Le
coût de la schizophrénie
Laurent
ALEXANDRE
1er
mai 1995
L'évaluation
économique d'une pathologie est d'autant plus complexe que celle-ci
revêt des aspects cliniques différents. La schizophrénie en est
un parfait exemple. L'incidence économique de cette maladie qui
touche plus de 1% de la population est encore aujourd'hui mal connue
en France. Elle a bénéficié d'une des trois ou quatre révolutions
thérapeutiques de ce demi-siècle, au même titre que l'ulcère gastrique
ou la tuberculose. La sectorisation, encore controversée par certaines
écoles, a bouleversé la prise en charge des patients. Pourtant,
les seules études économiques en rapport avec la schizophrénie se
contentent de comparer les effets de traitements neuroleptiques.
L'originalité
de la prise en charge en psychiatrie fait que les frontières entre
le sanitaire et le social sont mal définies. Cette spécialité est,
probablement, celle qui a le plus modifié ses filières de soins.
Depuis 1970, la durée moyenne de séjour est passée de 240 jours
à 44 jours. Le nombre de lits a diminué de plus de moitié, de 170
000 à 75 000. La part d'activité du secteur libéral explose avec
une augmentation annuelle de 14% et une progression significative
des prescriptions de neuroleptiques.
La difficulté
d'aborder le point de vue économique de la schizophrénie réside
également dans la disparité des tableaux cliniques. En effet, il
n'est pas possible de comparer les patients catatoniques, paranoïdes
et dépressifs. Les premiers sont pris en charge, en majorité, en
structure hospitalière de long séjour, tandis que les autres seront
plus volontiers suivis par le secteur. Les complications de la maladie
sont souvent délicates à identifier. Les complications infectieuses
dentaires des schizophrènes qui refusent tout soin et contraignent
à des hospitalisations en services de stomatologie peuvent-elles
être imputées économiquement à la maladie?
Toutes
les variables du suivi de la schizophrénie imposent une grande prudence
dans l'interprétation des études médico-économiques. A l'heure où
de nouveaux anti-psychotiques vont permettre une thérapeutique moins
lourde des schizophrènes, il convient d'intégrer dans les futures
études de coût les différents degrés de la pathologie et les disparités
des filières de prise en charge.
Actuellement,
les études épidémiologiques se multiplient pour approfondir les
connaissances sur la schizophrénie qui représente 2,5% des dépenses
de santé et 10% de la population en incapacité totale permanente
(The cost of schizophrenia - Assessing the burden/Rupp-A ; Keith-SJ
; Psychiatr-Clin-North-Am. 1993 Jun ; 16(2) : 413-23). Elles montrent
comme dans la plupart des autres pathologies qu'on est encore bien
loin des prises en charge théoriques. Ainsi, le rapport de Philippe
Cléry-Melin montre des pourcentages de patients pris en charge exclusivement
en ambulatoire variant de 40 à 60% selon les régions. Les conséquences
économiques de la schizophrénie en font un champ privilégié pour
optimiser l'efficacité des traitements médicamenteux. Malgré la
restructuration des filières de soins, des gains de productivité
peuvent encore être dégagés par la thérapeutique.
Réagissez
à cet article
Retrouvez tous
les dossiers en Economie de la Santé.
1er
mai 1995
|