fonctionnent transversalement.
L'analyse des modes de fonctionnement des établissements
de santé montre que la qualité des prestations est
en général satisfaisante au sein d'une unité
fonctionnelle donnée. Les dysfonctionnements apparaissent
souvent aux interfaces entre deux actes, deux tâches, deux
personnes, deux services, provoquant ainsi des pertes de temps,
des gaspillages, des erreurs, des redondances. Ainsi, chacun a l'impression
de bien faire son travail, sans pour autant que l'ensemble fonctionne
efficacement. Les points de non-qualité sont dus à
un défaut d'organisation et son corollaire, un mauvais écoulement
des flux et/ou un mauvais système d'information.
Les processus de soins doivent être réfléchis
en termes d'organisation et de maîtrise de la circulation
et des flux de personnes (patients, visiteurs et agents hospitaliers),
d'informations, de biens, de consommables, de documents et de données
en gérant toutes les interfaces en amont, pendant et en aval
d'un acte ou d'un soin. Pour progresser, il faut décloisonner
l'hôpital. La qualité permet d'évoluer d'une
structure de type cellulaire vers une structure de type réticulaire.
La
nécessaire évolution du management des établissements
de santé français
La santé a vécu longtemps avec un minimum de rationalité,
et sans se soucier de son avenir. Les médecins étaient
concentrés sur l'exercice à court terme de leur métier,
sans s'intéresser à la gestion de leurs services,
ni aux investissements nécessaires. Les structures hospitalières
réfléchissaient peu ou mal à leur devenir et
à leur rôle économique et sociétal.
L'organisation hospitalière traditionnelle est inadaptée.
La prise en charge moderne des patients nécessite flexibilité,
capacité rapide d'adaptation et décloisonnement des
approches. Mais le personnel, à commencer par de nombreux
médecins, reste prisonnier de modes d'organisation aujourd'hui
archaïques, à cause d'une logique professionnelle traditionnelle
solidement ancrée.
Les
interfaces entre les établissements de santé et leurs
fournisseurs
L'hôpital a de nombreux fournisseurs qui ont entrepris des
démarches qualité depuis bien plus longtemps que lui.
Beaucoup sont aujourd'hui certifiés ISO 9000. Les professionnels
de santé doivent être exigeants et rigoureux avec leurs
fournisseurs. Utiliser un référentiel identique au
leur le rend opposable, permet d'harmoniser les relations et les
engagements réciproques, facilite le dialogue, permet de
contrôler le système qualité du fournisseur,
justifie le niveau d'exigence et garantit le sérieux du système
de santé. Il est également difficile d'être
exigeant et crédible vis-à-vis d'un interlocuteur
qui a fait des efforts importants et qui prouve sa performance quand
on ne peut pas faire soi-même la démonstration de sa
propre qualité.
A contrario, les exigences des fournisseurs qui engagent leur responsabilité
en installant un équipement chez un client doivent être
respectées.
La
reconnaissance externe
Les professionnels de santé ont tout intérêt
à prouver leur compétence, la fiabilité de
leur organisation et leur efficience. La certification, l'accréditation
ou la labellisation leur offre la satisfaction d'être reconnus
par une tierce partie indépendante.
Dans un système de soins concurrentiel qui doit fournir la
preuve de sa qualité et de son savoir-faire, les démarches
qualité sont un argument discriminant.
En
somme, les démarches qualité sont un levier managérial
pour les établissements de santé et une source de
progrès et d'amélioration pour tous les bénéficiaires
du système de santé si elles valorisent les qualités
naturelles et l'existant du secteur sanitaire.
Aujourd'hui les démarches qualité sont vécues
comme une contrainte. C'est au contraire une opportunité.
Elles sont une source de développement pour revaloriser l'image,
renforcer la notoriété, améliorer la sécurité
et l'hygiène et de manière plus générale
la qualité des soins. Elles entraînent l'établissement
de santé dans une stratégie gagnant-gagnant-gagnant,
pour lui-même, ses clients et les professionnels qui y travaillent.
Au bout du compte, c'est bien la satisfaction et la confiance des
clients du système de santé qui s'en trouvent améliorées.
Dr.
Hervé Leclet "Sans une implication forte de la direction,
une démarche qualité aura beaucoup de mal à se mettre en place
et aucune chance de perdurer "