Flash-back judiciaire : les règles du jeu
La première décision de justice portant sur un
conflit entre un nom de domaine et une marque date du 22 juillet 1996
et a été rendue par le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux.
En lespèce, la société SAPESO, possédant une filiale ATLANTEL
elle-même titulaire de droits sur la marque ATLANTEL, avait déposé
le nom de domaine atlantel.fr. Or, la société ICARE avait déposé
de son côté auprès de lInternic le nom de domaine Atlantel.com.
Le tribunal a ordonné le retrait du nom de domaine déposé par la
société ICARE.
Le Tribunal de Grande Instance de Nanterre a repris
cet argumentaire dans une décision du 18 janvier 1999
en ordonnant à la société de droit américain W3 System, de procéder
au transfert du nom de domaine en faveur de la société SFR, et en
condamnant la société W3 system à verser à SFR la somme de un million
de francs à titre de dommages et intérêts. Selon les magistrats,
la marque française SFR a été contrefaite par la société W3 system
« du seul fait de lenregistrement la reproduisant ».
Plusieurs décisions ont depuis repris ce principe.
Le périmètre de protection dune marque est
en effet fondé sur le principe de spécialité. Autrement dit la marque
nest protégée que pour les classes des produits et services
visés lors de son enregistrement, et pour le territoire correspondant
à cet enregistrement. La jurisprudence na pas manqué de rappeler
que le principe fondamental du droit des marques simposait
également lors de conflits entre marques et noms de domaines. Notamment
une décision rendue par le Tribunal de Grande Instance de Paris
le 19 octobre 1999 a considéré que le dépôt du nom de
domaine celio.com par un particulier ne pouvait constituer une contrefaçon
de la marque Celio appartenant à la société Marc Laurent, car les
classes de produits et services de cette marque nincluait
pas les services liés à lInternet.
Toutefois, le Tribunal a ordonné la restitution
du nom de domaine celio.com en faveur de la société Marc Laurent
considérant que le dépôt de celio.com par Monsieur Eric. L. causait
un préjudice à cette société « en lempêchant de déposer
son nom commercial, signe distinctif de sa clientèle ».
Ainsi, si les classes de produits et services dune
marque ne permettent pas à son titulaire de sopposer à un
dépôt de nom de domaine incluant cette dénomination, il est possible
d'invoquer lusurpation de dénomination sociale ou de nom commercial
pour récupérer un nom de domaine.
Les Tribunaux font désormais application des principes
décrits ci-dessus, mais ils ne manquent pas dans le même temps de
critiquer vivement les règles dattribution des noms de domaines.
Dans l'affaire ALTAVISTA contre M. R. P., rendue par le Tribunal
de Commerce de Paris le 28 janvier 2000, le tribunal précise
que « lattribution
du nom de domaine selon la règle « premier arrivé, premier
servi » et en labsence dun mécanisme de vérification
préalable efficace, notamment de recherche dantériorité, est
une source de conflits entre les noms de domaines et ceux dautres
identifiants »
.comme une incantation à la réforme
de la procédure dattribution.
Enfin, dans une affaire très récente rendue le
20 septembre 2000 par le Tribunal de Grande Instance de
Nanterre, le créateur dun magazine papier diffusé au Canada
sous le nom Ecran noir, a obtenu sur le fondement des droits dauteur
dont il est titulaire sur le titre Ecran noir, jugé original par
le Tribunal, la restitution des noms de domaines déposés par la
société chargée de lhébergement de son site en France.
Le Tribunal a considéré que le dépôt du nom de domaine reprenant
le titre Ecran noir par un tiers « prive son auteur de la libre
disposition de son uvre et porte atteinte à ses droits dexploitation ».
La société a été condamnée à verser des dommages et intérêts à hauteur
de 50 000 francs à lexploitant du magazine Ecran
noir. Il convient de préciser que lauteur a été en mesure
prouver le caractère original et lantériorité de ses droits
sur le titre.
Dépôt
de nom de domaine : quelle stratégie juridique ?
Deux étapes importantes président au dépôt d'un
nom de domaine :
La vérification de la disponibilité juridique du
nom du site peut être réalisée par des recherches dantériorités
de marques, de dénominations sociales, de sigles et de noms commerciaux
auprès dorganismes spécialisés, notamment des services de
lInstitut National
de la Propriété Industrielle.
A la suite de ces recherches, soit la dénomination
que vous avez choisie est disponible, dés lors vous pouvez passer
à la seconde étape, soit cette dénomination nest pas disponible,
et il est nécessaire denvisager, si le terme choisi semble
incontournable, la conclusion daccords qui porte soit sur
la cession dune marque, un accord de coexistence, ou encore
le rachat dun nom de domaine déposé sans marque antérieure.
La protection juridique du nom du site peut être
opérée :
- par le dépôt dune marque dans les classes
de produits et services correspondant au nom envisagé et incluant
les classes liées aux services et produits en matière dInternet ;
- par lenregistrement du nom choisi en tant
que dénomination sociale, ou à tout le moins en tant que nom commercial.
Ces inscriptions sont effectuées au Registre du Commerce et de lIndustrie
auprès duquel la société exploitant le site est enregistrée. Pour
le dépôt du nom de domaine en .fr, la justification de ces inscriptions
sera nécessaire.
Enfin, pour éviter de tenter les cybersquatters
et en conséquence, la multiplication des conflits, il est conseillé
de procéder aux dépôts de noms de domaine dans les différentes orthographes
possibles et similaires au nom dont vous avez assuré la protection
juridique.