Le
rapport HANNOUN sur les industries de santé en France :
Les pouvoirs
publics doivent améliorer l'environnement des industries de santé
; celles-ci n'ont pas aujourd'hui une taille suffisante
Hervé
NABARETTE
17 novembre
1997
Le Dr Michel Hannoun, ancien député
RPR, avait été chargé par le gouvernement dAlain Juppé dans
le cadre d'une mission parlementaire, détablir un rapport
sur lavenir des industries de santé. Il a remis ce rapport
à Jacques Barrot, à Hervé Gaymard et au nouveau gouvernement au
mois d'octobre 1997.
Michel Hannoun a structuré sa réflexion
autour de quatre secteurs principaux :
-
l'industrie pharmaceutique
-
les entreprises du
génie biomédical
-
les industries du
diagnostic in vitro
-
l'informatique
médicale
Pour l'auteur, "à
lexception de lindustrie pharmaceutique, les industries
de santé ont fait longtemps lobjet dun manque flagrant
dintérêt des pouvoirs publics". Il s'agit de faire de
ce secteur une "priorité nationale", faute de quoi il
risque de péricliter. Les réformes proposées sont animées par un
double souci : "renforcer les aspects touchant à la sécurité
sanitaire et proposer une réfome du cadre réglementaire de ces industries".
Les
enjeux
La technologie occupe
une place croissante dans le système de santé français :
-
elle
occupe une part importante des dépenses de santé : "La
somme des marchés français du médicament du génie biomédical,
du diagnostic in vitro et de linformatique de santé représente
déjà près de 160 milliards de francs, soit presque le quart
de la consommation médicale totale".
Il faut aussi y ajouter les 70 milliards de francs que représentent
les coûts de fonctionnement des équipements. Les emplois concernés
sont au nombre de 100 000, dont 80 000 dans l'industrie
pharmaceutique.
La place croissante
accordée aux nouvelles technologies de l'information dans tous les
secteurs de la santé constitue un progrès
certes inéluctable du point de vue technologique, mais surtout souhaitable
en termes de qualité des soins (traitement de pathologies
autrefois incurables ; amélioration du confort de certaines thérapies
; réduction de certains coûts : exemple des stimulateurs cardiaques
qui réduisent le risque d'infarctus).
Dans ce secteur, la taille et la présence internationale des entreprises
constituent les conditions indispensables du succès, du fait des
montants financiers très importants consacrés à la recherche et
développement. Or, la première entreprise française (Rhône-Poulenc-Rorer)
figure à la 11ème place mondiale dans le domaine du médicament,
la 12ème place dans le secteur du diagnostic in vitro
et la 40ème place dans le génie biomédical.
La France accuse également du retard
dans ladaptation de ses structures au nouveau rôle que joue
la technologie.
Par exemple, "alors que du bon usage des équipements dépend
de plus de plus la maîtrise de la dépense de santé, la réglementation
tarifaire néglige encore par trop lanalyse coût-efficacité,
la négociation prix/volumes avec lindustrie... et elle nincite
pas au choix du produit le plus adapté : le budget global de lhôpital
a favorisé lachat des produits les moins coûteux, quelles
que soient leurs autres caractéristiques ; la procédure du TIPS
au contraire est souvent surévaluée et conduit à la sélection des
produits les plus performants, quel que soit leur coût".
Les pouvoirs publics
peuvent jouer un rôle important pour conjurer la menace de déclin
car ils contribuent à définir l'environnement de ces industries
(règles sanitaires, listes et prix des médicaments remboursés, financement
de la recherche publique...)
Le médicament
La rentabilité de lindustrie
pharmaceutique opérant en France est satisfaisante par rapport à
la moyenne des autres secteurs industriels (5% après impôt). Mais
elle est de très loin inférieure à celle de lindustrie pharmaceutique
mondiale (plus de 10% après impôt aux Etats-Unis, environ 10 % au
Royaume-Uni).
Or il faut aujourd'hui 1,5 milliard
de francs pour développer une molécule et les budgets de RD sont
en constante augmentation (13 % du chiffre d'affaires actuellement
en France, 8 % en 1970).
La France a connu un déclin relatif
de sa recherche : sur les 259 nouvelles molécules lancées au cours
des cinq dernières années, 10 seulement ont été mises au point dans
l'hexagone. Les nouvelles molécules françaises connaissent par ailleurs
un problème de diffusion puisque relativement peu sont devenues
des "molécules mondiales".
En réalité, les entreprises françaises
du secteur sont trop petites pour concurrencer les firmes étrangères.
Michel Hannoun propose certaines mesures
dont :
-
la création d'une délégation
interministérielle : le délégué serait linterlocuteur
unique des industriels des industries de santé, qui souffrent
aujourdhui de lémiettement de leurs correspondants
administratifs ; il serait responsable de lélaboration
de la stratégie française et de la coordination des actions
publiques ;
Le génie biologique et médical (GBM)
Le GBM regroupe :
-
le matériel orthopédique
-
le matériel médico-chirurgical
à usage unique
-
les instruments
-
les appareils
-
l'imagerie médicale
et la radiothérapie
-
le mobilier,
équipement et stérilisation
Le marché français représente 25 milliards
de francs. Il enregistre un déficit de balance commerciale.
Aucune entreprise française ne figure
parmi les grands groupes internationaux. Cette atomisation est un
frein pour la recherche, les économies d'échelle et l'exportation.
Par ailleurs, la recherche apparaît
dispersée et non coordonnée : par exemple, il n'est pas rare de
voir plusieurs CHU financer les mêmes thèmes de recherche, et parfois
auprès des mêmes industriels.
Le rapport propose (outre la création
d'une délégation interministérielle abordée plus haut) :
-
une profonde réforme
du tarif interministériel des prestations sanitaires
(TIPS), dont le système devrait sinspirer des pratiques
en matière de médicament : les prix et les bases de remboursement
devraient être définies matériel par matériel, en tenant compte
des performances, et ces prix devraient être révisés plus fréquemment
pour tenir compte des évolutions techniques et des conditions
de production ;
Le diagnostic in vitro (DIV)
Les industries du DIV regroupent les
sociétés qui développent, fabriquent
et commercialisent les produits (réactifs) et matériels utilisés
par tous les laboratoires d'analyses médicales publics (hôpitaux
notamment) et privés, les centres de transfusion sanguine et les
centres de lutte contre le cancer, et ce pour
l'analyse du sang, des urines, du liquide céphalo-rachidien
etc, afin de diagnostiquer ou prévenir les maladies et de suivre
les traitements mis en oeuvre.
En 1995, le marché français représentait
5,9 milliards de francs. La France est relativement plus impliquée
que les autres pays européens dans la microbiologie. Mais le marché
stagne aujourd'hui, essentiellement du fait de la politique de maîtrise
médicalisée. Ici encore, les sociétés françaises sont de taille
moyenne.
Il conviendrait notamment
:
- d'intégrer le DIV dans le champ
d'action de la délégation interministérielle chargée de
coordonner la politique industrielle et de recherche des industries
de santé ;
- de modifier
la rémunération des actes : "les actes contenant
le plus d'innovation pourraient voir leur base de remboursement
augmentée, de manière à accompagner les efforts de nos entreprises,
l'assurance maladie pouvant réclamer sur les analyses plus standardisées
une part des gains de productivité réalisés depuis de nombreuses
années".
Systèmes d'information médicaux
Comme de nombreux acteurs du monde
de la santé, le rapport Hannoun insiste pour une mise en oeuvre
rapide des dispositifs déjà programmés :
-
prime à l'informatisation
(rôle du SESI,
Sésam-Vitale)
-
cadre juridique
de la cryptologie
-
précision des
conditions dans lequelles les professionnels de santé pourront
se raccorder
au réseau santé-social
-
accélération
de la mise en place du conseil d'orientation des réseaux
et filières...
À moyen terme il convient
de réfléchir à la possibilité de promouvoir le développement d'opérateurs
médicaux. "Indépendants des assureurs et des pouvoirs
publics, ces opérateurs auraient pour fonction de gérer les nouvelles
missions assignées au corps médical (coordination des soins, codage,
tenue des dossiers médicaux, gestion de l'équipement informatique...)".
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17
novembre 1997
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