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Claude Le Pen

Les habits neufs d’Hippocrate
Du médecin artisan au médecin ingénieur 1999

Hervé NABARETTE

15 décembre 1999
Suite et fin (3/3)

Le généraliste et le régulateur

Le "médecin référent" est représentatif de la nouvelle organisation du système de santé : lien financier direct avec le payeur, élément de capitation, liberté de prescription entamée (quota de génériques)… Néanmoins, Claude Le Pen s’attache à montrer que les médecins généralistes ne doivent pas attendre une revalorisation financière ou statutaire de cette réforme.

En réalité, la rémunération des généralistes dépend de paramètres structurels dont l’effet ne peut être gommé par l’instauration du passage obligé par le généraliste.

D'une part, la perte relative du pouvoir d’achat des généralistes par rapport aux spécialistes provient de leur type de production. La tutelle peut contrôler le prix du temps que vend le généraliste. En revanche, elle contrôle moins la rémunération de la technique utilisée par le spécialistes.

D’autre part, la baisse de la rémunération individuelle des généralistes ne s'explique pas uniquement par la concurrence avec les spécialistes. La hausse du nombre de généralistes entraîne une hausse moins que proportionnelle de l’activité. Le passage obligé ne serait donc pas une solution miracle pour le revenu des généralistes, mais Claude Le Pen admet que cette réforme pourrait avoir d’autres fondements.

L‘enjeu est en réalité celui des soins primaires. Le Gatekeepers du NHS en Grande-Bretagne est autant un agent de santé publique qu’un médecin délivrant des soins privés à ses patients. Agent du premier soin (primary care), il est aussi rémunéré à la capitation et très impliqué dans la gestion du NHS.

La notion de soins primaires n’est pas familière à la France. La Sécurité sociale a la responsabilité des soins curatifs, tandis que la prévention est censée revenir à l'Etat et aux départements. Les missions de "soins primaires" sont réparties entre des acteurs, des budgets et des institutions différentes.

La responsabilité des médecins en matière de santé publique dépend d’un ensemble de facteurs culturels, de l’implication des médecins dans la gestion et du sentiment d’appartenance à une organisation structurée.

Aux Etats-Unis, le gatekeeper est moins bien admis par les patients car il est trop souvent utilisé pour rationner les soins dans le cadre du managed care. Il est partiellement remplacé par des techniques de gestion de la demande et des populations, et par la sélection et le contrôle des spécialistes.

Pour la France, le véritable enjeu est donc celui du développement des soins primaires et des missions de santé publique. Il passe par la mise en place d’une rémunération au forfait, le travail de groupe, une plus forte coopération verticale…

Privatiser la santé

L’auteur décrit le projet de réseau de l’assureur AXA, et rappelle tous les enseignements qui pourraient être tirés si l’expérience était tentée. Le débat sur la "gestion au premier franc" a fait émerger une revendication des caisses publiques qui désirent une plus grande autonomie de gestion. Mais jusqu’ici, l’Etat n’a pas su la leur accorder.

En soi, la méthode des enveloppes n’est pas forcément condamnable, mais les options choisies en France sont inefficaces. Un budget global doit englober les dépenses remboursées et non remboursées : pour des raison d’équité (on évite de reporter des dépenses dans les dépenses non remboursées), d’efficacité (on évite les distorsions de prix)… Au passage, on remarquera que cette idée rejoint celle souvent exprimé par Gilles Johannet dans son dernier livre " Sécurité sociale, l’échec et le défi ". Ensuite, l’évolution des enveloppes doit suivre une procédure mixte, en se calant d'une part sur des critères objectifs et d'autre part sur des négociations avec les professions médicales. En France, le budget "tombe du ciel". Enfin, la logique économique commande de distinguer une fonction d'allocation des ressources et une fonction de gestion : un budget large autorise les substitutions entre modes de prise en charge, tandis qu’un budget propre à chaque catégorie permet de contrôler la performance des différents groupes. Ce principe n’est pas respecté par les "enveloppes sectorielles", susceptibles de provoquer des rationnements et de freiner la restructuration de l’offre de soins.

La nécessité d’une véritable gestion du risque impose de mieux distinguer la régulation qui incombe à l’Etat et la production qui doit être assumée par un ou des organismes bénéficiant de l’autonomie de gestion. Force est de constater l’échec du modèle français, en matière de santé publique, de réponse à la précarisation, de gestion de l’offre de soins…

Selon Claude Le Pen, il serait dangereux de développer le managed care avec un assureur monopoliste, principalement parce qu’il y aurait tension entre l’universalité de sa mission de service public et la condition d’une gestion du risque efficace, la sélectivité (des offreurs, des médicaments…).

Devant les dangers du "managed care monopolistique d’Etat" qui aboutirait à faire émerger une puissance bureaucratique difficilement contrôlable, l’auteur se prononce pour la fin du monopole de gestion de l'assurance santé et la concurrence entre des réseaux de soins gérés par des mutuelles, des assurances privées…

A ce stade, on peut regretter que l’auteur ne développe pas plus des scénarios qui auront certainement la préférence des pouvoirs publics, au moins à court terme : régionalisation de la gestion, potentiellement couplée avec des réformes structurelles comme la forfaitisation du médecin généraliste…

Au-delà du gaspillage, le choix

Mais au-delà du "paradigme du gaspillage" qui caractérise la France et des choix qui seront faits pour améliorer la gestion du risque, des questions redoutables demeurent sur les dépenses que la société acceptera de financer dans le futur.

L’effet cumulé du vieillissement et de la médicalisation nous fait entrer dans le "paradigme du choix". Face à la très forte hausse des coûts qui s’annonce, nous devrons sélectionner les besoins qui méritent une prise en charge collective.

Le Programme Medicaid (pour les pauvres) de l’Etat de l’Oregon repose sur une liste de prestations remboursées, les prestations hors liste devenant de fait inaccessible aux patients. La liste a été établie suite à une étude coût-efficacité de chaque intervention (l’efficacité étant mesurée en termes d’années de vie gagnées), ce qui a permis de les classer par ordre d’intérêt décroissant. Un sondage auprès de la population a aussi été pris en compte pour établir la liste. [Pour en savoir +, cliquez ici]

Ce paradigme du choix constitue la prochaine étape de l’industrialisation de la médecine. Il est synonyme de transparence et nécessite le développement de nouvelles formes de morale collective (débat public, vote, pédagogie sur les critères médico-économiques…).

On peut ajouter que si les dépenses médicales voient effectivement leur coût augmenter fortement, les questions de redistribution entre riches et pauvres, et entre bien portants et malades se poseront d’une façon de plus en plus aiguë.



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15 décembre 1999

 


 

 
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Claude Le PenClaude Le Pen est professeur de sciences économiques à l'université de Paris-Dauphine. Il est également expert auprès de nombreuses institutions publiques et consultant pour des sociétés privées.

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