Le
Disease Management en cardiologie
Laurent
ALEXANDRE
1er
avril 1997
Même si
notre pays bénéficie dune protection relative contre les cardiopathies
ischémiques en comparaison des autres pays de lOCDE, près
de 40% des décès y sont imputés à une cause cardio-vasculaire. La
cardio-économie devient donc une partie essentielle de léconomie
de santé. En effet, les pathologies cardiaques notamment ischémiques
sont à lorigine de coûts considérables. Cest pourquoi,
lamélioration des ratios cout/efficacité des prises en charge
en cardiologie devient une préoccupation majeure des économistes.
Le disease
management ou programme de coordination des soins correspond à une
nouvelle forme de prise en charge de la pathologie. En effet, le
disease management sinscrit dans une démarche médicale globale,
intégrant toutes les étapes de la maladie (prévention, diagnostic,
traitement, suivi). Cette démarche implique le patient et lensemble
des acteurs du monde sanitaire (médecins, paramédicaux, structures
hospitalières, laboratoires pharmaceutiques) et permet de prodiguer
aux patients des soins de qualité.
Né aux
Etats Unis, le disease management vise à assurer une meilleure gestion
médicale et économique des soins. La prise en charge de la santé
dun grand nombre de ménages américains est assurée par les
H.M.O (Health Maintenance Organisation) qui sont des réseaux de
soins coordonnés. Kaiser, un des principaux H.M.O., a expérimenté
pendant un an un programme de gestion des facteurs de risques cardio-vasculaires
(tabac, dyslipidémie, exercice physique) chez des patients coronariens
de moins de 70 ans. Ce programme consistait en une éducation du
patient (entretien médical, matériel audiovisuel déducation)
et un suivi régulier par contact téléphonique avec une infirmière.
La coordination était assurée par les médecins généralistes. Les
conséquences médicales de ce programme ont été une meilleure observance
des règles hygiéno-diététiques, un meilleur suivi de lévolution
de la pathologie avec une diminution du nombre et de la gravité
des complications aiguës. Les avantages économiques ont également
été analysés : les contacts téléphoniques ont permis de réduire
le nombre de visites et doptimiser le suivi médical des patients.
De plus, les patients étaient satisfaits du management de leur pathologie
à domicile. Cependant, ce programme na été suivi que par 65
% des patients concernés, le principal obstacle à ladhésion
étant socioculturel.
Cette expérience
illustre lintérêt du disease management dans la prise en charge
des pathologies chroniques, notamment cardio-vasculaires. En effet,
un grand nombre dacteurs du monde médical interviennent à
différents stades de la maladie (prévention, diagnostic, soins).
Un patient coronarien nécessite un suivi médical régulier (évolution
clinique, ECG, renouvellement de traitements), des soins infirmiers,
une rééducation. Le patient peut sinterroger sur sa pathologie
et les conséquences sur sa vie quotidienne. La qualité et la personnalisation
des réponses qui lui sont apportées influe sur sa prise en charge
de sa pathologie. Loptimisation des actions et des demandes
de ces différents acteurs ne peut se concevoir sans coordination.
Tel est lenjeu du disease management. En France, des expérimentations
de réseaux de soins sont encouragées par les ordonnances du plan
de réforme de la sécurité sociale.
Un programme
de coordination des soins est basé sur le partage dinformations
entre les différents acteurs. Le médecin connaît lhistoire
médicale de son patient, linfirmière ou le kinésithérapeute
qui rencontrent plus fréquemment le patient, suivent son évolution
quotidienne. Chaque information recueillie par un acteur peut être
utile aux autres intervenants dans la prise en charge du patient.
Le disease management ne peut donc pas se concevoir sans gestion
de linformation.
Le développement
de réseaux multimédias de type Internet va faciliter la communication
entre les différents intervenants. Le partage du dossier médical
par lintermédiaire des réseaux informatiques est une des clés
de succès des réseaux de soins coordonnés. En effet, les réseaux
informatiques permettent de réduire les coûts de coordination des
différents acteurs.
Le praticien
de ville peut consulter le dossier dhospitalisation de son
patient (par exemple, visionner la coronarographie ou léchocardiographie
de son patient). Il a accès à tout moment à lensemble des
examens complémentaires. Il peut communiquer au référent hospitalier
de son patient, à tout moment, des explorations réalisés dans son
cabinet, demander un avis, vérifier lévolution par rapport
aux examens hospitaliers. En ayant accès au dossier infirmier hospitalier,
la continuité des soins est facilitée pour linfirmière de
ville. Il en est de même pour les kinésithérapeutes. Grâce aux réseaux
informatiques, les relations médecin traitant / paramédicaux sont
améliorées. Toute modification de létat du patient est connue
par tous les acteurs de sa prise en charge. Des actions thérapeutiques
peuvent ainsi être mise en place rapidement. Le patient ayant accès
au réseau, sa surveillance est facilitée. Il peut obtenir à tout
moment une information sur sa pathologie, sur une manifestation
particulière, transmettre, par exemple son ECG. Le médecin traitant
disposant du dossier médical complet peut mieux cibler les actes
à entreprendre : le rassurer ou programmer une hospitalisation.
Un serveur Internet constitue également un moyen de communication
vers les patients et les praticiens. Sur le réseau, des programmes
déducation, de prévention sont à la disposition des patients.
La formation médicale des praticiens peut également être assuré
par le biais des réseaux.
Le disease
management est un processus de prise en charge globale de la pathologie.
En fait, loutil principal du disease management est la gestion
médico-administrative de linformation. Son développement est
donc indissociable du développement des réseaux informatiques. Le
disease management permet en définitive doptimiser la prise
en charge médicale tout en respectant les contraintes financières.
Le principal
avantage économique du disease management provient de sa capacité
à réduire les coûts des complications. Ainsi, le contrôle des paramètres
tensionnels et lipidiques se traduit par une baisse de lincidence
des pontages et angioplasties ainsi que des hospitalisations pour
angor aigu et accident vasculaire cérébral comme lont montré
par exemple des études 4S et Woscop.
Le coût
moyen dun pontage est de 120756 francs, dune angioplastie
de 33351 francs et le traitement médical dun infarctus à la
phase aiguë de 27690 francs. La réduction de lincidences des
complications graves par un meilleur contrôle des chiffres tensionnels
et lipidiques entraîne des économies importantes. Le coût des médicaments
nest pas le paramètre le plus important puisquil est
relativement faible en comparaison des économies réalisées. Il est
donc urgent de passer d'une approche purement comptable de la médecine
à des analyses coût-efficacité permettant de mettre en évidence
l'utilité des thérapeutiques et de l'action médicale.
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