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Septembre 1998

Professeur Claude Marsault,
la Pitié-Salpétrière

La télétransmission d'images en neuroradiologie

Professeur Claude MARSAULT. Chef du service de neuroradiologie de l'hôpital de la Pitié Salpetriêre.

La télémédecine n'est plus de la science-fiction. Elle donne lieu à des initiatives nombreuses qui apportent dans des cas précis de réelles améliorations à la pratique médicale. Ces expériences ne ressemblent pas aux scénarios futuristes que l'on voit périodiquement fleurir dans des médias à sensation : consultations de patients par des spécialistes installés à des milliers de kilomètres, vidéoconférences intercontinentales, opérations chirurgicales à distance… Les réalisations à l'actif de cette nouvelle technique sont plus modestes, moins spectaculaires, mais bien réelles et efficaces. L'Assistance Publique des Hôpitaux de Paris est engagée depuis plusieurs années dans cette voie. Le réseau TELIF (Télémédecine en Ile de France) relie déjà 28 hôpitaux et devrait s'ouvrir prochainement à 15 autres. La multiplication des expériences nouvelles et le nombre des projets à l'étude a décidé l'Assistance Publique à créer une mission télémédecine depuis le début de l'année 1998, dirigée par le Dr Catherine Viens-Bitker. Nous avons demandé au Professeur Claude Marsault, Chef du service de Neuroradiologie à l'hôpital de la Pitié-Salpétrière et Président du comité de pilotage du TELIF de faire le point sur l'expérience de l'Assistance Publique.

Quelles ont été les premières expériences de télémédecine à l'Assistance Publique et comment le réseau TELIF (Télémédecine en Ile de France) s'est-il mis en place ?

Appareil d'artériographie monoplan

Les choses ont réellement commencé en 1994, dans un domaine où la télémédecine a immédiatement montré des avantages décisifs : celui de l'urgence neurochirurgicale. Voici un domaine où la création de nouveaux services est particulièrement onéreuse, où le transport des patients l'est également : d'une part en termes de coût financier, d'autre part en termes de "pretium doloris" - il est rarement agréable de faire 30 kms en ambulance de réanimation lorsque l'on vient de subir un grave trauma crânien.

En Ile de France existe ce qu'on appelle la "grande garde" de neurochirurgie. Elle était à l'époque assurée à tour de rôle par 7 hôpitaux. A cette même époque, c'est un heureux concours de circonstances, le scanner venait de devenir l'examen initial des traumas crâniens ou des accidents vasculaires cérébraux. Cet examen, étant numérisé d'emblée, se prêtait bien à la transmission de données informatiques.

Nous avons donc mené une double étude :

  • Economique : pour savoir si l'on pourrait grâce à la télétransmission éviter de nombreux transports inutiles.

  • De faisabilité médicale : l'envoi d'images réalisées dans les sites d'urgences de premier accueil et analysées dans les services de neurochirurgie améliore-t-il la prise en charge par rapport au transport systématique de tous les patients dans le service de neurochirurgie de garde ?

La réponse aux deux questions ayant paru positive, l'expérience fut tentée. Elle donna immédiatement des résultats extrêmement positifs. Un seul chiffre suffit à le prouver : lorsqu'on envoie les patients en neurochirurgie après transmission d'images 1 sur 10 seulement est renvoyé dans son hôpital d'origine. Lorsqu'on le fait sans transmission d'images, ce sont 2 malades sur 3 qui sont renvoyés parce que leur cas ne relève pas de la neurochirurgie. Vous imaginez les avantages pour les patients et pour la Sécurité Sociale.

L'expérience s'est donc rapidement étendue

Bien sûr. Nous avons commencé uniquement au sein de l'Assistance Publique pour vérifier si tout cela était réaliste et faisable. Puis nous l'avons très vite étendu à toute l'Ile de France (d'où le nom de TELIF). Aujourd'hui le système s'est encore développé puisque des hôpitaux en périphérie de l'Ile de France (Senlis par exemple en Picardie) et même dans les DOM-TOM en bénéficient. Des habitudes ont été prises à la fois par les urgentistes (faire réaliser rapidement le scanner sur place) et par les neurochirurgiens (déplacement immédiat dès que le signal indiquant une transmission d'images retentit, conservation des images pour la " traçabilité " en cas de problèmes ultérieurs, rappel systématique de l'urgentiste au téléphone pour discussion du cas). Ces habitudes ont considérablement amélioré le système.

La télémédecine apporte donc un réel progrès dans la gestion des urgences ?

Tout à fait. Mais attention : il faut bien comprendre qu' un tel succès est dû à des circonstances particulières. Un scanner d'exploration encéphalique nécessite de 12 à 20 images environ. Le délai de transmission est donc court. Par ailleurs cet examen, en matière d'urgence neurochirurgicale, donne des renseignements essentiels. Les choses seraient sans doute beaucoup plus compliquées dans d'autres domaines où plusieurs examens seraient nécessaires.

Le scanner : un examen qui se prête bien à la télétransmission

Il faut donc choisir avec soin les indications de mise en place de tels procédés. Mais pour ma part je suis convaincu que les applications vont se multiplier dans le domaine de l'urgence. Il suffit d'avoir fait quelques gardes dans sa vie pour comprendre que vous ne réagissez pas de la même façon à 3h du matin lorsque vous êtes seul ou lorsque vous savez que vous pouvez bénéficier d'une expertise et d'un dialogue avec un spécialiste à qui vous avez télétransmis les données qui vous posent problème.

Des applications en dehors de l'urgence sont-elles aujourd'hui en cours ?

Oui. Je suis pour ma part tout à fait favorable à l'extension de la télémédecine en dehors de l'urgence et au delà de l'Assistance Publique. Ceci permettra d'ailleurs d'introduire une notion de "concurrence" dans la qualité par la mise en place de réseaux de référence et de dialogue. Dans le domaine du cancer par exemple, nous avons entrepris une coopération avec l'Institut Gustave Roussy à Villejuif pour l'installation de centres de référence. Les médecins non spécialistes peuvent ainsi dialoguer avec des équipes de compétence reconnue. Il est très important à cet égard que ce soit un échange et non un circuit à sens unique. Si le système ne vise qu'à drainer plus de patients vers un CHU sans informations en retour, il fonctionnera peut-être quelques mois puis les correspondants finiront par ne plus se sentir concernés. Par contre s'il y a demande d'avis puis dialogue nous arriverons à le pérenniser. C'est ce qui est en train de se passer : dans un nombre de cas significatif l'avis du médecin traitant concernant le transfert ou non d'un patient par exemple s'impose à l'équipe spécialisée car celle ci ne peut prendre en compte aussi précisément que le médecin de famille de nombreuses données concernant l'environnement du patient et ses propres souhaits. Il n'est pas rare que le patron de CHU et son staff demandent au généraliste : "et vous, finalement, qu'en pensez-vous ?"

S'engager dans la voie des centres de référence comporte des exigences. Il faut tout d'abord envisager une base plus large. TELIF deviendra probablement un jour TELFrance et s'étendra peut-être même à l'échelle européenne. Il faudra accepter la transparence et -disons le mot - la concurrence éventuelle entre centres qui seront jugés sur des critères tels que : délais de réponse, qualité, compétence des intervenants…Il faudra également mettre en place systématiquement des chartes de qualité pour chaque réseau.

Enfin d'autres applications sont de bonnes indications pour la télémédecine : surveillance des handicaps, maintien à domicile, interprétation d'examens (ECG, etc.).

Quels sont les protocoles de transmission de données actuellement utilisés et comment se posent les problèmes de confidentialité inhérents au domaine médical ?

Comme partout aujourd'hui le réseau Internet et le protocole TCP/IP sont en train de s'imposer. Les réseaux fermés ont fait leur temps et atteint leurs limites. L'Internet nous donne désormais accès à des bases de données et à des possibilités d'échange phénoménales. Bien entendu son utilisation oblige à se poser les questions de la sécurité des données : confidentialité, cryptage, authentification… Même si je suis partisan de la communication tous azimuths, je pense qu'il faut établir des conditions drastiques sur la protection des données en médecine, y compris si cela doit entraîner certaines limitations et des coûts supplémentaires. D'où le recours à des solutions de cryptage ou de réseaux de type Intranet avec différents niveaux d'accès selon le statut des intervenants.

Quels sont les problèmes médico-légaux actuellement rencontrés : responsabilité, respect des droits des patients…?

Plusieurs institutions et notamment le Conseil National de l'Ordre ont déjà mené à ce sujet des réflexions qui me paraissent exemplaires. Tout d'abord il ne me paraît pas possible d'envisager une responsabilité partagée. Chaque intervenant a un rôle à tenir et dans ce rôle il a 100% de la responsabilité. Celui qui demande un avis a une responsabilité évidente : celle de la prise en charge du malade, puisque ce dernier est à côté de lui, puisque c'est lui qui l'a examiné. Dans le cadre de la télétransmission sa responsabilité consiste premièrement à transmettre des données cliniques correctes, deuxièmement poser les bonnes questions, enfin transmettre les images ad hoc pour que celui qui va répondre puisse le faire correctement. Quelle est la responsabilité de celui qui va donner son avis ? C'est bien évidemment de donner un avis compétent par rapport à l'ensemble des connaissances actuelles et même pouvoir aller jusqu'à refuser de donner un avis, soit parce que les données transmises sont de mauvaise qualité, soit parce qu'il ne se reconnaît pas la compétence suffisante pour donner un avis dans le cas d'espèce. Ceci nécessite que le rôle de chacun soit clairement déterminé, ce qui n'est pas nouveau en médecine : je suis neuroradiologue et je travaille évidemment en étroite collaboration avec les neurochirurgiens. Si, en présence d'un anévrysme intra crânien je discute avec le neurochirurgien et que je lui déclare que je pense être en mesure de traiter cet anévrysme par voie endovasculaire sans intervention chirurgicale, c'est moi qui prends évidemment la responsabilité de l'acte thérapeutique. En définitive la notion de responsabilité partagée me paraît plutôt correspondre à une fuite devant les responsabilités.

Les textes législatifs, réglementaires et la jurisprudence avancent-ils du même pas que le vôtre ou bien êtes vous obligés de progresser dans un relatif vide juridique ?

Il y a encore des problèmes. Non pas un vide juridique total mais des incertitudes. Et notamment un manque de codification des actes de télémédecine. Il existe des prises de position du Conseil de l'Ordre mais qui restent relativement ponctuelles, même si c'est sans doute lui aujourd'hui qui a le moins mal répondu à cette situation nouvelle. Quant à la jurisprudence, elle est encore très limitée, ce qui est plutôt un bon indicateur de la qualité de la télémédecine qui a entraîné à ce jour peu de contentieux. Je pense pour ma part qu'il serait positif de commencer à édicter des textes précis sur le sujet.

Pour revenir à la codification, il est clair que la télémédecine entraîne pour les experts un travail supplémentaire qui, en l'absence de précisions ne peut être tarifé. C'est donc un coût qui grève les budgets des services et des établissements et cela ne pourrait continuer indéfiniment. Bien sûr, comme je le disais tout à l'heure en prenant l'exemple de la neurochirurgie, la télémédecine permet de faire globalement des économies importantes, mais c'est la répartition des coûts qu'il faudrait préciser car à l'intérieur de cette économie globale, certains services voient néanmoins leurs coûts augmenter. L'APHP a commencé à établir des lettres clés pour certaines interventions derrière les consoles de transmission.

La télétransmission pose-t-elle encore des problèmes de qualité de l'imagerie médicale notamment dans le domaine de la définition des images ?

Cette période est révolue, en tous cas dans ma spécialité. Il est probable qu'aujourd'hui persiste une moins bonne définition dans de rares domaines : radios de thorax et mammographies qui s'interprètent peut-être mieux pour l'heure sur un négatoscope. Mais en neuroradiologie c'est plutôt le contraire : les consoles de traitement d'images en réseau dont nous disposons ici selon la norme DICOM 3 nous permettent de recevoir des images du monde entier avec une précision totalement satisfaisante.

De nouveaux logiciels permettent la reconstitution  des images en 3 dimensions

A quel rythme se développe aujourd'hui la télémédecine à l'hôpital et en dehors de l'hôpital. Reste-t-elle le domaine de quelques pionniers ou assiste-t-on à un vrai décollage ?

En radiologie la plupart d'entre nous, aussi bien dans le public que dans le privé considérons désormais que la transmission des images est un élément important en terme de diagnostic. Par contre les avis sont partagés sur l'intérêt de transmettre systématiquement ces images pour qu'elles soient enregistrées sur les dossiers médicaux individuels dans l'immédiat.

Dans les autres disciplines, mon impression est que ceux qui utilisent les images en général : chirurgiens, endoscopistes… sont très demandeurs. La demande est en train de croître également de la part des enseignants et des chercheurs.

Cela dit il convient également de faire quelques mises en garde. La première consiste à dire que l'image - et par conséquent sa transmission - ne résume pas à elle seule le diagnostic. La télémédecine ne doit donc pas faire perdre de vue l'importance de l'examen clinique par exemple. Elle ne peut se limiter aux images et doit prendre en compte la totalité des informations.

Ceci m'amène à évoquer le problème de la vidéoconférence. Elle me paraît - aujourd'hui en tous cas - pouvoir être utile dans les échanges de staff à staff mais beaucoup moins pour le médecin isolé : il reste encore trop de problèmes à résoudre. Quant à l'aide à distance dans le cas d'actes opératoires, j'y suis très hostile. Vous feriez-vous opérer par un chirurgien qui a besoin de conseils donnés à distance en vidéo par un confrère plus compétent ?

La direction de l'APHP est-elle fortement engagée dans ce domaine ou a-t-elle une position attentiste ?

L'AP est à mon avis très motivée par les expériences de télémédecine et a été très promotrice, avec d'autres centres comme Bordeaux, Nancy et Lille. Plusieurs groupes de travail ont été créés. Sur le plan budgétaire, l'AP met de l'argent sur la télémédecine. Elle considère que les initiatives dans ce domaine ne doivent pas être envisagées, pour ce qui la concerne, discipline par discipline, mais doivent être considérées dans une perspective globale. Chaque hôpital est ainsi doté de moyens propres qui sont mis à la disposition des différentes spécialités concernées par le développement de la télémédecine.

La télémédecine vous paraît elle adaptée à la formation médicale continue ?

Cela me semble un point fondamental. Dans ce domaine la télémédecine peut être un merveilleux outil, appelé à de forts développements, en association bien sur avec d'autres moyens. Je distinguerai deux cas :

  • Celui des bases de données constituant des références consultables. Les choses sont ici bien avancées. Je pense par exemple à la base de données d'imagerie médicale constituée par le CHU de Rennes qui met gratuitement à la disposition de tous les médecins qui souhaitent les consulter des milliers de documents (radios, scanners, IRM, etc…) avec les explications et les descriptions correspondantes. Si un médecin souhaite rafraîchir ou perfectionner ses connaissances en matière d'imagerie cardio-vasculaire par exemple, il lui suffit de se connecter au site Web du CHU de Rennes où il trouvera une documentation tout à fait exhaustive. Le nombre de domaines mis en ligne sur ce site et approvisionné par des spécialistes de toute la France ne cesse d'augmenter.
  • Celui de la formation médicale continue organisée par des institutions spécialisées et destinée aux médecins dans le cadre de la FMC obligatoire depuis les ordonnances "Juppé" de 1996. Comme vous le savez celle-ci a pris un retard important et n'est toujours pas instaurée officiellement malgré les textes qui la prévoient. Je pense que cela ne devrait plus tarder. Dans cette attente des modules de FMC en ligne sont en train d'être mis au point, notamment par l'UNAFORMEC.

 

20 septembre 1998

    
 
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