Les
internes :
autopsie d'un conflit
Laurent
ALEXANDRE
Mars
1997
Le conflit des internes révèle les
contradictions du plan Juppé. Comment assurer un développement équilibré
du système de santé en faisant croître au même rythme les dépenses
hospitalières et ambulatoires ? La croissance des dépenses
ambulatoires devient insuffisante pour permettre le développement
des filières de soins ambulatoires. Il est en effet impossible dassurer
le développement de la coordination des soins avec une enveloppe
en croissance de 2 % par an.
Les internes
souffrent de cette situation. On sait que 85% dentre eux deviendront
libéraux. Ils sont donc légitimement inquiets des blocages de notre
système de santé.
Paradoxalement,
66% des médecins hospitaliers approuvent la grève des internes sans
bien réaliser que la satisfaction de leurs revendications supposerait
de transférer des ressources de lhôpital vers la médecine
de ville. En effet, il est devenu impossible daugmenter significativement
lenveloppe totale des dépenses de santé remboursée que vote
le parlement depuis la mise en uvre de la réforme Juppé. La
contrainte macro-économique empêche aujourdhui tout dérapage
des dépenses.
Bien sûr,
les contraintes politiques ont empêché jusquà aujourdhui
la modernisation de lhôpital. Toutefois, la création des agences
régionales dhospitalisation change cette situation. Le patron
de lagence régionale dhospitalisation dIle de
France, Dominique Coudreau, sest ému de ces disparités dans
un discours récent, en soulignant que " la différence
de coût sexplique essentiellement par la façon dont est géré
le personnel. Létablissement le plus coûteux emploie plus
de gens, paie plus son personnel pour une durée hebdomadaire de
travail parfois plus basse, les promotions y sont plus rapides,
le régime des congés payés plus importants ". Le patron
de la plus grosse agence dhospitalisation concluait dailleurs
quune " cure damaigrissement hard "
du paysage hospitalier allait être nécessaire.
Ces propos
tenus lors dune réunion du syndicat interhospitalier dIle
de France témoigne de la volonté des pouvoirs publics de rénover
lhôpital en profondeur. Laffectation des ressources
hospitalières seffectuera en tenant compte de la nature et
des conditions de leur production. Laccréditation par lANAES
et le PMSI permettront cette évaluation quantitative et qualitative.
Si lorientation politique et médicale de la réforme, qui répond
à une tendance historique contre laquelle il est inepte de se battre,
est claire, le rythme de cette réforme suscite des interrogations.
Se fera-t-elle suffisamment vite pour permettre le rééquilibrage
du système de santé vers les prises en charges ambulatoires (hospitalisation
à domicile, chirurgie ambulatoire
) ? Une telle évolution
est pourtant obligatoire si lon souhaite améliorer la qualité
de vie des patients.
Le système des enveloppes est condamné
Un des
points essentiels de la réforme Juppé est de mettre en place une
enveloppe hospitalière et une autre pour la médecine ambulatoire.
Cela ne permet pas de rationaliser la prise en charge. En effet,
le risque de délestage de responsabilité est massif. Les libéraux
ne bénéficient pas des économies quils font réaliser lorsquils
évitent des hospitalisations inutiles. Or, les exemples étrangers
montrent quil sagit de la principale source déconomies
dans le système de santé. Les économies de bout de chandelle sur
le prix dun médicament utile sont dérisoires par rapport au
coût des complications. Il vaut mieux dépenser dans la prévention
de lostéoporose ou de lathérosclérose aujourdhui
que de financer demain des fractures du col du fémur ou des pontages
aorto-coronariens. Mais cela suppose daugmenter lenveloppe
de la médecine ambulatoire
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Mars
1997
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