Sommes-nous
propriétaires
de notre santé ?
Mathieu
Ozanam
12
juillet 2002
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Volonté
du malade contre volonté du médecin
En
recherchant le "consentement éclairé" du malade, le médecin
s’expose à son éventuel refus de soins, comme le reconnaît le nouveau
Code de santé publique en son article L. 1111-2. La volonté du malade
ne s’oppose-t-elle pas alors à l’obligation de soins du praticien ?
Le médecin ne peut accepter le refus de soins qu'après avoir mis
en œuvre tous les moyens de nature à faire prendre au patient la
véritable mesure des conséquences de son refus. La famille d’une
patiente décédée a ainsi obtenu gain de cause en portant plainte
pour non-assistance à personne en danger. Atteinte d'un cancer,
la femme refusait pourtant de recevoir des soins chirurgicaux ou
radiothérapeutiques. Mais le Conseil d'État a jugé, dans son arrêt
du 29 juillet 1994, que le praticien avait commis une faute en lui
administrant des "soins illusoires" qui avaient pu la
conforter dans son opinion sur l’inefficacité du traitement. Elle
avait en outre été adressée trop tardivement à un confrère, qui
aurait ainsi pu lui dispenser une information plus précise et appropriée
sur les conséquences de son refus. D’une certaine façon l’attitude
du médecin a pu la conforter dans sa décision. Autre cas célèbre,
l’affaire du refus de transfusion sanguine de la part d’une adepte
des Témoins de Jéhovah. Victime d'une hémorragie importante, le
médecin avait choisi de passer outre, estimant que l’absence d'alternatives
thérapeutiques et l’urgence de la situation, alors que la vie même
de la patiente était en jeu, l’imposait. Le Conseil d’Etat lui a
finalement donné raison, déboutant la plaignante. Ce type de procès
soulève une question : le médecin est-il condamné à n’être,
d’une certaine façon, que le bras "expert" de son patient ?
La
clause de conscience
La
réponse est assurément négative, dans la mesure où le praticien
peut refuser de soigner un malade pour des raisons professionnelles
ou personnelles, "hors cas d’urgence". L’article 47 du
Code de déontologie médicale établit la clause de conscience. Les
médecins peuvent s’en prévaloir notamment face à une demande interruption
volontaire de grossesse (IVG). Ce droit, envisagé comme un contre-poids
au droit de la femme, a été réaffirmé dans la loi du 4 juillet 2001,
portant de 10 à 12 semaines le délai légal de l’avortement. Stéphanie
Porchy-Simon, professeur à l’Université Jean Moulin Lyon III, fait
remarquer que si la clause de conscience paraît aller à l’encontre
de la volonté du patient de se faire soigner, elle s’applique en
réalité simplement. "Dans 99 % des cas, le médecin n’a
pas besoin de l’invoquer, il adresse son patient à un confrère"
explique-t-elle.
La
personne de confiance : nouvel intervenant de la relation médecin-patient
Ces
questions d’information et de consentement éclairé pourraient se
compliquer un peu plus encore avec la reconnaissance d’un nouvel
acteur dans la relation médecin-patient : la personne de confiance.
Le malade peut se faire accompagner s’il le souhaite lors de la
consultation de son dossier médical. Cette tierce personne, qu’il
aura choisie, pourra également veiller à faire respecter les décisions
que son mandant aura prises, s’il n’est plus en capacité de le faire
lui-même. "Mais qui peut dire que le malade, qui a fait un
choix à tel moment, gardera toute sa confiance à cet personne
indépendamment de nouvelles circonstances pour finalement décider
à sa place ?" s’interroge Yvonne Flour sans pouvoir apporter
de réponse.
Le
colloque de l’association nationale Droits des patients, qui visait
à présenter la vision des médecins et des patients sur les relations
qu’ils entretiennent, a révélé la difficulté de se comprendre quand
le sens donné aux mots n’est pas le même, que l’on soit médecin,
patient ou homme de loi. Il a également montré combien il était
difficile d’appliquer le droit, monde "idéal", à un domaine
aussi sensible que la santé.
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12
juillet 2002
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