Une
pharmaco-économie française
l'hépatite
virale
Laurent
ALEXANDRE
1er
février 1995
On estime
à 200 millions les porteurs du virus de l'hépatite B dans le monde.
C'est un problème majeur de santé publique, d'autant que les complications
de cette pathologie sont graves et génèrent des coûts de prise en
charge importants. En effet, un porteur sur quatre développe une
hépatite chronique active pouvant conduire à la cirrhose et au carcinome
hépatocellulaire dont la pronostic reste effroyable.
Le développement
d'un vaccin sans effets secondaires constitue une prévention efficace
contre l'infection aiguë et son passage à la chronicité, réduisant
significativement la mortalité. Si l'apport médical de la prévention
ne fait plus de doute, sa contribution en terme d'économie de santé
est aujourd'hui démontrée à l'étranger.
De nombreuses
analyses économiques ont déjà été réalisées pour évaluer l'impact
économique des campagnes de vaccination avec ou sans dépistage.
Une récente étude européenne démontre qu'une année de vie gagnée
(QALY), en pleine santé, grâce à la vaccination coûte 2000 Livres
anglaises soit 16340 francs. Un coût minime, comparé à celui d'une
année de vie gagnée grâce par exemple aux pontages aorto-coronariens
estimés à 18830£ (153841 francs), aux hémodialyses (19870£, 162337
francs) ou aux traitements chirurgicaux des tumeurs malignes intracrâniennes
(107780£, 880562 francs). Ces coûts sont probablement sous estimés
pour la France où les coûts d'hospitalisation sont plus élevés.
Or, les
coûts de cette pathologie tant directs (incluant les soins et traitements
ambulatoires et les hospitalisations), qu'indirects (baisse de productivité)
sont considérables. En France, on estime à 100 000 le nombre de
nouveaux cas d'hépatite aiguë, dont 4 000 passeront à la chronicité.
Si l'on s'en tient aux seuls coûts directs hospitaliers, une hospitalisation
pour hépatite aiguë coûte entre 17 et 21 000 francs dans le secteur
public et entre 12 000 et 15 000 francs dans le privé. Une hospitalisation
pour suivi et bilan d'une cirrhose revient à 39 800 francs à l'hôpital
et à 24 700 francs en clinique. L'hospitalisation d'un cancer du
foie coûte 39 900 francs dans le public, et 23 400 francs dans le
privé. La prise en charge de ces complications ne se limite pas
à une seule hospitalisation, et génère de nombreux coûts ambulatoires
de biologie, radiologie et soins divers. A ces dépenses s'ajoutent
des coûts indirects importants du fait du caractère très invalidant
de la phase aiguë et des complications de l'hépatite virale.
Les
retards de la santé publique
Il
est dommage qu'aucune étude sur le coût de l'hépatite
virale n'ait été encore réalisée en France. Les traductions
des études étrangères, tenant compte des différences de
coûts des événements de prise en charge d'une pathologie,
et surtout les différences de modes de prise en charge
entre les pays sont fiables, mais les tutelles seraient
probablement plus vite convaincues par une étude nationale.
Cette lacune explique peut-être que la prise en compte
d'un vaccin efficace et permettant de faire des économies
ait été si tardive.
La
pharmaco-économie française accuse encore un certain retard
par rapport aux autres pays européens. Ce retard risque
de se répercuter sur la politique de santé. Il devient
urgent qu'elle acquiert ses lettres de noblesse par une
production significative. Cela ne se conçoit que dans
la mesure ou elle définira des méthodologies reproductibles
et crédibles.
|
Réagissez
à cet article
Retrouvez tous
les dossiers en Economie de la Santé.
1er
février 1995
|
|
|