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Le NHS en réanimation

Mathieu OZANAM, Laurent ALEXANDRE

30 août 2000
Suite et fin (2/2
)

 

Les grandes lignes de la réforme

Le Premier ministre britannique a dressé fin juillet les grandes lignes d’un plan de réforme de 10 ans d’un montant de 19 milliards de livres. L'objectif est d’amener les dépenses de santé britanniques à la moyenne des pays de l’Union européenne, d’ici 2005. Le recrutement de 2 000 médecins généralistes, 7 500 spécialistes et 20 000 infirmières est prévu. Une centaine d’hôpitaux devraient être créés dans les 10 prochaines années (lire notre brève Le NHS prépare sa réforme ).

Part des dépenses de santé dans le PIB (en %)

1975

1980

1990

1996

Allemagne

9

8,4

8,2

10,5

France

7

7,6

8,9

9,9

Royaume-Uni

5,5

5,6

6

7,2 (1995)

Etats-Unis

8,2

9,1

12,7

14,2

Source : Secrétariat de l'OCDE

Mais selon un sondage mené pour PA News par Medix UK, fin juillet, auprès de 329 médecins, 56% des médecins britannique ne croient pas au plan de réforme du NHS. Plus des deux-tiers pensent qu’elle introduira davantage de bureaucratie et 40% pensent que la disposition visant à réduire le nombre de spécialistes exerçant également dans le privé, conduira à recruter des médecins étranger. Mieux, 8 médecins sur 10 croient que le NHS n’a pas besoin de changement, et 67% ne sont pas d’accord avec l’affirmation selon laquelle le plan amènera la Grande-Bretagne au niveau des standards internationaux des systèmes de santé.

La réforme est l’occasion de débat sur l’avenir du système de santé entre les Conservateurs tenant d’un plus grand recours au secteur privé, et les Travaillistes qui voudraient rester fidèles à l’esprit qui prévalait à la création du NHS, quoique les choses ne soient pas aussi tranchées qu’il y paraît.

Tout d’abord la source de financement. En Grande-
Bretagne, pays ouvert aux théories économiques libérales, le système de santé est étatisé et repose intégralement sur l’impôt. " Une erreur historique qu’aucun autre pays au monde n’a reproduite " pour Michael Portillo, ancien secrétaire d’Etat à la Défense et député conservateur. Les Travaillistes adhérent quant à eux aux propos d’Aneurin Bevan, Secrétaire d’Etat, qui expliquait dans son livre, In Place of Fear (1952), qu’il a choisi de soutenir le financement par l’impôt pour éviter pour éviter de créer de nouvelles inégalités entre citoyens. Les partisans d’un NHS étatisé suggère que l’inorganisation du système de soins pendant l’épidémie de grippe était surtout due à une sous-dotation financière.

Pour les députés travaillistes réunis au sein de la Commission santé de la Chambre des Communes les hôpitaux ne surveillent pas suffisamment l’emploi du temps de leurs praticiens, ne prenant même pas la peine de recueillir les informations sur le nombre d’heures travaillées dans le NHS. Les spécialiste sont en effet autorisés à exercer une activité libérale, à condition que les revenus qu’ils tirent du secteur privé ne dépassent pas 10% des ceux qu’ils perçoivent dans le public (deux tiers d’entre eux bénéficiant de cette disposition).

Les revenus de ces praticiens exerçant à titre libéral étaient en moyenne de 10 790 Livres en 1999, avec de fortes disparités selon les spécialités. Un chirurgien plastique gagnait près de 75 413 Livres, tandis qu’un pathologiste se contentait de 5 000 Livres. A noter que le salaire moyen dans le secteur hospitalier public était de 68 000 Livres.

Les députés travaillistes ayant remarqué que les spécialités les plus lucratives dans le privé sont celles qui connaissent les plus longues listes d’attente, et que les patients attendent plus dans les hôpitaux publics que dans les cliniques, ils laissent entendre que certains médecins maintiendraient délibérément des listes d’attentes afin d’inciter les patients à venir les consulter dans le cadre de leur activité libérale. Ils proposent par conséquent d’interdire aux spécialistes tout exercice en secteur privé.

La British Medical Association a souligné que cette interdiction aurait pour conséquence de faire " fuir les cerveaux " ferait déserter les spécialistes. Le gouvernement devrait plutôt réfléchir aux incitations susceptibles de retenir les meilleurs spécialistes.

Cependant la fracture des partisans public-privé ne se partage pas entre Travaillistes et Conservateurs. Alan Milburn, le secrétaire d’Etat à la santé, préfère envisager de délivrer des primes au mérite à ceux qui travaillent exclusivement pour le NHS. Par ailleurs bien que le NHS demeure étatisé, le recours au secteur privé sera possible dans certains cas pour réduire les listes d’attente. Par exemple les patients dont l’opération aurait été annulée et ne pourrait pas avoir lieu dans le mois qui suit, seront dorénavant adressés à des cliniques. Cette mesure pourrait concerner 60 000 personnes.

Un secteur privé peu développé

Face à ces dysfonctionnements, on pourrait en effet imaginer que les Britanniques se ruent sur le secteur privé. Selon Patrick Collinson du Guardian, même le père de Tony Blair aurait contracté une assurance santé privée. Pourtant, malgré les campagnes de publicité de Bupa, leader du marché avec 2000 sociétés clientes, il n’en est rien. Sur une population de 60 millions d’habitants, ils ne sont qu’environ 12% à avoir souscrit une assurance privée, dont 60% par le biais de leur employeur, et leur proportion serait même en régression. Principale raison, le prix : une assurance santé peut coûter jusqu’à 400 Livres par mois, une somme trop élevée pour nombre de Britanniques. En revanche Alan Millburn a évoqué la possibilité pour le NHS d’avoir une activité lucrative dans ce domaine qui pourrait être appelé NHS Plus, dont les profits seraient réinjectés dans le système. Selon le secrétaire d’Etat, les absences dus à la maladie coûtent chaque année plus de 10 milliards de Livres. Deux trust du NHS, à Walsall et à Reading, vendent déjà des services de santé aux employeurs locaux.

C’est que même si le système de santé britannique est étatisé, il emprunte largement ses principes de gestion au secteur privé dans sa rationalisation des ressources et des dépenses, dans l’évaluation de ses pratiques, dans son organisation générale. Après avoir été responsabilisé par une régionalisation progressive le NHS, l’introduction du quasi-marché marque une nouvelle étape. Les hôpitaux deviennent plus autonomes dans leur gestion financière (lire à ce sujet Le nouveau NHS et L’introduction du quasi marché dans le NHS). Il ne paraît donc pas incongru au secrétaire d’Etat à la santé d’annoncer qu’il pourrait être fait appel aux capitaux privés pour construire de nouveaux hôpitaux.

Les performances de hôpitaux dans leur démarche qualité seront évaluées selon un système de feux tricolores. Les meilleurs hôpitaux qui obtiennent de bons résultats sanitaires, des temps d’attente les plus courts recevront un " feu vert ". Ils seront gratifiés d’une plus grande autonomie, de sources de financement supplémentaires et pourront reprendre la gestion des hôpitaux en perte de vitesse. En revanche les hôpitaux dans le rouge seront ceux qui ne réussiront pas à atteindre les objectifs nationaux. Ils devront mettre en œuvre un plan de rattrapage et seront inspectés tous les deux ans par la Commission pour l’amélioration de la santé. Le cas échéant ces mauvais élèves seront pris en charge par de nouveaux membres de direction.

Le système sera lié à un fonds national de la performance (National Health Performance Fund) doté de 500 millions de Livres qui sera réparti régionalement. L’argent sera réparti entre les hôpitaux mais les directeurs seront encouragés à distribuer ces ressources supplémentaires sous la forme de bonus aux équipes de soins.

Les mauvais résultats sanitaires du NHS sont dus à l’insuffisance de ses financements, mais loin de remettre en cause son étatisation ou l’adoption des outils de gestion du secteur privé, la réforme persiste dans cette troisième voie originale.



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30 août 2000

 


 

 
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