Que
faudrait-il faire pour stopper
la paupérisation des libéraux ?
Laurent
ALEXANDRE
10 octobre
1996
Léconomie
de santé est la science de la répartition des ressources consacrées
à la santé. Elle vise à répartir largent de la manière la
plus rigoureuse de manière à soigner de la meilleure façon la totalité
de la population. Cela est particulièrement important en période
de crise économique puisque les recettes sociales, largement liées
à la masse salariale, se contractent. Notre pays a choisi lanti-économie
de santé. En effet, les comparaisons internationales montrent que
notre pays souffre dune allocation de ressources caractérisée
par des inégalités majeures. Lhôpital consomme 49% des ressources
contre 35 à 40% dans les pays les plus évolués. Nous conservons
donc une approche hospitalo-centrique. Le poids de lhospitalisation
est tel que léquilibre macro-économique ne se réalise que
grâce au freinage de la médecine de ville.
Cette situation
présente deux inconvénients majeurs. Dabord, elle bloque lémergence
de structures de prise en charge ambulatoires innovantes. Le coût
de certaines structures est tellement élevé que la collectivité
ne dispose plus de ressources nouvelles pour développer les innovations
comme lHAD. Dautre part, elle conduit en période de
ralentissement économique à la paupérisation des libéraux. Un piège
macro-économique se referme sur les libéraux parce quils sont
le lobby le moins puissant : que pèsent les praticiens face
aux députés-Maires présidents des conseils dadministration
des hôpitaux ?
Un calcul
simple montre que la suppression des gâchis hospitaliers par lamélioration
de la productivité des structures les moins performantes permettrait
de dégager, à moyen terme, une cinquantaine de milliards de francs
pour la médecine de ville. Il est en effet possible de réduire les
écarts les plus criants en 5 à 7 ans. On pourrait, par exemple,
exiger que les écarts de coûts, à mission équivalente, ne dépassent
pas 30%, contre 300% aujourdhui. Cela suppose bien sûr que
la gestion et la politique des ressources humaines hospitalières
puissent évoluer vers un modèle adapté à la production hospitalière.
Les techniques manageriales de laprès-guerre avec le système
de corps et la comptabilité publique inadaptée doivent être changées.
Certes,
ces décisions sont bloquées pour des raisons politiques. Pourtant,
la paupérisation des libéraux nest pas inéluctable :
elle est liée au choix des pouvoirs publics de ne pas restructurer
lhôpital. La montée en puissance des agences régionales de
lhospitalisation mettront peut-être fin à cette démission.
La nomination dhommes de grand talent comme Dominique Coudreau
à la tête de la plus grosse agence (Ile de France) témoigne dune
volonté de moderniser lhôpital. Encore faut-il que les directeurs
dagence puissent se servir du PMSI pour piloter la restructuration,
ce qui nest pas certain, et quils ne soient pas abandonnés
en rase campagne par lEtat à la première fermeture de maternité
dangereuse comme les harkis ont été lâchés en 1962.
Le
coût d'une appendicectomie non compliquée
Les expériences
de comptabilité analytique réalisée depuis 5 ans dans le cadre des
expérimentations du PMSI permettent de connaître le coût des principales
prises en charge dans les différentes structures. Les résultats
montrent des écarts supérieurs aux prévisions les plus pessimistes.
Même en corrigeant les chiffres pour tenir compte des coûts des
missions de service public et de lenseignement en CHU, il
persiste des écarts inacceptables au moment où largent manque
pour financer les réseaux de soins de demain. Les disparités de
performance économique sont considérables et représentent un gâchis
de ressources collectives. Les sommes dépensées par les structures
qui nacceptent pas de se moderniser finissent par manquer
dans dautres secteurs du système de santé.
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octobre 1996
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